Comment et pourquoi étaient-ils ici ? Ces questions avaient été posées un nombre incalculable de fois et la réponse était toujours la même, personne n'en savait rien.
Au Paradise, le temps, les jours, les mois n'existaient pas et quitter l'hôtel était impossible car la double porte était toujours verrouillée. Plusieurs fois, Marcus et Tonie plus par ennui qu'autre chose, avaient tenté de l'ouvrir. D'abord, en tirant simplement sur les poignées avec force. Puis, en donnant quelques coups de hache que Jim l'homme à tout faire, un homme costaud à la chevelure et à la barbe grise, leur avait déniché. Mais après constatation, le bois de la porte n'avait pas la moindre éraflure.
A la réception, des photos en noir et blanc trônaient sur les murs.
Sur la plupart d'entre elles, on pouvait apercevoir un bâtiment carré à un étage muni d'un porche entouré de palmiers. Tonie en avait déduit qu'il s'agissait du Paradise vu de l'extérieur. Parfois, lorsqu'elle fixait les clichés un peu trop longtemps, elle avait l'impression qu'une faible lumière émanait d'une des chambres à l'étage et que les rideaux bougeaient légèrement, comme si quelqu'un l'observait en cachette. Cette idée lui faisait froid dans le dos à chaque fois.
Des chambres il n'y en avait pas qu'une poignée, mais des centaines voire des milliers. Chacune d'entre elle abritait une personne d'une nationalité, d'un pays, d'une époque différente. Pourtant tout le monde se comprenaient. Contrairement aux autres, Tonie ne dormait pas dans l'une de ces chambres car l'hôtel ne lui en avait attribué aucune à son arrivée. Alors, elle s'était aménagé un petit coin dans une pièce attenante à la réception, située juste derrière le comptoir et séparée par un rideau, comportant un lit fait de plusieurs matelas, un fauteuil miteux mais confortable et une étagère branlante pour le peu d'affaires qu'elle possédait.
Le magazine que lisait Tonie était un de ceux que Sophie-Anne recevait de temps à autre sur la mode. Tonie bailla longuement. La sonnette du comptoir retentit à cet instant. Elle quitta sa lecture des yeux et releva la tête.
_Oui Bernie ?
_Bonjour Tonie.
Bernie fixait Tonie de ses yeux globuleux, sa tête légèrement penchée en avant.
_J'attends mon tour.
_Il n'y a personne d'autres Bernie.
_C'est plus poli, répondit-il en touchant nerveusement le col de sa chemise à manche courte.
Bernie était un homme de taille moyenne plutôt maigrelet, des cheveux bruns qui tiraient vers le gris sur son crâne. Il n'avait pas beaucoup d'amis, quasiment aucun mais Tonie l'aimait bien. Elle lui tendit un morceau de papier et un crayon.
_Il m'en faudrait un autre s'il te plait.
Tonie fit glisser un deuxième morceau de papier sur le comptoir et l'observa. Il soigna son orthographe jusqu'à la dernière lettre puis les plia en deux avant de les lui donner. Elle se leva. Sur le mur à sa droite se trouvait une fente d'environ dix centimètres de longueur sur cinq de largeur. Elle les fit glisser à l'intérieur et revint s'asseoir sur sa chaise haute, Bernie la fixait toujours.
_Comme d'habitude, je te les apporterai dit-elle en le gratifiant d'un sourire.
Bernie la remercia d'un rapide hochement de tête et tourna les talons. Tonie reprit la lecture du magazine qui l'ennuyait. C'est alors qu'un son provenant du mur détourna son attention. Elle tendit l'oreille. Le bruit était à peine perceptible mais Tonie le connaissait par cœur, c'était celui des colis qui se frayaient un chemin jusqu'à la reception. Une sorte de chuchotement, un « shh » qui trainait en longueur.
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Hôtel Paradise
Mystery / ThrillerTonie est une adolescente discrète de dix-sept ans qui vit à l'hôtel Paradise, un établissement strictement réservé aux défunts. La jeune femme souffre d'amnésie et ne connaît pas les circonstances de son décès. Dans ce flou quotidien, elle peut co...