La chute sembla durer une éternité. Les yeux de Jayu, rivés vers le ciel, contemplaient pour ce qu'elle pensait être la dernière fois, les nuages difformes et élégants qui la surplombaient. Son corps n'existait plus, seul son cœur bondissait encore avec angoisse dans sa poitrine. Ses cheveux se soulevaient avec la pression de l'air, masquant son visage inexpressif. Plus Jayu descendait, plus la pression était grande, prenant un total contrôle sur son être. Une pierre, provenant sûrement du rebord écroulé, vint s'écraser au sol après avoir heurté son oreille droite. Une légère gerbe de sang s'en échappa alors. Soudain les cinq sens cessèrent d'exister et le corps, horizontal, de Jayu se redressa légèrement, avec une intense difficulté. On aurait dit que c'était l'effort le plus incommensurable qu'elle ait eu un jour à fournir. La jeune fille ressentit toute les émotions possibles dans une explosion de sentiments, une explosion d'envie, une explosion de vie. Je ne veux pas mourir, se dit-t-elle. Plus rien n'existait à part cette certitude.
Jayu entra en contact avec le sol. Le monde se brouilla et plus rien n'eut d'importance. Je ne veux pas mourir, répéta-t-elle, pendant qu'elle sentait tous les os de son corps se réduire en cendres et chaos. Je ne veux pas mourir. Tout devint flou, le haut et le bas se confondait et même la terre s'était arrêtée de tourner. L'univers se résumait à une phrase, une sensation, un instant. Je ne veux pas mourir. Jayu expira, ses yeux toujours rivés vers le soleil se fermèrent.Une douleur foudroyante réveilla Jayu dans un sursaut de souffrance. Ses yeux s'ouvrirent brusquement scrutant frénétiquement les alentours, essayant de reconnaître l' endroit où elle se trouvait. Elle se redressa vivement ignorant son corps qui l' avertissait et l'implorait de le laisser se reposer encore un peu. Peu lui importait, elle continua d'analyser l'endroit où on l'avait amenée. Devant la jeune fille, se tenait une petite commode où trônait un flacon à moitié vide et, encore, une seringue posée à côté. Jayu était assise sur un matelas qu'elle jugeait extrêmement moelleux, compte tenu de ses habitudes. Le plafond lui semblait particulièrement proche, peut-être parce que c'était le cas, et la lampe qui se balançait au dessus d'elle lui frôlait le haut du crâne. Une carafe d'eau reposait à ses côtés accompagnée d un verre d'eau, rappelant à Jayu l'étendue de sa soif. Elle voulu attraper ledit verre mais à peine avait elle esquissé un mouvement qu'une douleur atroce la tirailla. Son regard de loup errant se dirigea aussitôt vers la source de sa souffrance, son bras droit. Le membre était boursouflé et sa couleur oscillait entre écume et nuage. Jayu tenta de bouger ses doigts; ils lui obéirent du mieux qu'ils pouvaient, mais ne réussissaient qu'à se plier légèrement en infligeant un supplice inimaginable à la blessée. Tout en haut de son bras, un garrot était posé avec efficacité, tant il compressait son membre. Il semblait de grande qualité vu l'enchevêtrement complexe des attaches et l'inscription dorée qui brillait faiblement dans la semi pénombre dans laquelle se trouvait Jayu. Sur une petite étiquette était marqué l'heure à laquelle son propriétaire l'avait posé. La jeune souffrante remua délicatement son deuxième bras qui se montra plus coopératif, bien que ankylosé, couvert de bleus et de maintes égratignures. Sa main gauche souleva donc le morceau de papier et l'approcha autant que possible vers son visage. Il fallut plus d'une minute à Jayu pour parvenir à déchiffrer les quatre chiffres griffonnés à la va-vite. Enfin elle réussit à lire 17h15. Aussitôt, l'alitée se tordit le cou pour voir si une fenêtre était présente dans cette pièce austère, car aucune ouverture n'était présente devant elle. Jayu commença à angoisser, sachant qu'il fallait impérativement enlever le compresseur deux heures après sa pose. Quelle heure était-il ? Jayu tordit sa seule main valide, et son cœur s'emballa à toute vitesse. Pitié, faites que mon sauveur ou mon ravisseur, n'importe, vienne et me délivre de cet étau. Elle pria encore et encore, répétant inlassablement cette litanie. Pas le moindre rayon de soleil ne venait éclairer ses larmes et ses sanglots. Seule la pénombre l'entourait de ses bras si affectueux, si tentant, si dangereux. L'espace autour d'elle devenait vitreux et l'oxygène lui manquait. La douleur n'était presque plus perceptible dans son bras. Dormir serait si facile..
Seulement, le destin ne fut pas clément pour elle, et une main la ramena à sa dure réalité, libérant ainsi Jayu de son angoisse destructrice.
- Meurs pas tout de suite, ma belle, ce serait dommage que tu rates la suite de ton histoire.
Cette voix suave et pourtant si autoritaire, presque robotique, réveilla Jayu mieux qu'un jet d'eau glacé.
- Où suis je?
- Question appropriée, je te l'accorde, mais un peu classique, c'est bien dommage.
- Je ne vous demande pas d'analyser mes paroles mais d'y répondre, répondit Jayu, son mordant revenant avec sa lucidité.
La voix rit doucement, s'éloignant imperceptiblement. La jeune fille tenta de la suivre mais son écho semblait rebondir de partout, résonnant même à l'intérieur de son âme.
Soudain une main froide et sèche , saisit son bras et le tendit brutalement, lui arrachant un cri de surprise et de douleur. Une autre attrapa la petite lampe et la posa sur une petite table de nuit braquant la lumière sur ledit bras, coupant net la possibilité de Jayu de voir un tant soit peu le visage de la mystérieuse voix . Un pouce - ou serais ce un index ? - passa sur l endroit compressé par le garrot et le caressa lentement. Au fur et à mesure, Jayu sentit la douleur s apaiser et se détendit lentement. Néanmoins elle gardait à l esprit les dangers de sa situation.
- vous ne m avez pas répondu tout à l heure.
Un souffle. La deuxième main approcha et banda la zone douloureuse, avec une étoffe d une texture soyeuse et extrêmement agréable. La tâche accomplie, l individu éteignit la lanterne et Jayu sentit la présence à sa droite se déplacer et passer derrière elle, pour ensuite s immobiliser. Elle attendit que la voix se manifeste à nouveau mais en vain. Devait elle reposer sa question ? Non, inutile il y aurait répondu dès la deuxième fois si telle était sa décision. Elle tenta une autre approche
- vous n êtes pas très loquace.
- pourquoi devrais-je l être?
Quel individu désagréable! Jayu bouillait de colère et maudissait le ciel de lui avoir envoyé un sauveur aussi énigmatique. En désespoir de cause, elle essaya une autre méthode.
- merci de m avoir sauvée
- mais je vous en prie.
- pourquoi l avoir fait?
- quand on trouve une jeune fille inconsciente dans une grande benne à ordure en plein milieu d une rue inhabitée c est compliqué de l ignorer non ?
- certes.
- tu n'est pas non plus très loquace ma belle
- je m adapte à chaque personne que je rencontre.
Une nouvelle fois la voix pouffa. Jayu renchérit
- maintenant que vous m avez réanimée et que j ai retrouvé ma lucidité, je pense que je vais m en aller. Merci pour tout, à part pour votre mystère insupportable.
- tu es bien impertinente, ma belle. Crois tu vraiment être sur pied alors que la moitié de tes membres gisent misérablement sans pouvoir bouger? Ton bras droit est sûrement cassé et tes jambes sont en bien mauvais état tout comme ton beau minois.
Jayu baissa les yeux tentant une nouvelle fois de remuer le bras droit mais est tout de suite rappelée a l ordre par la douleur. Elle essaya ensuite de bouger les jambes qui lui obéirent un peu plus, mais si lourdes et meurtries que Jayu croyait essayer de soulever des montagnes. Enfin sa tête pesait abominablement sur ses épaules, et Jayu sentait bien que son corps ne pourrait pas supporter l effort de se lever. Elle se laissa retomber à plat dos sur le matelas, résignée. Le bruissement derrière elle, lui indiqua que la mystérieuse personne s était assise. Elle entendit un frottement caractéristique et une flamme sortit brusquement, dans un craquement digne d un feu d artifice. La faible lueur éclaira légèrement le plafond que fixait Jayu lui montrant une ombre gigantesque. L homme fit craquer une ou deux fois encore son briquet créant un jeu d ombres et de lumière dans la pièce. Puis le spectacle prit fin et Jayu sentit une odeur âcre s élever autour d elle. Au fur et à mesure qu elle l inspirait, la senteur se faisait plus doucereuse, plus tentante, plus irrésistible.
- laisse toi porter ma belle. Ne résiste pas.
Les effluves se font plus présente en Jayu. Elles semblent si douces, sans danger... après tout, pourquoi résister ?
- Ne résiste pas ma belle.
La voix a l air si bienveillante maintenant, Jayu ferait mieux de l écouter. Elle ferme les yeux et s abandonne à la délicieuse sensation d un sommeil drogué.
Ne résiste pas...
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Sonjil
General FictionDans un monde apocalyptique dans une coree réunifiée on a réussi à mettre au point un système qui nous permet de réguler notre âge et notre condition physique c est donc un monde où règne la liberté de chacun dans son corps. Un cadre idyllique mais...