Chapitre 5 - Nelly

12 1 3
                                    

J'ai 4 ans. Aujourd'hui, il pleut des cordes. Les gouttes d'eau ruissellent sur les vitres de ma chambre, mon seul réconfort de la journée qui s'annonce. Mon corps est trop fatigué pour accepter de se redresser, l'heure matinale en est la cause. L'odeur d'humidité sur le béton me rassure, j'ai l'impression d'être à la maison. En réalité, je me sens vraiment chez moi quand je franchis le perron. Tout les matins, je serre mes petits poings potelés en priant pour qu'elle me parle gentiment. Me blottir sous les couvertures ne servira à rien pour l'éviter. D'ailleurs, elle arrivera dans 4 minutes si je me fis à mon réveil. Mon cerveau d'enfant ne comprend pas pourquoi elle ne m'aime pas. Pourtant, j'essaye d'être gentille : ne pas me plaindre, ne pas réclamer, ne plus exister en sa présence.

Vive les happy houses.

On dit qu'à 4 ans, la mémoire n'a commencé à réellement se développer qu'il y 1 ans, et que l'on atteint sa maturité après l'adolescence. Que l'empathie aussi jeune est quasiment inexistante.

Laissez moi vous rappeler la définition exacte : L'empathie est la capacité de comprendre et de partager les émotions d'autrui. Malheureusement, on comprend et absorbe aussi les émotions des personnes qui ne nous aiment pas. Du haut de mes 4 petites années, je l'ai très vite déduit. Je garde des souvenirs très clairs des vagues de haine que je ressentais envers moi même, et que je partageais avec elle. Un cauchemar quotidien, que j'ai appris à maitriser en me créant un bouclier incassable.

Et je souhaite beaucoup de courage à celui qui essayera de le briser. Malheureusement, rien ni personne n'est invincible.

_____________________________________

Cette journée s'annonce catastrophique, et le mot est faible. Pour commencer, mon réveil n'a pas sonné. Lilou a oublié de racheter du café. Mes fringues à peu près passables sont toutes au sale et le soleil m'éblouit La pluie me manque, l'odeur de mon père me manque. Autant dire que si quelqu'un m'adresse la parole aujourd'hui, je risque fortement d'exploser.

N'ayant pas eu le courage de me trouver une tenue convenable pour la journée, j'ai enfilé mon sweat de la flemme. Un jogging vient compléter le tout. Mes yeux cernés et barbouillés de mascara me donnent un air de panda. Bref, la journée vient à peine de commencer et j'ai déjà hâte qu'elle se termine...

- Ta tête de déprimée n'annonce rien de bon aujourd'hui, me taquine Marie à l'entrée du premier cours.

- Plus de café... il y a du soleil..., marmonais -je en réponse.

Ses sourcils se froncent d'amusement et d'incompréhension.

- Le manque de caféine est parfaitement compréhensible, mais le beau temps ?

- Je déteste le soleil le matin, c'est agressif.

Marie lève les yeux au ciel et m'annonce tout naturellement :

- Si tu ne veux pas aller en cours, cassons nous d'ici ! Je connais un super spot pour se reposer tranquillement. Tu m'accompagnes ?

Pas besoin de réflexion, la réponse est toute trouvée.

10 bonnes minutes plus tard, nous arrivons devant un petit étang derrière l'établissement. Des arbres se reflètent sur l'eau clair, les seuls bruits apparents sont le bruissement des feuilles tombant sous le vent. Il n' y a pas un chat.

- Alors ? demande Marie en s'asseyant dans l'herbe verte.

- Je l'admets, cet endroit est super cool.

Mon amie sourit et me dit en admirant les nuages :

- Ça a toujours été notre endroit de réunion avec Lilou, Karl, Logan et Maxime. Quand les cours nous fatiguaient tellement qu'on avaient besoin de se ressourcer. L'été, les mecs se baignaient avec les canards et la boue. Ils sortaient de l'eau tout sales en nous arrosant. L'hiver, l'étang est gelé, Logan avait quand même brisé la glace pour plonger à l'intérieur. Il est resté au lit plusieurs jours après, il avait chopé la crève, ce crétin ! Typique.

AssociésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant