1. Entre les murs

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Les rues pavées résonnent sous mes pieds tandis que je me dirige vers le lycée général de Citadôme.

L'air est saturé d'une tension silencieuse. La cité, rigide et uniforme, semble dépourvue de toute vie. Les gens se croisent, mais rares sont ceux qui échangent un regard. Les rues sont bordées de bâtiments grisâtres et froids, des structures fonctionnelles dépourvues d'émotion.

Au loin, les hauts murs qui entourent la ville semblent presque inaccessibles, gardant jalousement les secrets de ce monde cloisonné.

- Nayla Forbes ! s'exclame une voix que je ne connais que trop bien.

Je souris instantanément à Alex qui arrive à mon niveau pour marcher à mes côtés. Il me prend par le bras d'une gaité surprenante.

- Tu as une bonne nouvelle à m'annoncer ? demandé-je, étonnée.

Il me regarde du coin de l'œil avant d'incurver les commissures de ses lèvres.

- Retrouve-moi avant le couvre-feu près de la place principale, dit-il d'un ton enthousiaste.

Je tourne le regard vers lui en levant un sourcil puis je hoche la tête sans poser plus de questions. Le ciel matinal scintille d'une lueur artificielle, baignant la ville de néons doux qui se reflètent sur les grands murs qui la séparent du reste du monde. 

À dix-sept ans, j'étais déjà considérée comme une adulte, mais dans notre société fragmentée, la notion d'âge n'était qu'une ligne floue entre la jeunesse et l'âge adulte. Les visages ridés et les cheveux blancs sont des légendes, des vestiges d'un temps révolu. L'an 2215 a figé la population entre zéro et quarante ans, laissant derrière nous un vide générationnel. Personne ne sait ce qu'était la vie avant les murs, sauf le dirigeant, l'homme qui gouverne notre existence et le plus âgé de tous avec ses soixante-dix-sept années bien tassées.

Aucun d'entre nous n'a le droit de quitter cette enceinte, hormis l'armée qui patrouille sans cesse, rappelant à tous la menace qui se tapit au-delà des murs.

  - Tu as encore entendu parler de ces créatures, n'est-ce pas ? demande Alex d'un ton inquisiteur.

Un silence s'installe pendant quelques instants, mes yeux errant sur les remparts qui délimitent Citadôme.

- Comme d'habitude. On ne sait jamais ce qui est vrai, dis-je en hochant la tête.

Des rumeurs circulent, des murmures glissants d'oreille en oreille, évoquant des créatures terrifiantes errant dans la forêt qui s'étend à perte de vue, à l'extérieur de notre prison de béton.

Nous arrivons enfin au lycée, le centre de nos vies monotones. Un édifice austère et impersonnel où nous sommes formés pour un avenir dont nous ne connaissons que peu de détails.

Ma journée commence comme toutes les autres. Le lycée est un amalgame de visages jeunes, aux yeux éteints par la répétition d'une vie dénuée de curiosité. Les professeurs enseignent des matières standardisées.

- C'est ici que nos chemins se séparent, déclare Alex d'un air faussement solennel.

Il m'étreint rapidement avant de disparaitre de l'autre côté de la route. Alex n'est plus au lycée depuis deux ans maintenant.

J'entre dans le bâtiment froid d'un pas incertain. Les salles de classe sont dépourvues de toute trace de créativité. Les fenêtres étroites laissent à peine filtrer la lumière et les pupitres sont alignés comme des soldats au garde-à-vous.

La journée au lycée est une routine oppressante, nos cours sont bercés par le murmure constant de l'inconnu qui se trouve au-delà des murs. Les cours sont interrompus par des annonces récurrentes de l'armée, nous rappelant les dangers qui nous guettent au-delà des murs.

Éclipsis : Sous l'Ombre des MursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant