La majeure partie des habitants de Westwind s'étaient rassemblés à la seule et unique taverne du hameau d'où ils pouvaient avoir un magnifique point de vue sur l'arrivée de l'Inquisition et échanger leurs avis.
-Je refuse qu'elle nous attire des ennuis, grogna le tavernier, un homme de carrure imposante, en lançant un regard noir aux hommes du pape qui déchargeaient la carriole.
-Justement, ils ne viennent que pour elle, donc pas de problèmes pour nous, lui répondit un habitué.
-Avec l'Inquisition on n'est jamais sur de rien. Ils viennent pour une petite visite et quelques jours après la moitié du village fini fini sur le bûcher. Non, je n'ai pas confiance en ces gens-là, continua le tavernier.
-Surtout que la petite n'a rien à se reprocher, glissa timidement la femme du gros homme.
Toutes les personnes présentes s'entre regardèrent désappointées. En vérité, personne n'avait d'avis ferme sur ce point-là. Le fait est qu'elle n'avait jamais rien fait de mal, ni de mauvais, mais elle inspirait une sorte de terreur irraisonnée à tout le monde.
-Ses yeux... murmura l'un des hommes.
-Et bien quoi, il t'en manque bien un d'œil à toi, et on ne t'a jamais soupçonné de rien pour ça, continua la femme du tavernier.
-Tu ne peux pas comparer l'incomparable, c'est différent d'un œil en moins son problème. Et puis il n'y a pas que ça ! Et ses cheveux, et sa peau ? As-tu déjà vu quelqu'un de la sorte ?
-Non, fut forcé d'admettre la femme.
Le silence se fit dans la pièce jusqu'aux trois coups frappés à la porte qui fit trembler le mobilier.
Derrière celle-ci, Matthew Gui, grand, majestueux, des cheveux couleur de blés en été et un regard noisette scrutateur et vide de sentiments humains.
Le tavernier ouvrit grand la porte, se ratatinant sur lui-même, et mystérieusement toute lueur de haine à l'égard de l'inquisiteur avait déserté ses yeux. Il ne restait plus que de la peur et de la soumission. C'était l'un des principaux atouts de Matthew Gui, avant même d'avoir ouvert la bouche, il faisait déjà régner la terreur.
-Bienvenue à Westwind messire, de ma part et au nom de tous les hab...
-Assez. le coupa sèchement Matthew, Je n'ai besoin de la bienvenue de personne, pendant une dizaine de jours je vais avoir la propriété exclusive de ce village, vous connaissez l 'étendue de mes pouvoirs n'est-ce pas ? Alors je vous conseille à tous et à toutes de coopérer autant que je vous le demanderais.
La voix de l'Inquisiteur semblait provenir d'outre-tombe. Elle était vide, rien ne transperçait ses paroles. La voix de quelqu'un qui ne se fait plus d'illusions sur les desseins humains après avoir grandi dans le sang et la mort, et décidé de bannir même le plus infime de ses sentiments pour réussir à vivre sans souffrir. Qui était réellement Matthew Gui ? Qu'avait-il vécu pour finir ainsi à seulement vingt-cinq ans ? Les inquisiteurs de cet âge étaient rares si ce n'est inexistant. Mais Mathew Gui était sorti du lot pour sa cruauté et son impartialité. L'hérésie se propageant de plus en plus, le pape avait fait abstraction de son age et Matthew s'était sitôt retrouvé à sillonner les routes d'Angleterre. Depuis, la crainte qu'il inspirait à l'ensemble de la population avait effacé ces questions sans réponses des esprits. Aux yeux de tous Matthew était quelqu'un qui combattait Satan mais qui ressemblait plus à Satan qu'à autre chose.
Le jeune inquisiteur fit le tour de la taverne lentement, le visage caché par la pénombre.
-J'imagine que vous savez pourquoi je suis là.
Comme un seul homme les paysans hochèrent gravement la tête.
-Bien. Il est vrai que je manque cruellement d'informations sur cette fille. J'attends de vous que vous me disiez tout ce que vous savez.
Silence.
-Maintenant ! Et il tapa violemment du poing sur la première table venue ce qui fut suivi d'un craquement sinistre. Qui est cette fille !? Pourquoi ces rumeurs !? La haine suintait dans son regard.
Un vieil homme se leva les yeux au sol, broyant son chapeau entre ses mains.
-La fille des rumeurs c'est Albine messire.
Matthew Gui tapa de nouveau du poing.
-N'as-tu que ça à me raconter !?
-Oh non messire, je vais tout vous dire. Albine elle doit avoir dans les dix-huit ans. Elle habite tout au fond du village près de la foret. Elle n'a aucun parent et aucune famille, un jour on l'a trouvé quand elle était tout bébé sur le seuil de l'église. On a décidé de la confier à une vieille femme qui n'a pas eu d'enfants. Vous comprenez on n'a pas vu tout de suite pour ses yeux, elle dormait tout le temps. Et après... et après c'était trop tard, personne n'avait la force de tuer un enfant.
-Venons en aux faits. Parle-moi de ses yeux.
-Vous savez il n'y a pas que ses yeux. Albine elle est comme ça, elle a les cheveux blancs et la peau aussi. Bien sur ses yeux rouges sont le plus étonnant mais la vieille nous a dit que c'était une maladie de naissance ou un truc comme ça.
Matthew bouillonnait littéralement. Le tavernier lui, jetait des regards inquiets à ses meubles.
-Mensonges ! Mensonges ! Êtes-vous si naïf pour pouvoir croire à un mensonge aussi évident. Des yeux rouges, cela ne peut être que l'ouvre du Diable en personne ! Cette fille a passé un pacte avec Satan ! Vous avez hébergé et nourri un suppôt de Satan pendant dix-huit ans, je devrais tous vous condamner comme hérétiques !
Le tavernier se leva brusquement le visage tout rouge.
-Attendez messire, on y est pour rien nous, on se serait débarrassé d'elle depuis longtemps si la vieille n'avait pas été là. C'est qu'elle y tenait à son Albine !
-Exactement, reprit un autre On va vous emmener la fille si vous voulez, elle ne restera pas ici très longtemps. Vivante en tout cas.
Tous les villageois hurlèrent leur approbation, entraînés par le phénomène de foule. De son coté Matthew Gui resta statique un bon moment, indifférent à toute l'agitation autour de lui. Il reprit la parole brusquement.
-Si le Diable est effectivement présent dans ce village il n'y a pas un instant à perdre. Emmenez-moi là ou la fille demeure, mes hommes et moi allons immédiatement l'arrêter ainsi que sa complice.
Sur ce, l'inquisiteur sortit de la taverne et conduit par la horde de villageois en colère, se dirigeait vers la petite cabane qu'Albine habitait avec sa mère adoptive.
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Blanc comme les Cendres
Historical FictionDans l'horreur, les cris et les larmes le destin de deux mystérieux protagoniste s'entrelace tel une toile d'araignée. Une toile rouge sang.