Troisème partie

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Alkmène n'osait pas dormir. C'était évidemment un piège, mais de quelle nature ? Ils étaient sur les terres de Pyrus, et avec la vantardise du Grand Alexandre ils ne pouvaient plus passer inaperçus. Le théologien envisagea ce qu'il pouvait arriver ensuite, visitant de mémoire tous les contes qu'on lui avait lus pendant son enfance. Après mûre réflexion, il en conclut que dans les histoires de son enfance, le vilain aurait certainement enlevé le fidèle écuyer afin de faire du chantage au chevalier. Après quoi, le prince viendrait le sauver et vaincrait le et sauverait la princesse... Le maraîcher-théologien secoua la tête. Non. Était-ce le destin ? Les choses ne pouvaient-elles se passer autrement ? L'Histoire ne pouvait-elle pas être changée ? Il était pourtant à peu près sûr de posséder un libre arbitre. Alkmène eut une idée. S'il la menait au bout, peut-être aurait-il le pouvoir de changer les choses. Pour le bien de tous.

Il glissa hors de son lit et, prenant soin de ne pas faire grincer le plancher, tenta de rejoindre l'aubergiste sans alerter son ami.

Alexandre s'éveilla soudainement. Son instinct lui soufflait que quelque chose ne tournait pas rond. Il retint son souffle. Le monde dût l'imiter, car pas un bruit n'était audible. Alors, une planche gémit dans l'obscurité. Le chevalier sauta sur ses pieds, attrapa par réflexe son épée qui se reposait près de l'oreiller et frappa à l'aveuglette du plat de la lame. Elle rencontra un corps, qui cria plus de surprise que de douleur, et plusieurs paires de jambes détallèrent.

Alkmène, tout va bien ? s'écria-t-il en cherchant à tâtons la bougie et les allumettes.

Même l'écho l'ignora. Il éclaira d'une lueur effrayée la pièce miteuse. La pièce était vide, l'autre lit défait. Une bouffée d'angoisse s'empara du jeune héritier. Son compagnon avait été enlevé !

Sans plus hésiter, Alexandre se précipita à la poursuite des malfrats, qui le distançaient déjà certainement. Son pas se fit assuré et les couloirs se mirent au garde-à-vous devant lui. Il allait sauver son ami, coûte que coûte. En bas des escalier l'aubergiste rôdait. L'empoignant par le col, il hurla :

Où ont-ils emmené mon écuyer ? Parle !

Le vieil homme écarquilla ses yeux fuyants. Il plaida l'ignorance. Un rictus de rage tordant sa peau, le chevalier le plaqua contre un mur ratatiné, faisant étalage de sa force.

Ne t'avise pas de me mentir. Tu travailles pour Pyrus ?

Les syllabes se détachaient, n'admettaient aucun écart.

Oui, co-comme tout le monde ici ! On a vr-vraiment pas le ch-choix, c'est ça ou servir de pâtée pour ses chiens !

Son agresseur ne lâchait pas prise.

Sa tour se t-trouve à d-d-deux jours de marche, votre a-ami y est sans doute emmené.

Alexandre grogna et laissa l'aubergiste s'effondrer. Celui-ci se hâta de amasser les pièces d'or tombées de ses poches avant que le prince ne les voit. Il était déjà parti à grands pas dans la cuisine pour y prélever des vivres. Dehors, la lune éclairait une écurie vide. Les chevaux avaient disparu. Avec un cri que les enfants dans leurs maisons n'oublièrent jamais, l'héritier courut à travers les venelles pour trouver une autre monture. Il n'y avait pas de chevaux dans cette si pauvre bourgade, mais après une paire d'aller-retours, le prince avisa une mule fatiguée dans une écurie faite de bric et de broc. Après tout, si tous ici travaillaient pour Pyrus, qu'y avait-il de mal à leur voler leurs biens ? Il était le héros, pas eux. Il enfourcha la pauvre bête qui se mit en marche avec lassitude. Elle s'obstina à refuser la vitesse, ce qui fit pester son nouveau maître. Si les brigands avaient pris ses chevaux, il ne pourrait pas les rattraper. La bête prit la direction de l'antre du seigneur maléfique. Sa route vers l'enfer était pavée de jurons.

La fin heureuse d'un héros et son écuyer [SECOND JET]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant