Un hurlement de douleur persistait au creux de sa gorge, San se retournait sans cesse dans ses draps cherchant désespérément le sommeil qui semblait le fuir, l'abandonnant face à ses regrets et ses culpabilités. Dieu qu'il se détestait, son propre pardon n'était envisageable dans aucun monde. On disait que la honte ne tuait pas, mais pourtant, son âme semblait le rejeter, s'affranchissant de sa stupidité, pour laisser un corps inanimé si ce n'était par le ridicule.
Sa silhouette se redressait, titubant sur l'allée noire et sombre du logement. Quelques pas plus tard, il rencontrait la brise du crépuscule gonflant ses poumons d'air frais. Il se souvenait vaguement d'un endroit qu'il avait pu fréquenter plus jeune accompagné de quelques amis, buvant et riant aux éclats d'une de insouciance de jeunesse.
Une poignée de corps dansaient sur un tempo rapide de jazz à quatre mesure, une parmi elle, davantage élégante, la grâce incarnée jusqu'au bout des doigts. La lumière rougeâtre laissait transparaître une belle brune probablement trentenaire, les cheveux ébènes ondulées retombaient sur ses épaules et ses lèvres couleur sang, accordées à sa robe courte, se courbaient invitant le jeune homme qui l'observait tout ce temps. Il se relevait, à peine à l'aise sur ses deux jambes, pour la rejoindre, encerclant sa taille pour se rapprocher d'elle et susurrer des mots doux auxquels la dame ne répondait que par des ricanements légers.
De plus près, son visage était harmonieux, presque familier, un nez aquilin, une paire de lèvres pulpeuses et un grain de beauté sous l'œil que le jeune garçon à la cervelle bouillante voulait embrasser.Mais au lieu de cela, il se contentait de parsemer des baisers sur sa nuque entraînant des frissons sur la chair froide de la femme, se mouvant sur le rythme de la mélodie changeante. Ils ne s'étaient échangés que quelques mots que leur lèvres soûlées étaient capables de prononcer avant de quitter les lieux, et de s'engager plus profondément dans une relation intime.
Nue et allongée sur le ventre, la moitié de sa silhouette inférieure couverte uniquement d'un drap de soie fin crème laissant apparaître la cambrure de sa colonne vertébrales, de sa poitrine et de ses épaules hautes jusqu'à ses fossettes lombaires, elle proposait une cigarette au garçon qui gisait là, l'air cadavéreux sur un fauteuil de cuir, couvert seulement d'un pantalon noir, les abdominaux luisants rendus dorés sous la petite lumière chaude de chevet, un reste de respiration encore saccadé remuant sa poitrine. "On ne voit que rarement des jeunes ici. Que faisais-tu ici, à t'enivrer jusqu'au matin ? Un garçon aussi charmant que toi ne coucherais habituellement pas avec la première venu. C'est souvent synonyme d'un chagrin d'amour."
"Couchez vous souvent avec des hommes d'un soir ?"
"J'aime les hommes et ils semblent m'apprécier, pourquoi m'en priverais-je ?" Au travers de ses yeux mi clos, la dame se faufilait derrière lui, ses mains manucurées d'un bordeaux profond traçaient des mouvements sur la peau du jeune homme alors qu'il tirait une énième latte de sa cigarette. "Il ne suffit que d'écouter ses sens, être attentif à son corps." Elle embrassait ses épaules, "C'est l'accès le plus évident vers le bonheur." Les lèvres de San s'entrouvraient en un soupir alors qu'un nuage de fumée éclatait devant ses yeux humides.
La porte grinçante et délabrée s'ouvrait doucement pour laisser place à la jeune fille lymphatique mal réveillée, décoiffée, vêtue d'un pyjama gris à l'humeur mauvaise debout sur ses deux appuis faibles. "Dis moi que tu n'es pas réel et que ce n'est qu'un cauchemar." Sur ces dernières paroles noires, elle ouvrait davantage la porte qui donnait sur un intérieur assombri par une lumière nocturne pour l'accueillir.
Elle offrait une tasse de café à l'homme qui s'asseyait à ses côtés avant d'allumer une ancienne télévision que Wooyoung avait récupéré quelques années auparavant dans un vide grenier. "Cette relique marche toujours ?" Un silence bourdonnant poursuivait sa réplique, la fille se contentait de s'acquitter simplement de son cerveaux pour s'émanciper de toutes potentielles idées obscures qui auraient pu surgir.
" Wooyoung avait toujours souhaité avoir une télévision, sa mère est un peu vieux jeu, elle lui répondait toujours que les écrans étaient abrutissants. Il connaissait un vieil homme qui déménageait pour rejoindre sa famille et qui cherchait à se débarrasser de quelques meubles. Wooyoung a récupéré pas mal de dvd et cette télévision. On regardait Profondo Rosso en boucle."
La cervelle livide, son esprit ne prenait pas le temps de traduire les images proliférantes, elle regardait les del de l'écran balayer à haute fréquence de nouvelles couleurs, son visage observé plongé dans la pénombre éclairé seulement par les nuances flashy, bleues, vertes puis rouges provenant de la machine.
"Tu es toujours aussi silencieuse ? Ou c'est juste moi ?" Il murmurait ses dernières paroles alors que pour la première fois, elle se redressait et éloignait la tasse encore brûlante pour la poser sur la table basse. "Pourquoi es-tu revenu dans la vie de Wooyoung ?""Sincèrement, il m'a manqué." Le visage de Julia se tordait en une expression insatisfaite via la réponse incomplète du garçon qui ignorait lui même ce qui l'avait poussé à revenir. "As tu pensé à lui ? S'il t'aimait encore, qu'aurais-tu fais ?"
"Je pars du postulat que ce n'est pas le cas puisqu'il s'est engagé dans une relation romantique avec toi. Enfin, je ne mérite pas son amour, de toute évidence."
"Mais tu n'as pas répondu à la question. J'aurais apprécié plus de franchise de ta part. J'ai vu comment tu l'as observé à cette soirée, j'ai vu comment tu m'as regardé à cette soirée. Je suis consciente que je suis laide, mais tu aurais pu au moins faire semblant, au lieux de pointer chaque de mes défauts avec tes beaux yeux." San l'observait toujours de l'autre côté du canapé, l'espace qui les séparait semblait se creuser davantage pour laisser une crevasse profonde de douleur partagée des deux adultes.
A vrai dire, dans son inconscient y résidait très certainement des pensées obscures sur la laideur objective de la jeune fille, envisageant même quelque part dans son esprit l'idée acerbe que son ancien ami aurait pu trouver mieux. San avait toujours eu un goût pointilleux pour les belles choses, il se souciait du détail, allant de ses chaussures neuves jusqu'à l'anneau fin et argenté gravé décorant son annulaire. Il convoitait les plus belles femmes, habitait les plus beaux appartements, sculptait son corps pour se plaire avant de plaire aux autres, il pacterait avec le diable contre une esthétique parfaite éternelle. "Tu dois projeter tes insécurités sur moi, je n'ai jamais rien pensé de tel."
"Maintenant, tu essaies de me faire passer pour l'hystérique, je ne suis pas paranoïaque, tu n'es juste pas aussi bon que tu prétends être."
"Je m'attendais à ce que tu ne m'apprécies pas. Tu as probablement raison de ne pas le faire, mais je ne blesserais plus Woo comme j'ai pu le faire auparavant. J'ai appris de mes erreurs."
"J'ai peur de finir par haïr Wooyoung davantage. Ça me terrifie, ça m'obsède. Pour tout ce que tu nous as fais, et ce que tu nous feras, tu mérites de souffrir. Tu ne peux pas être le seul dans l'histoire à ne pas être brisé." Sa voix étranglée par des sanglots retenus laissait échapper ces dernières paroles alors que des larmes rouges naphtol, reflétant le sang projeté au travers de l'écran, dégoulinait jusqu'à ses genoux. La sensation d'un mauvais présage qui lui tomberait dessus, d'un abandon auquel elle devrait faire face seule puisait dans son cœur. Lorsque Wooyoung avait été brisé, elle avait tenté de recoller les morceaux, rafistolant le plus jeune si bien qu'elle le pouvait, mais lorsque viendra son tour, elle serait probablement seule face à son destin comme elle l'a toujours été.
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summer memory [woosan]
FanfictionUne nouvelle vague d'euphorie et de douleur vint refroidir le corps tout entier de San comme un pieux vivement enfoncé dans sa poitrine d'une façon inattendu. Il pensait être prêt à confronter Wooyoung après deux ans de fuite, mais alors que le mome...