Chapitre 2

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Lorsque Charles Preston arriva devant l'immeuble, il ne put s'empêcher d'être un peu surpris. Il y avait une telle foule. Il remarqua une femme blonde, les cheveux coupés courts, qui parlait au téléphone, les larmes aux yeux.

- Oui la police est là, et les journalistes aussi, disait-elle, la voix tremblante. Je suis juste descendue un moment pour acheter des cigarettes. Il dormait, je ne voulais pas le réveiller. Mon bébé...Oh mon bébé...Je ne me le pardonnerais jamais s'il lui arrivait quelque chose maman !

Il descendit de la voiture, évitant la marée humaine, et se mit aussitôt à la recherche de l'inspecteur. Il rencontra plusieurs agents de police qui allaient dans tous les sens. Il en arrêta un et lui demanda de le conduire à l'inspecteur Richard Arnold sur le champ.

- C'est lui, dit l'agent de police en lui indiquant un homme qui faisait les cent pas, non loin d'eux.

Il marcha dans sa direction.

- Inspecteur Arnold ?

- Oui ?

- Je suis Charles Preston, le négociateur.

- Enfin, dit l'inspecteur Arnold en soupirant. Qu'est-ce qui vous a pris autant de temps ?

- J'ai été coincé dans un embouteillage. Comment se présente la situation ?

- Critique, j'en ai bien peur. Le preneur d'otages, un certain Ronald Johnson, possède plusieurs explosifs dont il s'est revêtu tel un sapin de Noel. Nous avons affaire à un vrai fou furieux.

- Je vois, dit Charles en hochant la tête de haut en bas. J'ai aperçu une femme tout à l'heure. Son bébé se trouve dans l'immeuble, tout seul.

- Quelle merde, dit l'inspecteur en secouant la tête.

- En effet. Avez-vous essayé d'établir le contact ?

- Bien sûr que non, répondit l'inspecteur Arnold, une expression hébétée sur le visage. C'est vous le négociateur. Si moi j'interviens, ce sera pour réduire cette ordure en bouillie.

Charles Preston regarda l'inspecteur avec colère puis détourna la tête. Il détestait ce genre de flics, pour qui la violence était une réponse à tout. Tout ne se résolvait pas à coup de poings et de fusils. Chaque situation nécessitait une étude particulière. Mais rare étaient les policiers qui pensaient comme lui. C'était d'ailleurs une des raisons pour lesquelles il avait choisi ce métier, car il lui donnait la possibilité d'aller plus loin, de faire beaucoup plus que ses confrères. Pour lui, il ne s'agissait pas seulement de sauver la vie des otages, mais également celle du preneur d'otages. Car, selon lui, il était tout aussi prisonnier que le reste de ses victimes.

- Bien, dit-il après un moment. Je vais m'approcher pour essayer de lui parler.

- Attendez, dit l'inspecteur Arnold en l'arrêtant avec un geste de la main. Il vous faut un gilet pare-balles.

- Pourquoi ? demanda Charles Preston,  à moitié agacé. Il n'a pas d'armes à ce que je sache ?

- C'est la procédure, répondit l'inspecteur Arnold en lui tendant un gilet que venait de lui remettre Edouard.

Charles l'enfila nonchalamment, et prudemment, marcha jusqu'à la porte principale du bâtiment.








L'attention de Jacob Nolen fut détournée par une femme qui parlait au téléphone en pleurant. Elle parlait tellement fort qu'il était impossible de ne pas l'entendre. Apparemment, son bébé était resté seul dans son appartement. Elle l'y avait laissé alors qu'elle était descendue pour acheter des cigarettes. Jacob ne put s'empêcher d'éprouver du dégoût pour cette femme. Quel genre de mère abandonne son enfant pour aller acheter des cigarettes ? Même si c'était pour une course rapide, ce n'était pas une excuse. Par ailleurs, il y avait une autre raison à la colère de Jacob. Cela faisait remonter des souvenirs, des images qu'il aurait voulu enterrer à tout jamais dans sa mémoire. En effet, sa propre mère les avait abandonnés sa sœur et lui, pour aller vivre avec un autre homme. Ensemble, ils avaient fondé une nouvelle famille. Elena lui avait peut-être pardonné, et leur père aussi, mais Jacob n'en avait jamais été capable. Pour lui, elle les avait trahis. Depuis ce jour, il la considérait comme une étrangère.

Jacob secoua la tête pour s'empêcher de revivre ces moments. L'instant était mal choisi pour y penser. Il fixa à nouveau l'inspecteur Arnold. Il leva légèrement les sourcils lorsqu'il vit un homme, brun et assez grand de taille, s'approcher de lui. Il portait une chemise bleue claire et un pantalon noir. De là ou Jacob était, il ne pouvait pas entendre ce qu'ils se disaient. Il essaya donc de se rapprocher en jouant des coudes et des mains pour que les gens le laissent passer. Il dû s'arrêter au niveau de la barrière de sécurité installée par les policiers pour empêcher à quiconque, excepté eux-mêmes, de passer. Il vit un membre de la police remettre quelque chose à l'inspecteur Arnold qui le donna aussitôt au monsieur en chemise bleue. Il se demanda ce que c'était. La réponse lui fut donnée quelques secondes plus tard lorsqu'il vit l'homme portant la chemise bleue enfiler ce qui était sans aucun doute un gilet pare-balles. Tout devint clair dans l'esprit du jeune homme. Etant un inconditionnel amateur de films policiers, il n'eut pas besoin de plus pour savoir qui était cet individu. C'était le genre de personne qu'on envoyait durant les prises d'otages, une sorte de professeur Xavier qui ferait tout pour entrer dans l'esprit du criminel pour le désarçonner et le pousser à se rendre. En d'autres termes, un négociateur. Jacob hocha la tête pour lui-même. Les choses allaient s'accélérer à partir de maintenant. Il lui fallait prendre une décision.








Ronald Johnson savait qu'il n'y avait plus de marche arrière possible. Il l'avait su dès le moment où il avait acheté ces explosifs. Durant ces derniers mois, sa vie avait dégringolé littéralement. Tout d'abord, sa femme l'avait quitté pour un de ses collègues de travail, puis par suite il avait été viré. En effet, il avait commis la stupide d'erreur de flanquer un coup de poing à ce briseur de foyer qui s'avérait être aussi son patron. Il avait peut-être perdu son emploi, mais son patron lui avait perdu une dent. Certes ce n'était pas comparable, mais pour lui, c'était déjà ça. Il avait reçu le coup de grâce quelques semaines plus tard quand, en faisant un bilan de santé anodin, il avait découvert qu'il avait le cancer de la prostate. C'en était trop. C'était comme si le bon Dieu lui avait tourné le dos. La question qui lui était venu à l'esprit était pourquoi ? Pourquoi le sort s'était-il acharné sur lui de cette manière ? Qu'avait-il fait qui méritait toutes ces souffrances ? N'ayant trouvé aucune réponse, il avait décidé d'en finir. Cependant, il n'était pas question qu'il s'en aille tout seul. Il allait emporter avec lui celui qui, pour Ronald, était l'auteur de tout ce foutoir. Apres tout, s'il ne lui avait pas volé sa femme, rien de tout ceci ne serait arrivé ; peut-être même que sa maladie découlait de son malheur. Car, son docteur lui avait bien dit qu'il était surpris que Mr Johnson soit tombé malade aussi subitement, car quelques temps avant, il s'était porté comme un charme. Il avait ajouté que cela pouvait être psychosomatique, c'est-à-dire une maladie causée par un trouble psychologique. Ainsi, ayant perdu tous ses repères et le goût de vivre, sa seule satisfaction aurait été d'ôter la vie à ce truand. Mais là encore, le sort s'acharna sur lui. Alors qu'il s'apprêtait à sortir de l'immeuble, il entra en collision avec la femme qui vivait juste au-dessous de son appartement. Ses yeux étaient tombés sur la ceinture d'explosifs qu'il portait, et elle s'était mise aussitôt à crier. Paniqué, Ronald n'avait eu d'autre choix que de la garder prisonnière. Ce n'était pas ce qu'il voulait. Cela ne faisait en rien partie de son plan...

Bref, tout cela n'avait plus d'importance. En entendant les cris de la femme, les voisins étaient sortis de leurs appartements, et en voyant l'horrible spectacle qui s'offrait à eux, étaient retournés chez eux et avaient appelé la police. L'immeuble était maintenant encerclé. La situation lui avait complètement échappée. Que devait-il faire maintenant ? Se rendre à la police ? Pas question. Aujourd'hui était son dernier jour. Il n'avait plus rien à perdre.

Alors qu'il remuait toujours ces sombres pensées, il vit un homme sortir du milieu de la foule et marcher tout doucement vers lui.

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