Roues du destin

CHAPITRE 8

La tension persiste entre Noé et moi, comme une tempête silencieuse prête à éclater. Ses regards évitent les miens, ses réponses sont courtes, voire inexistantes. Je tente désespérément de comprendre ce qui a pu se passer, mais chaque tentative de conversation se heurte à un mur de silence. Un froid étranger s'est installé entre nous, obscurcissant même les souvenirs récents de la victoire glorieuse. Sasha, quant à lui, semble avoir pris la place que j'occupais autrefois dans la confidence de Noé. Ils discutent de la course, des tactiques, de ce qui aurait pu être mieux. Mais dès que j'essaie d'approcher, les voix baissent et les regards se détournent. Une incompréhension douloureuse m'envahit, et je lutte pour maintenir un semblant de normalité.

C'est Chloé qui, constatant mon état, décide de prendre les choses en main. Un après-midi, elle m'entraîne hors du camp, m'obligeant à poser un regard critique sur mon propre état. Mes vêtements sont usés, mes chaussures laissent passer l'eau depuis des lustres. J'étais tellement focalisée sur la course et la victoire que je n'avais même pas remarqué. "Maëlle, il est temps de t'occuper un peu de toi," déclare Chloé avec un sourire compréhensif. Nous parcourons les rues délabrées de la ville, cherchant un peu de normalité dans cet univers apocalyptique. Chloé, avec le peu d'argent qu'elle a économisé, insiste pour m'offrir une nouvelle paire de chaussures. C'est un geste simple, mais il résonne comme une mélodie de gentillesse dans le silence qui règne entre Noé et moi. 

De retour au camp, l'ambiance reste tendue. Noé est en pleine discussion avec Sasha sur les prochaines modifications à apporter à la voiture. Chloé tente de détendre l'atmosphère en complimentant ma nouvelle acquisition, mais Noé explose. "Vous ne comprenez pas que l'argent qu'on gagne devrait aller dans la voiture, pas dans des futilités ! C'est pour la prochaine course, dans une semaine !" rugit-il. Mes yeux s'emplissent de larmes, une combinaison d'incompréhension et de douleur. Chloé riposte, défendant notre droit d'avoir des moments de normalité, des petites choses qui nous rattachent à notre humanité. Sasha, plutôt que de calmer le jeu, semble partager l'avis de Chloé. Noé quitte la conversation avec colère, et je m'enfuis vers la caravane. Les larmes coulent, témoins silencieux de la fracture qui s'est installée entre Noé et moi. La véritable raison de sa colère me reste insaisissable, et cela ne fait qu'ajouter à mon tourment. 

Chloé le rattrape à la sortie du camp, marchant rapidement pour le rejoindre. "Noé, attends !" l'appelle-t-elle, sa voix empreinte d'une détermination tranquille. Noé se retourne, ses yeux reflétant toujours la colère qui brûle en lui. "Quoi, Chloé ?" Elle s'arrête à quelques pas de lui, les mains sur les hanches, prête à affronter la tempête qui gronde. "Tu n'as pas le droit de leur reprocher ça, Noé. On a tous besoin d'un peu d'humanité, même dans ce chaos." Il la regarde avec un mélange d'agacement et de frustration. "C'est facile à dire pour toi. Tu n'as pas la responsabilité de faire fonctionner cette voiture dans une semaine." Chloé soupire, sa patience à l'épreuve. "Noé, bien sûr que je comprends l'importance de la course, mais tu ne peux pas ignorer que, parfois, on a besoin de souffler. De se sentir un peu normal, même dans ce monde fou. Maëlle a besoin de ça autant que toi, peut-être même plus." Noé détourne le regard, ses émotions en ébullition. ''Ce n'est pas une question de besoins. C'est une question de survie. On gagne, on progresse, ou on redescend. C'est aussi simple que ça." Chloé secoue la tête avec fermeté. "Non, Noé, ce n'est pas aussi simple que ça. On ne doit pas sacrifier notre humanité sur l'autel de la survie. Si on le fait, qu'est-ce qui reste à sauver ?" Les mots de Chloé résonnent dans l'air entre eux, une invitation à réfléchir plus profondément sur les sacrifices et les conséquences de leurs choix. Noé reste silencieux, mais son regard trahit une lutte intérieure. Chloé le laisse là, absorbant lentement ses paroles, avant de retourner vers le camp où l'incertitude persiste.

"Je sais que tu es stressé par la prochaine course, mais tu ne peux pas laisser cette tension foutre en l'air ce que tu as avec Maëlle. Va lui parler avant que ça dégénère pour quelque chose d'aussi futile." Noé soupire, déconcerté par la situation. "Je ne sais même pas pourquoi je suis énervé, Chloé." Elle pose une main apaisante sur son épaule. "Parfois, la victoire apporte autant de changements que la défaite. Va voir Maëlle, essaie de comprendre ce qui se passe entre vous. Vous avez besoin l'un de l'autre." Noé acquiesce, reconnaissant la sagesse dans ses paroles. Il se dirige vers la caravane où Maëlle s'est réfugiée, espérant pouvoir démêler les nœuds de cette histoire.

Haut du formulaireNoé frappe doucement à la porte de ma caravane, mon cœur battant rapidement dans sa poitrine. À l'intérieur, il entend des sanglots étouffés. "Maëlle, laisse-moi entrer, s'il te plaît," implore-t-il doucement. Un silence pesant règne avant que je ne réponde d'une voix brisée. "Je ne veux parler à personne, Noé. Laisse-moi tranquille." Noé entre tout de même, me trouvant assise sur son lit, les yeux rougis par les larmes. "Qu'est-ce qui se passe, Maëlle ? Es-tu en colère ?" J'évite son regard, essuyant ses larmes d'un geste rapide. ''Ce n'est rien. Oublie." Noé s'assoit à côté d'elle, sa présence empreinte de préoccupation. "Tu sais que ce n'est pas rien. On ne peut pas laisser nos problèmes de côté, surtout pas maintenant." Les larmes continuent de couler sur mes joues. "Pourquoi depuis la dernière course, tu es si différent.'' Noé prend doucement ma main dans la sienne. "Je suis désolé si j'ai agi bizarrement. La pression de la course, la peur de perdre... ça me change, mais ça ne devrait pas affecter ce que nous avons. Je secoue la tête avec frustration. "C'est facile pour toi de dire ça. Tu gagnes les courses, tu progresses. Moi, je suis là, à réparer la voiture, à attendre que tu reviennes, et j'ai peur que tu ne reviennes pas un jour." Noé prend une profonde inspiration. "Maëlle, je ne veux pas que tu penses ça. Je ne gagne pas pour moi seul, mais pour nous tous, pour que nous puissions atteindre le septième niveau. Si ça pose trop de problème je changerai d'équipe écoute." La colère dans mes yeux s'intensifie. "Tu penses vraiment que changer d'équipe va augmenter tes chances de gagner? Que je ne suis qu'un fardeau pour toi ?" Noé réalise l'ampleur de ses mots, regrettant chaque syllabe prononcée. "Non, Maëlle, je ne voulais pas dire ça. C'est sorti tout seul, je..." Elle le coupe brusquement. "Sors. Sors de ma caravane, Noé. On en reparlera quand tu sauras ce que tu veux vraiment." Noé sort, me laissant seule avec ces pensées tourbillonnantes et mes émotions qui menacent de déborder. La caravane se remplit du silence pesant d'une dispute non résolue.