Chapitre 1

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La foule acclamait à grands cris le début de l'émission. Les projecteurs éclairaient d'une lumière blafarde la totalité de la scène, ainsi que les premières lignes du public. Tous étaient habillés en noir, chantaient et commençaient déjà à faire des pogos, tandis que retentissait un air de Death Metal reprenant le générique de N'oubliez pas les paroles. Les guitares saturées, les sons de doubles grosses caisses, le rythme effréné et la technicité des musiciens, produisaient une énergie à faire danser les morts.

Le plateau quant à lui, était de couleur sombre, dans un état proche de la ruine. Tout le côté gauche avait été emporté par une explosion d'origine inconnue. En lieu et place des tribunes, un immense cratère recouvrait toute cette partie de la scène. Seule une moitié de panneau d'affichage était encore entière de ce côté-là. À l'autre bout se trouvaient des gradins encore debout, mais ravagés par des impacts de balles de toutes tailles. En plein milieu, une gigantesque bombe au napalm, plantée dans le sol par l'avant, menaçait d'achever le studio à l'agonie. Au-dessus de l'explosif, tenait tant bien que mal un autre écran, troué en plusieurs endroits.

Encore plus à droite, une scène en terrasse abritait les chanteurs et musiciens de l'émission. On pouvait y voir un bassiste, une guitariste, un batteur, trois chœurs et deux solistes. Mais aussi un flûtiste, un violoniste, un accordéoniste, une joueuse de vielle à roue et une autre avec un didgeridoo. Là encore, les tirs avaient fusé à une époque, avec en plus des traces d'explosions, d'incendies et même des zones rongées à l'acide.

Entre les restes des deux tribunes, se trouvait l'entrée par laquelle arrivaient les candidats et le présentateur. Elle était encadrée par un énorme crâne de bête d'origine inconnue, la gueule grande ouverte, qui vomissait des fumigènes rougeâtres. Le seul écran encore intact se situait au plafond et affichait le titre de l'émission, avec un effet de coulée sanguinolente sur fond noir. Le sol de la scène malgré quelques impacts de balles, était en assez bon état. Un vaste pentacle rouge le recouvrait entièrement.

Après un « Hi ho » gutturale de l'assemblée, Naguini apparut à l'entrée de la gueule de monstre. Il vint en marchant tranquillement, avec une tête coupée sous le bras. Les cris redoublèrent. Sous sa moustache blanche, tout droit sortie du dix-neuvième siècle, le présentateur arborait un franc sourire. Un bouc s'épanouissait sur son menton et se prolongeait d'une excroissance, qui bougeait lentement au fil de ses mouvements. De profondes marques de morsures entouraient son œil gauche. Par ailleurs, il lui manquait un bout d'oreille. Et pour ajouter encore un semblant d'étrangeté à son apparence, il avait, légèrement en biais et en travers de la tête, on ne savait comment, un bilboquet.

Il arborait un costume noir, avec des abdominaux proéminents en guise de chemise. Les manches de sa veste avaient été arrachées. Un tatouage de serpent partait de son bras, enroulait ses anneaux autour de son cou et se terminait sur son autre bras. Une sangle de cuir mise en bandoulière abritait deux poignards et des couteaux de lancer, rangés dans des étuis. Une chaîne lui entourait la taille. Elle retenait un fourreau qui laissait entrevoir la crosse d'un fusil à canon scié. Son pantalon se parait d'entailles plus ou moins grandes. Ses baskets rouges à lacet étaient recouvertes de pointes épaisses, qui reflétaient légèrement la lumière des projecteurs.

Arrivé au milieu de la scène, il salua en détachant la boule de sa tige pariétale, comme s'il s'agissait d'un chapeau. Il la remit en place et cria en brandissant la tête tranchée : « Salut bande de fous ! Bienvenue dans N'oubliez pas la...

— Survie ! hurla la foule en cœur.

— Vous êtes présent malgré les risques que comporte cette émission, en dépit de ma sale manie de tirer au hasard dans l'assistance et même si comme chaque soir, un véritable zombie dissimulé parmi vous profite des pogos pour vous mordre, vous êtes toujours aussi nombreux. Mais peut-être que le goût du sang est plus fort que votre envie de vivre qui sait ? Mais assez parlé, accueillons le champion. C'eeeeeeeeeest Viviaaaan ! »

N'oubliez pas la survieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant