Par Tavi Dromio
" Pourquoi, parce qu'elle est encore pire ? s'étonna Gâraz. Par Boéthia, je vois mal comment ce serait possible.
- C'est une ruse, affirma Xiomara en commandant trois nouvelles chopes. Peux-tu vraiment imaginer qu'il soit possible de rendre encore plus minable une histoire mettant en scène cannibalisme, massacres d'esclaves sans défense, sans oublier quelques carcasses d'animaux putréfiées.
- Dois-je prendre cela pour un défi ? grogna Hallgerd. Bien vous l'aurez voulu, tous les deux. Vous vous souvenez où on en était ?
- Arslic Oän est propriétaire d'un château attaqué par des Nordiques barbares et cannibales, répondit Xiomara en se retenant de rire. Après plusieurs tentatives pathétiques pour obtenir de l'eau, il charge son armurier, lequel répond au nom improbable de Gorklith, de fabriquer les premières armures d'ossements pour ses esclaves, et l'un d'eux parvient à ramener une jarre d'eau. "
Certes, ce n'était qu'une seule jarre et Arslic Oän la but presque en totalité, ne laissant qu'une gorgée à son armurier et quelques gouttes à peine aux esclaves survivants, reprit Hallgerd, en se laissant aller contre le dossier de sa chaise. Cela ne suffisait pas, comme de bien entendu. Il était donc nécessaire de monter une nouvelle expédition, mais il ne restait plus qu'une armure et seul un des dix-huit esclaves envoyés avait survécu.
" Un esclave sur dix-huit a réussi à survivre aux Nordiques grâce à ta merveilleuse armure d'ossements, dit Arslic Oän à Gorklith. Mais il a juste ramené assez d'eau pour une personne. Compte tenu du fait que nous sommes encore cinquante-six, en nous comptant, toi et moi, nous avons besoin d'armures pour nos cinquante-quatre esclaves. Il en manque donc cinquante-trois, puisqu'il nous en reste une. De cette manière, si nous envoyons les cinquante-quatre esclaves en même temps, trois d'entre eux reviendront et ramèneront suffisamment à boire pour moi, toi et l'un d'eux. J'ignore ce que nous ferons après, mais, si nous attendons, il ne nous restera plus assez d'esclaves pour tenter ne serait-ce qu'une seule sortie.
- Je comprends, gémit Gorklith. Mais comment vais-je faire ? J'ai utilisé tous les os des carcasses dans la fabrication des dix-huit armures hier. "
Arslic Oän donna un ordre auquel Gorklith obéit, terrifié qu'il était. Dix-huit heures plus tard...
" Qu'est-ce que tu veux dire par-là ? l'interrompit Xiomara. Quel était cet ordre qui a tant fait peur à Gorklith ?
- Tout vous sera révélé en temps utile, répondit Hallgerd en souriant. C'est moi qui raconte l'histoire. "
Donc, au bout de dix-huit heures, Gorklith fabriqua les cinquante-trois armures manquantes, reprit Hallgerd. Sans que son maître le lui demande, il ordonna aux esclaves de s'entraîner au port de l'armure, leur laissant même davantage de temps qu'à leurs prédécesseurs. Ils apprirent donc à se déplacer, à accélérer et à freiner, à éviter les coups, mais aussi, quand il leur était impossible d'esquiver, à présenter à l'adversaire la partie la plus résistante de l'armure, à savoir la cuirasse protégeant leur poitrine, et ce, bien qu'un tel acte allât à l'encontre de leur instinct. Ils eurent même le loisir d'organiser une fausse bataille entre eux avant d'être envoyés à l'extérieur.
Ils se débrouillèrent admirablement. Quinze à peine furent tués et dévorés dans les premiers mètres. Dix autres périrent le temps pour eux d'atteindre la source. Mais c'est là que tout se gâta. Vingt-et-un d'entre eux s'enfuirent dans les collines après avoir rempli leur jarre. Quant aux huit restant, s'ils revinrent au château, c'est uniquement parce que les Nordiques les empêchaient de suivre leurs compagnons. Arslic Oän ne pensait pas qu'autant survivraient, mais ce succès n'était rien à côté de l'indignation que lui inspira la désertion des autres esclaves. Où était la loyauté qu'ils auraient dû lui montrer ?
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