Reste en vie

Le journal

Cher journal,

Tu sais, quand j'écris tout ce que je ressens sur papier, tout devient tellement plus simple. Parfois, je me dis que tout ce cauchemar va prendre fin. Aujourd'hui, j'ai reçu une mauvaise note, encore. Après tout, ils ont peut-être raison. Je ne vais rien devenir. Je n'arrive pas à me voir dans dix ans, je n'ai pas d'objectif. Rien en tête. La nuit, j'imagine un monde irréel. Je me vois avec un garçon. Pas un simple garçon. Je me vois avec CE garçon, celui qui fait vibrer mon cœur, qui me fait me sentir belle et me redonne confiance en moi. Il sait quoi faire pour me remonter le moral et m'aider à m'en sortir. Dans cette vie, je n'ai pas de parents, dans cette vie, je suis chanteuse professionnelle. Je fais le show sur scène, j'enchaîne les concerts les uns après les autres, et je ne stresse plus.  C'est vraiment ridicule ce que je te dis, mais tu es mon seul vrai ami. Plus je grandis et plus je me rends compte que l'on ne peut compter que sur soi-même. Plus je grandis et plus je vois que l'on vit dans un monde d'hypocrites. Les gens sont violents entre eux, ils sont jaloux et ne savent pas être heureux. Les gens aujourd'hui sont remplis de haine et de colère. Ils passent leur vie à rejeter la faute sur les autres. Ils ne font que ça, se plaindre. Je ne comprends pas pourquoi ils ne sourient pas, je ne comprends pas pourquoi ils sont méchants entre eux. Je n'aime pas le monde dans lequel je vis. Je ne me sens pas à ma place. Est-ce que c'est ça, la vie ? Aller à l'école pour décrocher le bac ? Travailler toute sa vie pour gagner un salaire de misère ? Se tuer au travail ? C'est ça, mon avenir sérieusement ? Je ne veux pas vivre dans un monde d'hypocrites où l'obligation est de travailler toujours plus pour se tuer à la tâche. Ce n'est pas ça que je veux. Et puis, à quoi sert l'école ? Hein ? À nous rendre tous parano ? À laisser des gens de notre âge nous rabaisser ? À nous sentir inférieur ? C'est ça qu'ils veulent ? C'est un peu comme jouer à qui sera le plus fort. Mais je dois rester forte. Pour lui, je le dois. Il faut que je me batte.

Je ferme le carnet dans lequel j'écrivais toutes mes pensées depuis plus de deux ans déjà. J'enfile ma brassière et mets un short. J'allume mon casque qui est posé sur mon bureau et mets de la musique à fond. Mon téléphone affiche « Le volume doit être baissé », mais qu'importe, je m'en fiche, ça me fait tellement de bien. Le tapis de sport disposé au sol, je fais ma routine sportive pendant que mes parents dînent en bas. 3 minutes de gainage, 8 pompes, 1 minute de gainage côté gauche, 1 minute de gainage côté droit. Le tout répété 4 fois. J'enchaîne sur une demi-heure de danse et vais prendre ma douche.

La douche est brûlante, les cicatrices sur mes bras me piquent, elles deviennent de plus en plus nombreuses. Chaque jour deux de plus se rajoutent. Les quelques cicatrices qui se sont résorbées ont laissé place à des marques blanches. L'été approche, et ma plus grande peur est que tout cela se voie... J'ai peur.