Chapitre 6. LOUIS

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- Allez, allez, plus vite que ça bande de feignasses ! Ça ne va pas se faire tout seul !

M. Marcel, le chef cuisinier, gueule comme un putois dans l'étroite cuisine et tout le monde s'active un peu plus. Économe à la main, Louis attrape une nouvelle pomme de terre et la pèle en vitesse. Après ça, il faudra faire les carottes et les courgettes. Puis éplucher les fruits pour les desserts.

Mais quand arrive la pause, il sort à l'arrière de l'établissement avec Julie et Diego, ses collègues, pour souffler un peu.

- T'en veux une ? propose la fille en tendant son paquet de clopes et Louis accepte.

Il avait commencé à fumer après le décès de sa mère, quand il traînait dehors jusqu'à tard le soir. À ce moment là, c'était plus pour tuer le temps qu'autre chose.

Mais maintenant, le châtain fume régulièrement et quand c'est le coup de feu comme ça au restaurant, il commence à vraiment apprécier les effets de la nicotine sur son organisme.

- Il est tout le temps comme ça ?

- Mmm, acquiescent les deux autres.

- On est d'accord que c'est un gros con ?

- Oh oui, soupirent-ils.

M. Marcel traite mal ses salariés. De toute façon, quand on sait qu'il a donné du travail à Louis, mineur, sans le déclarer et qu'il le paie au black, on se doute que le type n'est pas un enfant de chœur.

Mais le châtain ne peut pas faire la fine bouche, c'est le seul patron qui a accepté de le prendre dans le quartier. Louis a besoin de thunes. Même si son père lui a donné de quoi tenir quelques mois dans la capitale, les réserves s'amenuisent.

La faute à un hébergement trop cher qu'il s'était trouvé et, surtout, la faute à des soirs et des soirs entiers passés dehors dans des pubs et boîtes parisiennes.

Trois mois déjà que Louis est à Paris et il n'a quasiment fait que cela : sortir, boire, rentrer bourré et comater dans son lit.

C'était sa façon de faire son deuil mais quand, en début du mois, il s'était rendu compte qu'il n'avait presque plus un rond pour se nourrir, il avait bien fallu se résoudre à chercher un travail.

Car l'adolescent refusait d'en demander davantage à son père ou, pire, de rentrer à la maison.

Grâce à Julie, qui avait entendu ses galère et décidé de l'aider, il avait pu lâcher son appartement minuscule mais coûteux. Depuis deux semaines, il squattait sur son canapé.

Louis comptait bien lui verser un petit loyer quand il aurait sa première paie mais en attendant, c'était toujours ça d'économisé.

Ses collègues savaient qu'il était monté à Paris pour faire du cinéma et ils ne posaient aucune question sur le fait qu'il ne passait pourtant aucun casting.

Louis ne se donnait pas les moyens de réussir car il avait perdu la motivation de jouer, d'essayer du moins. Il avait tout simplement perdu le goût de vivre.

Seul restait immuable le rendez-vous du mercredi. Il se débrouillait toujours pour aller voir une séance dans n'importe quel cinéma qu'il trouvait. Puis il racontait ce qu'il avait vu à la photo de sa mère qu'il avait emportée avec lui.

La porte s'ouvre avec fracas sur M. Marcel.

- Bon on y retourne ! J'vous paye pas à glander dehors !

Louis écrase son mégot, las. Et il se demande ce qu'il est venu foutre ici à Paris. Son rêve est désormais bien loin.

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L'Acteur que j'aimais (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant