CHAPITRE 3

5 1 1
                                    

Le matin se lève, dévoilant la palette de rouges et d'oranges sur les vestiges de notre monde passé. Autour de moi, l'effervescence du garage persiste, emplissant l'air de l'odeur familière du métal et du bruit assourdissant des outils. Mes mains expertes s'affairent autour de notre voiture, chaque mouvement une danse familière avec les composants mécaniques qui deviennent une extension de moi-même. Les murmures des voix de mes amis résonnent en arrière-plan alors que je m'immerge dans ma tâche. Les écrans clignotent, affichant des données complexes que Chloé et Sasha scrutent avec une concentration palpable. Noé, à quelques pas, révise sa stratégie, ses yeux captivés par les enregistrements de courses passées. Le quotidien dans ce monde s'articule autour de ces préparatifs incessants, de cette quête constante d'amélioration. Mes doigts glissent sur les pièces métalliques, ressentant les vibrations du moteur comme une pulsation régulière. La mécanique est ma langue maternelle, et dans le grondement des moteurs et le cliquetis des outils, je trouve une forme d'harmonie. Pourtant, même au milieu de cette symphonie de métal, il y a des moments où la réalité me rattrape. Mon regard s'échappe parfois vers l'horizon lointain, là où le désert sans fin semble se mêler à mes propres pensées. Des souvenirs d'un monde qui n'est plus hantent mes pensées, laissant une empreinte indélébile sur mon cœur. La voix de Noé me tire de mes pensées. "Maëlle, tu penses à quoi ?" Je relève les yeux pour rencontrer son regard, et un sourire tendre se dessine sur son visage fatigué mais déterminé. "Juste à la prochaine course, Noé. On doit rester concentrés." Noé acquiesce, mais je sens qu'il perçoit plus que mes paroles. Nos regards se croisent, et l'échange silencieux qui s'ensuit résonne de compréhension mutuelle. Les Courses de l'Effroi sont notre réalité, mais notre connexion va au-delà des pistes de poussière et des voitures délabrées. Le soir, autour d'un nouveau feu de camp, nos rôles changent. Chloé, l'esprit stratégique, expose ses analyses de la politique interne du dôme. Sasha, d'ordinaire silencieuse, partage ses idées pour améliorer nos chances de survie. C'est dans ces moments de répit que je sens la profondeur de notre amitié. Des rires résonnent, des histoires sont partagées, et malgré l'adversité qui nous entoure, nous créons des bulles éphémères de normalité. Pourtant, chaque éclat de joie est accompagné d'une ombre, une ombre qui se manifeste dans le regard de Noé, dans les silences de Sasha, dans les soupirs de Chloé. La nuit, je m'évade parfois du bruit du garage et des murmures de l'équipe. Assise seule, les étoiles du désert scintillent comme des rappels lointains d'un temps où la vie n'était pas une série ininterrompue de défis mortels. Je pense à Côme et à la promesse de ramener un jour un éclat de normalité dans sa vie. Noé s'approche doucement, son regard empreint d'une compréhension silencieuse. "Ça va, Maëlle ?" Je hoche la tête, offrant un sourire réconfortant. "Ça ira. On a survécu à bien pire." Noé s'assoit à mes côtés, sa présence apportant une chaleur bienvenue à la nuit froide du désert. Dans le silence, il prend ma main, et je sens un frisson d'apaisement traverser mon être. "Quoi qu'il arrive, on le fera ensemble," dit-il doucement. Et dans ces mots simples, je trouve un réconfort qui transcende les défis de notre existence. Alors que nous retournons au garage, main dans la main, je suis consciente que notre alliance va au-delà des Courses de l'Effroi. C'est un lien forgé dans le feu de l'adversité, un lien qui défie l'effroi quotidien et éclaire notre chemin incertain de lueur d'espoir.

Le lendemain de notre discussion nocturne, une énergie renouvelée anime le garage. Chloé et moi partageons une vision commune : optimiser la voiture pour la prochaine course. Cependant, nous savons que les pièces nécessaires ne se trouvent pas uniquement dans nos réserves. Il est temps de faire une expédition en ville, là où le marché clandestin regorge de trésors mécaniques. Les rues délabrées s'étendent devant nous, témoins muets du déclin de la civilisation. Le centre-ville, autrefois animé, n'est plus qu'une ombre de son passé. Pourtant, c'est ici que nous trouverons les pièces dont nous avons besoin. Chloé, avec son habileté à déchiffrer les subtilités du marché noir, est ma guide à travers ce dédale de ruines urbaines. Le soleil projette des ombres entre les bâtiments en ruine, créant un spectacle de contrastes surréalistes. Nos pas résonnent dans le silence oppressant, seulement brisé par le cri lointain d'une créature mutante. Je garde ma main près de l'arme dissimulée sous ma veste, un rappel constant que même en quête de pièces mécaniques, la vigilance est notre meilleure alliée. Chloé s'arrête devant un bâtiment aux fenêtres brisées, le visage masqué par une écharpe pour se protéger des particules de poussière. "C'est ici. Les meilleurs marchands sont souvent dans les endroits les plus improbables." Nous pénétrons dans le magasin, l'air épais de l'abandon récent. Les rayons autrefois remplis de biens de consommation courante sont désormais des étagères dégarnies, ne laissant que des traces de l'ancienne vie. Cependant, nous ne sommes pas là pour des babioles, mais pour des composants mécaniques rares. Chloé s'approche d'un marchand, un homme aux traits fatigués mais attentifs. Le chuchotement des négociations résonne alors que Chloé discute des pièces dont nous avons besoin. Ma mission est de rester alerte, d'observer tout mouvement suspect dans l'ombre. Le marchand sort une boîte poussiéreuse, dévoilant des pièces soigneusement emballées dans du papier froissé. Mon cœur s'emballe à la vue des composants que nous recherchions. Nous n'avons pas les crédits abondants d'un Adam, mais notre détermination et notre capacité à négocier sont nos meilleures armes. Les négociations se poursuivent, chaque mot pesé et calculé. Finalement, Chloé et le marchand concluent un accord. Nous repartons avec la boîte précieuse, des pièces qui, une fois installées, pourraient faire la différence cruciale dans la prochaine course. En quittant le magasin, je sens le poids de la ville abandonnée sur mes épaules. Les souvenirs de ce monde perdu se mêlent à l'excitation de la découverte. Chloé, consciente de mes pensées, pose une main réconfortante sur mon épaule. "Nous allons changer ça, Maëlle. Un pas à la fois." Les rues vides s'étendent devant nous, mais pour la première fois, j'entrevois la possibilité d'un changement. Les pièces que nous avons acquises ne sont pas seulement des composants mécaniques ; ce sont des fragments d'espoir dans un monde qui semble avoir oublié ce que cela signifie. Le crépuscule enveloppe la ville, mais notre retour au garage est marqué par la lueur triomphante de la boîte de pièces. Chloé et moi partageons un regard complice, la certitude que chaque petit pas vers l'amélioration compte, que même au cœur de l'effroi, nous pouvons forger notre propre destin. Et avec ces pièces, nous nous préparons à défier une fois de plus l'arène mortelle, portant avec nous la conviction que l'amitié et la détermination peuvent transcender les ruines d'un monde brisé.

Chloé et moi avons travaillé sans relâche, installant avec précision les nouvelles pièces. La voiture semble maintenant prête à dévorer la piste, chaque ajustement méticuleux représentant notre détermination à surpasser les défis qui se dressent devant nous. Le crépitement de l'éclairage faiblissant annonce la fin d'une journée intense de labeur. Nos mains, maculées de graisse et de sueur, témoignent de notre engagement commun envers notre équipe et notre avenir. Chloé et moi échangeons un regard satisfait, complices dans la compréhension que chaque heure passée dans ce garage est une pierre ajoutée à la fondation de notre destin. "Demain, on va les éblouir, Maëlle," déclare Chloé, son regard étincelant de confiance. Je lui réponds par un sourire fatigué mais déterminé. "On va les éblouir et montrer à Adam qu'il n'est pas le seul à pouvoir briller sur la piste." Alors que Chloé range les outils et éteint les lumières du garage, je prends une profonde inspiration. L'énergie de la journée s'est accumulée en moi, mais maintenant, une autre tâche m'attend : le rôle de grande sœur. La route déserte me mène jusqu'à la maison de Chloé, où Côme, mon frère, réside sous la garde vigilante de la mère de Chloé. La porte s'ouvre doucement, révélant l'intérieur éclairé par une lueur tamisée. La mère de Chloé, bienveillante et épuisée par sa journée de travail, sourit en me voyant. "Maëlle, tu es rentrée tard. Comment s'est passée la journée ?" Je lui adresse un sourire reconnaissant. "Bien, Mme Dupont. On a réussi à obtenir les pièces dont on avait besoin. La voiture sera au top." Elle incline la tête avec un air approbateur. "Je suis sûre que vous ferez des merveilles. Côme est dans sa chambre, il t'attend." Je traverse le couloir silencieux jusqu'à la porte de la chambre de Côme. Il est là, allongé dans son lit, les yeux grands ouverts dans l'obscurité. Son visage s'illumine quand il me voit entrer. "Maëlle !" s'exclame-t-il, sa voix un chuchotement excité. Je m'approche doucement, m'asseyant sur le bord du lit. "Hey, petit frère. Comment ça va aujourd'hui ?" Côme esquisse un sourire malicieux. "J'ai appris un nouveau mot à l'école aujourd'hui. 'Apocalypse'. C'est cool, non ?" Je ris doucement. "Très cool. Mais tu sais, il y a des choses encore plus cool. Comme les courses de voitures, par exemple." Ses yeux s'illuminent. "Vraiment ? Tu me racontes ?" Alors, je m'installe confortablement, entourée par les ombres protectrices de la nuit, et je lui narre notre journée, nos défis et nos triomphes. Je lui décris les Courses de l'Effroi, l'odeur de l'essence, le rugissement des moteurs, et le vent qui caresse le désert. Côme écoute avidement, emporté dans un monde où la vitesse et la détermination deviennent des boussoles dans l'obscurité. À la fin de mon récit, il soupire avec fascination. "Un jour, je veux voir ça de mes propres yeux." Je caresse doucement ses cheveux, sentant le lien indéfectible qui nous unit. "Un jour. Et quand ce jour viendra, on traversera la ligne d'arrivée ensemble, comme une vraie famille." Il sourit, rassuré par la promesse implicite dans mes mots. "D'accord, bonne nuit." "Bonne nuit, petit frère." Je me lève doucement, éteignant la lumière de sa chambre. Alors que je quitte la pièce, je réalise qu'il y a encore des moments de douceur et de réconfort. Avec cette pensée, je regagne le garage.

Roues du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant