Que voulaient dire toutes ces mises en scène et pratiques dans la case des hommes. Aujourd'hui, je me le demande comme tant de chose que j'arrive toujours pas à donner forme et me l'expliquer. Par exemple très souvent, on nous demandait de baisser le regard, de baisser la tête, en vrai, je comprends maintenant que tout cela n'était qu'une façon de cultiver l'humilité en nous. Par ailleurs, apprendre à se résigner devant les difficultés que pourraient nous infliger la vie. toutes ces pratiques visaient à faire de nous des moines. Une vérité générale semble me revenir à l'esprit: « les leçons de la vie ne s'acquièrent que dans la douleur»
Notre éducateur aurait il compris cela ? Voulait il cultiver le meilleur de nous? Justement quel mépris pouvait-il avoir contre nous ? et pourquoi d'ailleurs pouvait-il nous mépriserait de pauvre enfants d'autrui; je m'interroge.
Izbody ne riait jamais, il était sans doute accablé par le poids de la responsabilité car il était responsable des enfants fraîchement arrachés à leurs parents et posés entre ses mains, cette lourde responsabilité était couronnée de la confiance de mon grand-père, de notre grand-père, qui l'avait recruté. Avoir la confiance de ce grand caissier était déjà pesant. Il était un des rares expert-comptable de la région de kolda en son temps dans les 70, 80. El-Hadj Amadou COULIBALY.; une partie de ces ancêtres lui venait du Mali. Puis du Mali, il avait préféré le St-Luis du Sénégal au détriment du Mali. Oui il était plus du Mali qu'ailleurs. Puis il transite pour kolda dans le cadre du travail affecté à la poste. Louga était une ville de refuge quand les affaires devenaient arides pour lui comme le climat d'ailleurs. Puis il était à ziguinchor pour ensuite revenir définitivement à kolda. On le voyait plus comme un St-Luisien vu son comportement plus commode, plus coquet. Comme nous le savons St-lui du Sénégal est une ville historique ayant été capitale de l'AOF puis du Sénégal et étant un lieu très prisé par les colons en ce temps là. Ces faits donnaient aux habitants des autres régions un regard différent vis-à-vis des ressortissants de St-Luis. Mais je pense que l'attitude et l'allure du bureaucrate de notre grand père lui venait du fait qu'il ait fréquenté et travaillé avec les blancs mais était également français de nationalité qu'il avait hérité de Pape Samba COULIBALY et Hamza DIAKHITÉ. Respectivement le nom de son père et de sa Maman qui, eux de nationalité française aussi. À reparler que le Sénégal était sous protectorat français en ce temps-là, donc après l'indépendance ils étaient libre de renoncer ou pas à la nationalité française.
Coulibaly caissier, le nom par lequel ses affectueuses collaborateurs l'appelaient. Était un homme qui ne parlais pas beaucoup mais plusieurs autorités politiques de la ville parlais de par sa plume, une plume moliéresques, un homme de culture. Que dire de sa dimensions sociale dont sa femme déroulait à merveille avec la plus grande sobriété. La dame Niang ''baalo Seydou Ma'' mais également avec un désintéressement inouï. Une mère qui sait se résigner quand les choses vont mal, une vraie ''mouñkat'' une femme qui épaulait son mari: ce genre qui n'hésiterait pas à vendre leurs bijoux de valeur pour le bien de son mari, de ses enfants bref de sa famille. Nous, ses petits fils l'appelons Mére dollars. Eux deux (Coulibaly caissier et dame Niang) sont mes grands parents maternels. Un couple presque parfait deux personnes qui s'étaient vraiment trouvées. L'agissement de l'un allait toujours vers l'intérêt de l'autre qui était de servir son prochain quitte en à priver les membres de leur famille.
Leurs enfants ne manquaient de rien heureusement, ils s'évertuaient à mètre à l'abris du besoin toutes leurs progénitures. Ils savait faire la part des choses cependant, entre éducation et élevage. Ils inculquaient plus le culte du travail à leurs chers enfants; le ''Niak djeuriñiou.'' Mis appart les filles qui étaient un peu gâtées. Elhadj Amadou COULIBALY était respecté et adulé dans le quartier, les HLM Sikilo. Ce lieu était considéré comme celui des intellectuels, des branchés ou mieux des notables car abritant la gouvernance, la senelec , le TP (les travaux publics), la maison du sous préfet, le cadastre... Alors comment serait vu les petits fils du notable Coulibaly adoptant un comportement ou attitude le plus impoli qu'il soit ? Non la famille entière pourrait en être ostracisé par de la famille des Malinké.
C'est notre cher grand père dont la charge de nous éduquer était donnée par nos parents respective.
C'était lui qui avait donné à son tour à Izbody de gérer notre séjour dans « la case des hommes ». Et j'imagine que cette même responsabilité représentait un réel fardeau pour notre ''Salbé''. C'est pourquoi il était sans doute infaillible. C'est de cette même responsabilité semblait enseignée Antoine de St-Exupéry dans vol nuit. Cette responsabilité enseignée à travers le personnage de Rivière que les critiques juge sans Coeur. La sublimation du moi par l'action, le dépassement de soi.
Je comprends aujourd'hui que Izbody était un homme de grand cœur qui nous considérait comme ses fils ou neveux. C'était un visionnaire, il prévoyait déjà les difficultés de la vie, les coups bas. Il avait toujours voulu nous faire comprendre que dans la vie tout n'est pas rose. Ce grand monsieur voulait faire de nous des résistants, une meilleure qualité d'homme.
Il ne dormait presque pas, il veillait au grain au moment où nous dormions à poing fermer. Il assistait sur la position de nos couchettes car on devait toujours nous coucher sur le dos pour éviter de nous blesser.
Quand je repense à tout cela, je revois ho combien il se sacrifiait pour nous pour notre bien Et laissant sa femme et ses enfants bref sa famille. il prenait plus soin de nous que de sa propre personne.
Comment oublier ses nombreuses nuits blanches qu'il s'efforçait à passer, il était le gardien de nos sommeils. Il m'arrivait même parfois de le surprendre en plein nuit de s'apitoyer sur notre sort. Parfois j'avais l'impression de le voir verser des larmes rien qu'en nous observant dormir. Je comprenais également qu'il avait pitié de nous malgré tout.
En réalité Izbody nous aimait, il avait un grand estime à notre égard. Car à son retour après avoir quitté la maison je les avais surpris au salon mon grand père et lui discutant. En ces périodes nous avions la liberté de sortir de notre chambre. Et là je l'entendais se confiant en disant: « ces circoncis je les considère comme mes enfants, quand je les regarde je vois en eux leur innocence, leur vulnérabilité. Mais face aux exigences de la vie, je ne peux être intransigeant à leur égard pour les préparer au pire dans la vie d'un homme ». A ces mots j'avais même les larme aux yeux car je sentais la sincérité dans sa voix sanglotant à chaque mots. De l'autre je comprenais pas à quoi il faisait allusion en parlant de difficultés, des exigences de la vie... J'en avais assez entendu, je me retirait aussitôt pour aller en informer aux autres que notre protecteur Izbody allait revenir car je l'ai vu entrain de discuter avec le vieux. En précisant également qu'il aurait pris cette décision au delà de ces principes et en mettant sa dignité de côté mais en pensant particulièrement aux enfants que nous sommes. La dispute l'avait beaucoup affecté car des mots dures et blessants avaient été échangés. Malgré tout il était revenu pour nous pour poursuivre son formatage du nouvel homme, faire de nous des êtres hybrides. Devenir des hommes adaptés compatibles aux malléabilité du monde.
A son retour, les choses avaient une tournure me semblait-t-il différentes comme par exemple il nous obligeait plus à manger le « Diakhatou » l'aubergine à chaque bouché. Et pourtant durant tout au long de notre séjour l'aubergine était le seul légume dont on avait droit de manger. Il avait estimé que nous étions presque guéri donc nous avions droit à certains privilèges. Ainsi j'en profitais pour lorgner la rue à travers la porte de la maison que je n'avais pas touché depuis des semaines. Vu de loin la rue me paraissait changer tout paraissait différent me semblait il. J'avais hâte de retrouver la rue ainsi que mes vielles habitudes. Sans parlais de mes camarades de rue. Plusieurs d'entre eux ne pouvaient pas avoir accès à la case des hommes. Car l'accès n'était possible que pour des hommes déjà circoncis, certains même après l'épreuve manquaient le courage et la volonté du accès. J'avais perdu les notions de la rue. Devant la porte, debout et pourtant j'étais absent car de par mon imagination je revisitais tout le quartier, les coins et recoins de mes endroits préférentiels. J'entendais l'appel de Izbody me semblait il comme des rêves, il a fallut pour lui d'insister pour que je puisse revenir à moi. Il m'ordonna de rejoindre la chambre, mais avec tendresse comme s'il avait compris que la rue me manquait. Ainsi il me rassura en disant que bientôt je vais pouvoir rejoindre la rue.