L'Acteur que j'aimais (Tome 2)

Chapitre 1. Larry

15 ans après la naissance de Lyset.

Arrivé sous le porche de la maison, Louis ôte ses bottes pleines de terre et les frappe l'une contre l'autre pour en faire partir l'excédent. Ses mains froides tatônnent à présent à l'aveugle jusqu'à trouver, derrière un petit pot de fleurs posé sur un rebord de fenêtre, son paquet de cigarettes.

Il s'en allume une en regardant la pluie tomber, le regard azur défiant le ciel gris, conscient qu'une fois de plus, les nuages anglais l'ont emporté sur sa carcasse à présent détrempée.

Encore une journée exténuante passée dans les vignes pour tailler les pieds et éviter qu'ils ne gèlent cet hiver. Des heures et des heures passées plié en deux. Le genre de labeur qui casse un corps. Le genre de douleur que le châtain aime. Parce qu'elle lui remet toujours les pieds sur terre.

La promo de son dernier film s'est achevée il y a une semaine. Après des jours et des jours de cocktails, de soirées mondaines et d'interviews à travers le monde, le Français est de retour auprès des siens.

Ça lui avait manqué de sentir l'odeur de ses terres et de voir la vigne s'étendre sous ses yeux. Il en contemple les contours, son regard se portant loin, à la frontière de leur domaine.

Ce dernier est désormais deux fois plus grand que lorsqu'ils ont acheté avec Harry. Il y a cinq ans, ils ont repris les terres de leur voisin qui partait à la retraite et avec qui ils entretenaient de bonnes relations.

En 15 ans, leur vin s'est forgé une solide réputation. Pourtant, ce n'était pas gagné. Les premières années, ça marchait parce que lui et Harry étaient célèbres et tout le monde voulait goûter leurs breuvages.

Lors des deux premières cuvées, les bouteilles s'étaient vendues en quelques heures seulement. Après l'euphorie, le couple avait vite déchanté quand une célèbre revue était venue faire un reportage chez eux et avait titré l'article : "Produire du vin, le nouveau caprice des stars".

Le journaliste expliquait que les fans d'Harry s'étaient jetés sur les bouteilles comme si c'était du simple merchandising, et que le couple aurait dû appeler la cuvée "Pleasing" comme les sweats, vernis ou parfums vendus par le bouclé.

Il disait que l'an prochain, le couple aurait sûrement une nouvelle lubie, comme la pêche ou le point de croix et qu'Harry plumerait à nouveau ses fans, parce qu'il pouvait leur faire acheter n'importe quoi.

Louis avait lu l'article, l'avait refermé, était sorti s'en griller une, et n'avait rien dit. Rien.

Mais Harry savait que son mari était en colère et blessé. Parce que ce type ne les prenait pas au sérieux. Mais aussi parce que l'article s'en prenait à Harry et que Louis détestait ça.

Le bouclé connaissait si bien son époux qu'il savait qu'il était aussi frustré. Parce que l'article n'avait pas tort sur un point : toutes leurs bouteilles avaient été achetées par les fans d'Harry. Le chanteur était désolé, mais son public le suivait toujours fidèlement dans tout ce qu'il entreprenait alors il savait que c'était pour eux une façon de les soutenir.

La 3e année, Louis avait décidé de changer le packaging et de ne pas annoncer sur les réseaux sociaux la mise en vente des nouvelles cuvées.

Harry avait dû freiner ses envies de poster des photos pour crier au monde entier sa fierté de voir son viticulteur préféré travailler.

Louis avait vendu leurs bouteilles en catimini, patiemment et au compte goutte, à des cavistes en Angleterre, en Californie mais surtout en France. À des professionnels du vin, qui allaient les revendre à de vrais amateurs.