ADIEU

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Les mains moites, le cœur serré, je pris mon stylo plume, ouvris une feuille blanche et écrivis :


Bientôt trois semaines que tu n'es plus là, tu me manques, tu sais. Ici, c'est difficile, mes parents se disputent, ils m'insultent. Mon père me dit que je ne vais jamais réussir, que je suis nul. Et mon poids, il diminue chaque jour. Les marques sur mes bras s'accentuent un peu plus chaque jour. Mon père prétend que je suis anorexique, c'est assez ironique car avant, il disait que j'étais grosse. Le jour où j'étais à l'hôpital, je me suis promis de ne pas manger tant que tu ne mangerais pas. Je voulais que tu survives, tu comprends ? Maintenant, je n'y arrive plus. Je n'arrive plus à avaler ne serait-ce qu'une bouchée. C'est trop dur. Et devant le miroir... je me sens toujours plus grosse. L'école me donne la nausée, les regards des autres me donnent envie de vomir. Ce reflet dans la glace... il me fait paraître ronde. Je n'aime pas mon corps, je n'aime pas qui je deviens. Comment remonter la pente ? Comment faire quand plus personne ne croit en moi ? Quand on me croit incapable ? Quand les notes sont plus basses que la normale ?

Parfois, tu sais, je veux juste que tout ça disparaisse. Je veux juste ne plus être avec cette famille qui m'insulte encore et encore. Parfois, j'aimerais arrêter d'entendre. Tu sais, il m'arrive de penser à un monde où l'anxiété n'est pas présente, où les gens s'aiment tous, où les mots ne sont pas une vague de haine mais plutôt une vague d'amour. Parfois, je me demande ce que je fais toujours ici. Je voudrais tout arrêter, je voudrais juste être moi. À l'école, je n'ai plus d'amis, plus personne sur qui compter. Les gens se moquent de moi, ça m'effraie. Mais je ne peux pas me plaindre, j'ai un toit et une famille.

J'espère que toi là-haut, tu es heureux. Que tu as retrouvé ta famille et que ton sourire est toujours présent. J'espère de tout cœur que tu as ton piano et aussi ton orgue pour te tenir compagnie. Je crois qu'ici, tu nous manques à tous. Quand je vais chez mamie maintenant, tout est différent. Je ne nettoie plus ton fauteuil roulant. Je ne peux plus raconter de devinettes et je ne peux plus rire comme avant. Les rires ont laissé place aux conversations d'adultes. La maison ne brille plus comme avant. Et maintenant, pour te rendre visite, nous devons aller au cimetière, cela ne nous enchante pas vraiment. Sur ce, je dois aller dormir. Je te souhaite une bonne nuit.

Je pliai le papier que je glissai dans une boîte sous mon lit. Je pris mon casque et mis la musique tellement fort que je ne ressentais rien. Je me mis à danser, encore et encore, jusqu'à ce que l'épuisement m'atteigne.

Reste en vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant