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Les petits jours d'hiver commençaient à se montrer. Le soleil se couchait vers l'heure du goûter, les rues s'illuminaient des guirlandes de fin d'année et les températures négatives venaient geler leur victimes durant la nuit.

Il était minuit quand le Dr Lecter rentrait chez lui. Il venait de partager un moment de fête entre amis.
Soudain une silhouette semblant familière, lui apparue loin en face de lui, en plein centre de la rue. Elle était longue, mince et flageolante.
Il plissa les yeux pour améliorer la précision de sa vue -entre nuit, illuminations et vent glacial-

" Mathilde! " , se pensa t il.

Il pressa le pas pour rattraper la jeune femme qu'il soupçonnait.

Elle portait un long manteau de laine marine qui récoltait toutes les gouttelettes de bruine. Ses cheveux sauvages volaient au gré des airs. Ses doigts violets, tous recrovillés sur le col de son manteau, s'accordaient à la couleur de ses lèvres. Elle ne semblait pas pressée, mais plutôt errante.
Son regard se figea quand un homme cria son prénom dans cette rue déserte.

Laissant peu de suspens, le Dr Lecter se présenta à ses côtés:
- Bonsoir Mathilde, que faites vous dehors à cette heure? Dépêchez vous de rentrer, ou vous allez mourir de froid.

Mathilde ne s'attendait pas à le voir là. Cela faisait plusieurs semaines qu'ils ne s'étaient pas vu.
Avec douleur elle essaya de détendre ses petits doigts figés par le gel, voulant libérer un son de sa gorge.

- Je ne veux pas rentrer chez moi.

Le Dr Lecter insistait quelques instants. Quand lui aussi, prit par le froid et comprenant l'opposition de Mathilde, il l'invita à s'abriter au cabinet à quelques rues d'ici.

.

Un plaid sur ses épaules , Mathilde caressait de ses mains la tasse d'eau chaude. Le regard fixé sur le petit sachet qui y flottait. Elle s'était assise, sur ordre du Dr, dans le fauteuil face au divan.

Le Dr Lecter secouait tour à tour son manteau puis celui de sa patiente pour en retirer l'humidité qui s'y accrochait.
Il les étala sur le dossier de chaises dans l'angle de la pièce.
Soupirant de fatigue , il se jeta sur le sofa. Avachi et jambe largement croisées, il laissa tomber sa tête dans sa main:

- Si on m'avait dit que je vous retrouverai dans de telles conditions, je n'y aurais pas cru. , souriait il. A minuit, un vendredi soir, en pleine période de fêtes, dans un blizzard pas croyable. J'aurai tout vu.

- Merci.

La pièce était chaude, et la lumière douce et tamisée d'un lampadaire en rajoutait.
Le Dr Lecter avait un peu bu, il se sentait moins en forme qu'à son habitude. Les mots ne lui parvenaient pas de la même manière.

Ils restèrent quelques instants dans le silence. Ils posaient leurs esprits en appréciant l'ambiance du lieu.

Mathilde observait cet homme, installé nonchalamment en face d'elle. Il flirtait avec le sommeil, ses yeux clos semblaient s'ouvrir par moment mais se refermaient aussitôt.
Sa mâchoire carrée se relâchait et sa respiration se faisait calme et régulière.
Il était apaisé. Il venait de s'endormir.
Hypnotisée, la jeune femme rejoignait en silence l'Endormi sur le divan. Elle s'asseyait, en prenant garde de ne pas le réveiller, elle photographia des yeux cet homme.

Ses cheveux grisonnants, sa peau hâlée, son cou haut et musclé...
Elle ressentait la chaleur que dégageait ce corps. Elle se surpris a décontracter son visage, elle aussi, par effet de miroir.
Plus elle se rapprochait, plus un mélange d'ambre et d'alcool pouvait se percevoir. Mathilde voulait se glisser près de lui, comme si elle voulait le rejoindre dans ce bien-être rêvé où il semblait s'être égaré. Aimantée, sa vue s'arrêta sur la bouche finement entrouverte du Dr Lecter.
Elle sentait un désir lui presser les organes, quand deux billes marrons - rouges d'alcool et de sommeil- se plantèrent dans ses yeux.
Un moment suspendu.

Le Dr Lecter resta immobile et mutique.
Mathilde se figea dans son intention. Elle cachait avec timidité sa lèvre inférieure dans la bouche. Quand il trouva sans peine la main de Mathilde appuyée sur son genou, il l'effleura d'une légère caresse du dos de sa main. La rassurant.

Elle osa.

Elle s'avançait à la rencontre de cet homme. Un désir naissant lui parcourait le corps. Elle pressa chaleureusement ses lèvres contre celles de son psychiatre. Lui rendant, à son tour, cette brûlante offrande.
Leurs mains déliées, ils partaient avec prudence à la découverte du corps de chacun.

.

C'était le matin. Sa tête se compressait et un petit frisson courait sur son bras. En ouvrant les yeux, de brefs souvenirs, encore un peu flous, lui revenaient.

Il était couvert du plaid, allongé dans le divan. La lumière blanche sur soleil d'hiver écartait les rideaux tendus. Il balaya la pièce du regard, ne laissant aucun indices de son passage.

Mathilde avait disparue.

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 15 ⏰

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