À PANAME

18 11 9
                                    

En cette fin d'été, le ciel s'étirait en un gris mélancolique, recouvert d'un amas de nuages compacts. L'air était frais, presque glacial, et une brise légère s'amusait à faire danser les quelques arbres du Square du Vert Galant.

Les mains enfoncées dans les poches de son jogging, le regard perdu dans l'infini, Alex se laissait une fois de plus emporter par la rêverie. En revanche, Ben, tout proche, semblait moins enchanté par cette évasion mentale.

- Hé, interpella-t-il son ami. T'en as pas marre de rester là à rêver ? Moi, je me les gèle pendant que tu pars en transe. Se plaignit Ben, fatigué d'attendre dans le froid.

Un regard amusé de la part d'Alex, jeté à son ami d'enfance qui se tortillait d'une drôle de façon à cause du temps, déclencha un début de sourire chez ce dernier.

- Et toi, reprit Alex, t'en as pas marre de geindre comme un gamin à tout bout de champ ? Il se remit en marche. Allez, viens, on va se réchauffer.

Soulagé à l'écoute de ces paroles, Ben suivit Alex.

Meilleurs amis depuis l'enfance, jamais l'un sans l'autre, ils étaient inséparables. Ben, amateur de basket, grand de taille, avec des boucles noires et des yeux assortis, était un jeune homme aux sourires radieux. À 21 ans, il conservait une âme d'enfant, toujours souriant, un drôle d'énergumène à la compagnie des plus agréables.

Alex, du même âge que son ami et tout aussi grand, était pourtant son contraire en tous points. Amateur de livres et d'art, il se définissait par sa tranquillité et sa maturité. Peu bavard, rarement souriant, il passait souvent pour terne, mais son apparence avantageuse - peau basanée, yeux noisettes, et une posture qui semblait noble selon ses admiratrices - attirait toute l'attention de ceux et celles qui croisaient son chemin.

En chemin, un bar attira brièvement l'attention d'Alex. Il reconnut l'endroit où Benoît et lui avaient eu leurs premières cuites leur majorité atteinte.

Thomas, le père de Ben, se dit qu'il était grand temps pour ces jeunes de découvrir "la 8ème merveille du monde" : le vin français. Il en parlait avec une passion débordante.

- Les jeunes, sachez que le vin français, cette 8ème merveille du monde, n'est pas une simple boisson. Ce n'est pas un vulgaire whisky ou une bière que l'on avale d'une traite. Il faut le déguster, savourer chaque goutte qui caresse votre palais. Il saisit la bouteille sur la table, versa le précieux liquide dans son verre et poursuivit, Ceci est un Château Margaux. Cette bouteille a trois belles années. Et nous...

Après quelques millilitres, la bouteille était mystérieusement vide. Thomas et Alex échangèrent un regard surpris, interpellant un employé lorsqu'ils virent la coupe pleine de Ben. Ce dernier l'avala d'une traite et offrit un large sourire à la tablée.

- T'as raison, p'pa, s'exclama-t-il avant de roter. C'est pas dégueu, ce truc. Ça a le goût de fruits rouges. Une autre bouteille, m'dame, demanda-t-il à l'employée près de son père, avant de laisser tomber lourdement sa tête sur la table.

Thomas, Alex, et la serveuse, les yeux grands ouverts, fixaient Ben, choqués. Thomas se leva et dit d'un ton sec et sévère :

- Fiston, on rentre !

- J'arrive, répondit Ben, les joues rouges, essayant de tenir debout avant de retomber sur sa chaise. La chaise veut pas me laisser partir. Je crois qu'elle m'aime bien. Il éclata de rire.

- C'est pas à toi que je m'adresse. Toi, je te renie. Espèce de sauvage. Dit il s'adressant à Ben. Mimant des guillemets, il ajouta, C'est pas dégueu, hein ? Un Château Margaux ? Pas dégueu ? Les mains sur les hanches, la tête levée vers le plafond, Thomas perdit son calme, soupirant bruyamment avant de lancer un regard furieux à son fils qui essayait d'embrasser sa chaise.

MAËLLE'S HOPEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant