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- Bonjour Mathilde.

La jeune femme se redressa. Elle était accoudée à la balustrade en bois. Elle resserra les pans de sa veste kaki et entra dans le salon, les bras croisés. Lecter était habitué à ce qu'elle ne dise pas bonjour. Cela ne le dérangeait pas beaucoup, il en souriait même. Le docteur Lecter avait l'habitude de voir défiler dans son salon des personnes aux comportements radicalement opposés. Ce mutisme différenciait Mathilde des autres patients. 

Lecter observait la jeune femme assise en face de lui. Il attendait qu'elle entame la discussion d'elle même. Mathilde l'avait bien compris. Elle faisait languir son interlocuteur. Son regard voyageait le long des étagères. Elle commençait à les connaitre. Des livres sur la psychologie, la sociologie, la science du corps humain et tant d'autres s'entassaient. Son regard s'attarda soudainement sur l'un d'eux. Sa cote était bleue nuit. Un peu usée. De légers traits dorés venaient la strier. Mathilde regarda du coin de l'oeil Lecter:

- C'est quoi ce livre ? 

Lecter leva un sourcil et se retourna dans son fauteuil. Il était dos à la bibliothèque. Il cherchait de quel livre parlait-elle.

- Le bleu... en haut, à coté du gros rouge.

Lecter se leva lentement de son fauteuil. Il avait compris de quel livre elle parlait. C'etait Mardin Eden. L'un des chefs d'œuvres de Jack London. Il le prit d'une main  -l'autre était dans la poche de son pantalon- et vint le poser sur la table basse, en face de Mathilde.  Le titre était écrit en lettres d'or capitales. Mathilde ne l'avait pas touché. 

- Vous le connaissez?

- Il me semble, murmura Mathilde. 

La jeune femme balança d'une main sa crinière à l'arrière. Elle humidifia ses lèvres, les mains sur ses genoux et les bras tendu elle demanda:

- Vous avez bientôt fini le compte rendu, je suppose.

- Bientôt, oui. Mais il est encore possible que je change quelques phrases.

Mathilde hocha la tête et baissa le regard. Elle observait les chaussures de Lecter: de splendides derbies en cuir marron. Lecter était installé au creux de son fauteuil les jambes croisées. Ses mains se tenaient au niveau de sa bouche et ses coudes étaient vissés aux accoudoirs. Aujourd'hui son complet penchait plus vers le gris que vers le bleu. Et comme d'habitude, la coupe lui allait rudement bien. 

Lecter brisa le silence qui planait depuis quelques minutes dans la pièce:

- Qu'avez vous fait depuis la dernière fois que nous nous sommes vu?

- Pas grand chose. Je me suis occupée de mes soeurs... seulement. 

Le docteur écoutait avec beaucoup d'attention. 

- La dernière a attrapé la varicelle. Ça va faire 4 jours qu'elle est au lit. Et pour être franche je ne comptais pas venir vous voir. 

- Personne ne pouvait la surveiller?

- Au départ personne. 

- Et votre mère?

- Ma mère ne s'occupe pas de ce genre de chose. Elle est seulement là pour le diner, et encore! Si elle n'a pas de réunions...

- Votre mère est très occupée par son travail, il me semble.

- Elle est secrétaire adjointe dans une entreprise de télécommunication. Donc oui, elle est très occupée. A juste titre ou non, elle n'est jamais présente. C'est d'ailleurs moi qui enmene les petites à l'école, qui vais les chercher. Rares sont les fois où ma mère le fait. Enfin bon, c'est comme ça. On a l'habitude.

MathildeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant