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Le carnet contre mon torse, je marchais rapidement, scrutant ma montre toutes les dix secondes

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Le carnet contre mon torse, je marchais rapidement, scrutant ma montre toutes les dix secondes. Mes pieds foulaient le sol de plus en plus hâtivement, un peu plus et je me mettais à courir. Les aiguilles défilaient sur le cadran, j'avais peur de louper l'instant fatidique. Les rues d'Insadong commençaient à se vider, la pluie ne poussait pas les séoulites à sortir. Les restaurants fermaient, seuls les cafés laissaient leurs lumières tamiser le trottoir.

On me bouscula. Ou plutôt je bousculai une jeune femme. Je ne pouvais dire qui de nous deux n'avait pas évité l'autre. Je m'excusai et continuai ma course, le souffle légèrement troublé par le stress et l'appréhension.

22 heures 06

Je pouvais y être à l'heure. Sangmyeon Road n'était plus qu'à quelques pas. Une rue sur la droite, un petit escalier, j'entrai dans le parc qui bordait le lieu que je rejoignais. Il ne me restait plus qu'à le traverser et j'y serais. Les secondes s'écoulaient tandis qu'un tic tac retentissait en moi. Je n'avais plus de temps, ma montre me hurlait de me presser. Il fallait que je suive les indications que Felix avait laissées dans son carnet violet.

Sangmyeon Road, Insadong, 22h10

Il est l'heure de ne plus l'éviter.

Qu'avait-il vu le soir de sa disparition ? Pourquoi cet endroit précisément ? Avait-il croisé quelqu'un lorsque les aiguilles s'étaient ainsi positionnées ? J'allais forcément découvrir quelque chose en répétant le schéma.

Sangmyeon Road, Insadong, 22h10

Il est l'heure de ne plus l'éviter.

Allez, me soufflai-je.

Sangmyeon Road, Insadong, 22h10

Il est l'heure de ne plus l'éviter.

Merde, j'allais le louper, j'allais manquer cet instant précis inscrit dans ces lignes qui avaient disparu après que mes yeux se soient posés dessus. J'accélérai, je courrai même. Mes semelles abîmées payaient cher le bitume qui les éraflait à chaque enjambé que j'effectuais. Mes joues rougissaient sous l'effort, le jean de ma veste grinçait dans mes mouvements précipités. Pourtant tout mon être n'était attiré que par une pensée : Lee Felix.

C'est sûrement pour ça que je ne vis pas tout de suite la scène qui allait se jouer lorsque j'arrivai. Sangmyeon Road, une longue quatre voies où les voitures déboulaient dans des grondements assourdissants, s'étalait enfin devant moi. Ma course m'avait essoufflé, je fléchis les genoux, posant mes mains sur ces derniers pour reprendre ma respiration. La pluie battait mon visage, mes cheveux légèrement trop longs se plaquaient sur mes paupières.

Soudainement je me sentis partir en avant, comme si la fatigue avait engourdit tout mon être. Mon corps me lâchait subitement, sans aucune forme de prévention. Je titubai sur l'asphalte, le monde tourbillonna, il devenait flou. Les sons s'étaient démultipliés, ils fracassaient mes tympans, se jouaient en écho. Une voiture me frôla, un bruit de klaxon et j'hoquetai. Le sol me semblait mouvant, comme une mer de sable qui m'engloutissait. Un conducteur me hurla dessus, soit disant que j'étais inconscient de traverser ainsi. Je n'avais rien décidé pourtant, j'avais comme été transporté sur ce passage que les pneus brûlaient sans arrêt.

Puis la terre gronda, m'arrachant aux vagues désynchronisées de mon esprit. Je repris possession de moi lorsque je le vis foncer dans ma direction. Le bruit du klaxon était si fort que je crus percevoir du silence en lui. Ses phares m'aveuglèrent, la peur me figea. Je connaissais cette carrosserie bleue nuit. Ce camion n'allait pas s'arrêter, je le savais. J'avais déjà vécu cette scène. Les frissons qui me parcouraient, je les connaissais, j'en étais certain. J'avais le cœur au bord des lèvres.

22 heures 10

Une lumière vive me percuta brutalement, m'arrachant mon souffle instantanément. Un son discontinu s'imposa dans le vide qui venait de se créer. Silence. Silence. Étendue immaculée. Cette fois-ci j'y étais sûrement passé, le camion m'avait véritablement fauché. Pas de miracle comme lorsque j'étais gamin, mon histoire s'arrêtait là.

C'est ce que je crus du moins.

Jusqu'à ce que mon corps se fasse brusquement tirer en arrière, comme propulsé par une force que je ne pouvais distinguer, un vent un peu trop fort pour qu'il puisse réellement exister.

J'ouvris les yeux, les spots blancs avaient disparu, le silence assourdissant s'était tu. A la place j'entendis un vélo me sonner, avant qu'il ne m'évite brusquement en m'insultant par la même occasion. Il y avait sûrement de quoi, j'étais assis au beau milieu de la route, le regard ailleurs, ma raison disloquée par les évènements que je venais de m'imaginer.

Pas de camion en vu, pas non plus une seule blessure qui décorait mon corps exténué. Pourtant mon cœur battait encore à tout rompre, toujours choqué par la mort que je venais de défier. Je n'arrivais plus à déterminer la limite entre rêve et réalité. J'avais comme été baladé entre des illusions de mon passé.

Minho ?

Je reconnu instantanément ses cheveux peroxydé tandis qu'il lâchait son bungeoppang* des mains, complètement secoué. Je l'étais sûrement tout autant que lui, malgré ça je ne pus retenir les larmes qui s'amassaient à mes yeux et mon sourire qui mangeait mes joues.

22 heures 11

Je l'avais retrouvé.

*𝚋𝚞𝚗𝚐𝚎𝚘𝚙𝚙𝚊𝚗𝚐 : 𝚐â𝚝𝚎𝚊𝚞 𝚎𝚗 𝚏𝚘𝚛𝚖𝚎 𝚍𝚎 𝚙𝚘𝚒𝚜𝚜𝚘𝚗, 𝚏𝚘𝚞𝚛𝚛é 𝚍𝚎 𝚙â𝚝𝚎 𝚍𝚎 𝚑𝚊𝚛𝚒𝚌𝚘𝚝 𝚛𝚘𝚞𝚐𝚎

✮ ⋆ ˚。𖦹 ⋆。°✩

Oh wow

Un monde sans Nous ᴹᶦⁿˡᶦˣOù les histoires vivent. Découvrez maintenant