Quinzième jour .. Mardi 19 Juin 2018
Encore une nouvelle page Word.
Dur à croire que j'entame ma troisième semaine ici, en hospitalisation. Non pas que la vie au sein de la clinique me soit devenue normale, mais disons que je l'accepte en tant qu'aparté de ma vie réelle, un laps de temps durant lequel je me reconcentre sur moi-même, du mieux que je peux. Après cette deuxième semaine compliquée tant au niveau alimentaire et poids qu'au niveau moral, j'ai décidé de prendre de la hauteur, du recul vis-à-vis de tout ce qui touche la pathologie de près ou de loin.
Je ne parle plus de mes plateaux, de mes pesées, de mes rendez-vous, je ne fais plus de longues discussions avec Audrey, je ne parle plus de chiffres ou de contrats avec mes amies, je ne veux plus aborder ces sujets lorsque je suis en dehors de la clinique. Cela ne signifie pas que ça se passe mal, j'ai juste trouvé dans l'oubli et l'éloignement une sorte d'échappatoire qui me permet d'ignorer au mieux les pensées omniprésentes de la maladie qui fatiguent tant. Depuis la journée à Annecy, j'ai comme un lâcher prise alimentaire. Devant mes plateaux je ne mange que ce qui me donne envie, sans faire d'efforts ni angoisser, et je ne me concentre plus sur l'objectif de les finir ou de tout gouter. Si les pâtes au beurre ne passent pas, je ne tente pas. Si je préfère prendre une pomme plutôt que d'avaler la crème dessert, je le fais, quand bien même c'est la voix de la maladie. Mes pesées étant positives (je suspecte la rétention d'eau responsable d'un minimum de cette prise), j'ai opté pour l'écoute de mes envies et de mon corps et tant pis si quelques automatismes de la pathologie s'y insèrent : tant que la culpabilité se tient éloignée, je continue.
Le fait de prendre du recul et de faire comme si les repas étaient des moments inexistants de mes journées, non-importants, de ne pas les mentionner lorsque je suis en groupe me permet de me détacher de tout ça et d'accepter l'hospitalisation comme une parenthèse parallèle à ma vie, traitant simplement un petit problème qui est venu se glisser dans mon quotidien il y a un an. Et je compte bien que ce petit problème disparaisse rapidement et que je sorte de la clinique d'ici la mi-septembre, plus proche objectif atteignable mathématiquement parlant. Je dois avouer que voir la courbe de poids augmenter me travaille énormément et le fait de remanger a empiré l'image que j'avais de mon corps, malgré tous les défauts qui changeraient avec la guérison. Oui je veux retrouver de beaux cheveux et avoir des fesses formées, je veux perdre cette pilosité sur les bras et que mes veines se voient moins, mais mon dieu qu'est-ce que la prise de matière grasse me fait peur. J'ai l'impression d'avoir déjà doublé de volume, de ne plus être « malade ». Je mange, je prends des collations, je suis capable de marcher, j'ai de l'énergie, de la motivation, je grossis, ou plutôt j'ai grossis. Où est le problème maintenant ? Regardez, je mange du riz, des quiches, des crèmes, des pommes et du pain. Je n'ai pas ma place ici. Et pourtant, face à ces pensées, j'ai bien remarqué durant mes deux épreuves de baccalauréat déjà subies que je n'avais pas toutes mes capacités. Je m'endormais la première heure de philosophie, des points noirs dansaient devant mes yeux, j'ai plusieurs fois eu la tête qui tournait et Mill et ses Pensées logiques occupait mon esprit seulement la moitié du temps, l'autre part étant prise par celles de la maladie.
N'empêche que ce baccalauréat m'a évité deux pesées et des heures de questionnements et de culpabilité, de pensées négatives. Même s'il est générateur d'un stress supplémentaire, je ne regrette pas de le faire sans aménagements. Je ne peux pas laisser cette pathologie me prendre plus qu'elle ne l'a déjà fait et c'est pour cela que je vais guérir, que je vais souffrir des semaines à me battre contre moi-même, car je sais qu'au bout il y aura une vie meilleure, faite de plaisirs et de liberté.
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Effet plume
Non-FictionCe ne sera pas une oeuvre littéraire, ni la pièce d'un prochain Molière, mais seulement un amoncellement de pensées quotidiennes, une plongée au coeur des eaux tumultueuses ayant remplies l'esprit d'une fille. Recueil de périodes de combats mêlées a...