I.

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Les pensées circulaient dans ma tête. Je ne savais pas vraiment évaluer à quelle vitesse elles allaient.Je m'infligeais des images et des pensées morbides en permanence. J'aperçus un oiseau à l'extérieur. Il paraissait détendu. J'aurais voulu être à sa place. Je m'imaginais des douceurs enfantines. La voix de mon professeur de littérature me ramena à la réalité.

Tout le monde écrivait, mon amie sur la droite prenait note, je n'arrivais pas à faire de même. Je me sentais, embarrassée et en retard. Je rêvais de partir ailleurs. Ces rêves me mettaient souvent en retard. Tout d'abord, je m'appelle Victoria. Je viens de fêter mes dix-huit ans, il paraît que c'est l'âge des folies, des envies de grandeurs. Il est vrai que tout devient étrange à cet âge là, même bien avant je suppose.

On a envie de tout expérimenter. Jusqu'où peut-on pousser nos sens ? nos limites ? Pour se sentir vivant ? S'oublier dans l'euphorie temporaire de substances allant de l'alcool à l'endorphine produite par un acte intime. Je m'étais promise de rester dans les rangs. La société voulait que les jeunes femmes comme moi restent dans les rangs.J'étais de ces filles qu'on ne remarque que par leurs notes étonnamment hautes. Jamais personne n'aurait pu émettre l'idée que de telles pensées, histoires pouvaient se trouver dans un être si pur et naïf que j'étais. Pourtant, on dit bien de ne jamais faire attention aux apparences.

Après ce fameux cours de lettres dont je n'ai rien retenu si ce n'est que notre classe faisait partie d'une sous espèce humaine par notre ignorance. J'ai enfilé mes écouteurs comme à mon habitude, j'aime la musique. Il n' y a pas de meilleur qualificatif. J'aime écouter la musique si fort dans mes tympans pour en oublier mes idées noires, tout ce qui peut me traverser de malsain. Mes proches se demandent souvent ce qui a bien pu m'amener à de telles extrêmes. C'est ce que je vais essayer de conter dans ce livre ; mes mésaventures, mes amours et mes peurs actuelles. Je vous fais une présentation globale de moi-même.

Je me rappelai aussi qu'il fallait que je révise ce texte de théâtre dont je n'avais toujours pas appris une ligne. C'est certainement ce qui me tenait en vie, le théâtre. Cet art est à la fois très concret mais aussi très abstrait. Nous savons ce que nous transmettons sur scène mais au final cela reste très abstrait. Je pense que je n'ai jamais été autant moi-même que sur scène. J'ai une sensation de bien-être intense comme un électrochoc d'adrénaline. Cet art m'a permis de rencontrer des personnes merveilleuses. C'est inimaginable de se dire que quelqu'un est "merveilleux". On pourrait donc associer son psychisme et ses valeurs à une merveille ? comme une pierre précieuse ? Dans mon for intérieur, je pense que oui. Nous rencontrons peu de personnes dans notre vie mais nous rencontrons des personnes qui portent de la lumière en eux. On pourrait les comparer à des étoiles mais plus on les sollicite, plus leur lumière s'affaiblisse. J'ai toujours consataté que les personnes bien portent en eux les plus lourdes histoires. Quand ces étoiles perdent toutes leurs clarté, elles s'éteignent. C'est à ce moment là que nous sombrons dans la mélancolie.

A ce moment précis, mon amie me tapota l'épaule pour me ramener à la raison.

« -Vic !! Ca fait cinq minutes que je te parle ! me cria-t-elle.

-Oui, excuse moi j'étais ailleurs.

-Tu penses toujours à lui ? »

Pourquoi fallait-il que nous en venions toujours à ce fameux lui ? Comment ce simple pronom personnel de trois lettres pouvait m'éveiller une personne, des souvenirs et des souffrances.

-Non, j'étais simplement en train de penser que j'avais loupé mon commentaire littéraire.

-Mais non ne dis pas ça, tu es la meilleure élève, arrête de te sous-estimer ma Vic. Sors avec nous ce week end, les filles organisent une soirée ! Ça te changerait les idées, je sais que c'est compliqué chez toi.

-Je viendrai, y'aura qui ?

-Une bonne partie du lycée.

Ça faisait très longtemps que je n'étais pas sortie, je m'étais enfermée dans mes études pour me faire ma propre bulle et oublier ce fameux lui. Je n'ai jamais cru en l'amour, j'ai toujours pensé que c'était une sorte d'invention de la société, que deux êtres ne peuvent pas être autant attachés même obsédés l'un par l'autre. Et là ma psy me poserait cette question m'ayant faite pleurer des centaines de fois (ou milliers je ne sais plus ?) " Vos parents se montraient des signes d'amour durant votre enfance ?"

Je ne suis pas une fille de parents divorcés, on aura tendance à penser que je menais une enfance paisible dans l'amour et la paix. On oubliera de parler des parents vivant ensemble mais qui auraient du divorcer des années auparavant. Mes parents se sont détruits l'un l'autre, et dans leur chute ils n'ont pas vus qu'ils avaient détruits leurs enfants.

Ce qui m'a donc fait croire à une vision très superficielle de l'amour, où tout n'est que question de temps avant que la séparation n'arrive. Je pensais être assez préoccupée mentalement pour ne pas me rajouter de la souffrance, puis je ne voulais pas ressembler à ces filles courant après tous les garçons qu'elles voient pour combler leurs manques d'affection. Et c'est là que je me dis, putain. Putain. Je suis devenue ce genre de filles. Sauf que la vie vous apprendra qu'aucun amour peu importe qu'il soit inconditionnel ou passionnel arrangera les carences affectives de l'origine. Il faut être imbécile pour chercher l'amour de ses parents chez quelqu'un, vous ne trouvez pas ? Pourtant, c'est ce que j'ai fait.

Je suis tombée amoureuse plusieurs fois, mais un seul m'a vraiment marquée. Je pense qu'on a tous, à partir d'un certain âge, une personne qui apparaît dans nos esprits lorsqu'on nous évoquons le sujet de "tomber amoureux". Je trouve cette expression tomber amoureux assez péjorative. L'amour n'est-il pas censé nous élever vers des horizons que nous ne pensions même pas exister ? Pourtant on tombe dans cette falaise de l'amour. C'est une chute libre dans un gouffre sans fond. On perd tous nos sens, notre capacité à correctement penser.

Une pensée me traversait encore l'esprit mais la sonnerie de mon cours d'histoire-géo retentit. Il fallait que je reprenne mon apparence de fille souriante et bien dans sa peau quand tout à coup...


A suivre..

Une fille mal rangée.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant