Comme des enfants...

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J'ai décidé de lui écrire. Lui écrire comme s'il n'était jamais parti. Emprisonné dans mon esprit, au travers de mes pensées. Jeune, insouciante et intemporelle...

Je nous imagine. Enfants et innocents. Mais les années sont passées et nous avons été séparé. Séparé à contre-coeur.

Enveloppé dans la chaleur du passé, je ne peux m'empêcher de croire que tu m'étais destiné. Et je me perds moi-même à imaginer ce qui se serait passé si tu n'étais pas parti.

Agathe Ferraton.



Été 2023 :

Nos corps allongés dans l'herbe de juillet, je te lis les lignes de La Bella Estate de Cesare Pavese. Enivrés par la chaleur de l'été, couverts par les arbres du champ près de la maison, je laisse le temps défilé au rythme de ses lignes italiennes. Tes yeux rivés vers le ciel, un morceau de paille dans la bouche, tu souris lorsque j'interprète à la perfection les personnages et les émotions de ces pages. Tu observes les traits de mon visage, le dessine du regard et c'est enivrant, presque excitant. Tu te lèves pour sonder mes lèvres. Me coupes dans mon élan et m'embrasses passionnément. Je souris sous la douceur de tes baisers. On se relève. Assis dans le champ, les yeux dans le vent. Le lac est magnifique cet été. Brillant, presque assez éclatant, éblouissant. Je tourne la tête et observe ton expression interrogative.

-Tu comptes reprendre la lecture ?

Je souris et saisis le livre pendant que tu te rallonges dans l'herbe. Je reprends :

Si vede che gli piaccio como parlo, come guardo, come sono; gli piaccio come amicizia, mi vuol bene. Non credeva che avessi diciassette anni, mi baciava sugli occhi; sono proprio una donna. »

Soudain immobilisée par le cours de mes pensées, je laisse tomber le livre à mes pieds. Tu te lèves et poses ta tête sur mon épaule.

-À quoi tu penses ?

-Je sais pas, à tout ou peut-être à rien.

-Tu es si énigmatique, quel beau mystère tu fais.

Je m'allonge dans l'herbe et tu imites ma position. Dévorée par la chaleur de soleil, j'observe les nuages. Dans ce coin de paradis où nous nous sommes rencontrés il y a 13 ans, rien n'a su nous séparer. C'était assez spontané entre toi et moi. Déjà énamourés depuis la cour de récré. Tu étais timide mais j'étais une vraie teigne. Jamais peur de rien et je me rappelle ton regard intimidé lorsque tu écoutais mes idées.

Aujourd'hui tu ne ressembles plus du tout à ce petit garçon timide et introverti que j'ai connu. Pourtant j'aime voir l'homme que tu deviens en grandissant. C'est agaçant de te savoir toujours aussi charmant. Tes yeux turquoise, tes cheveux blonds devenus châtains, l'amplitude de ton corps si fine s'est tonifié, dessinant à merveille les trait de ton anatomie.

Calmes et apaisés, nous décidons de descendre au lac rejoindre nos amis. Tu saisis ma main, enlaces ma hanche et embrasses mon front. Je ferme les yeux. Comme lorsque l'on s'embrasse, l'on rêve ou imagine parce que les plus belles choses de ce monde sont invisibles.

-Glace ?

Je hoche la tête pendant que tu saisis nos affaires pour les ramener à la maison. Mon chat dort dans le salon, dans un coin d'ombre. Les pattes en l'air, il semble emporté dans ses rêves. Je caresse son ventre et nous quittons la maison.

Mes cheveux dans le vent, un air de musique sur la radio, je dévore cet instant. Tes sourires sur mes émotions bouleversantes. Tu saisis ma main et y déposes un baiser, quittes un instant la route pour plonger tes iris dans les miennes. J'aime cette sensation. Douce et enivrante. Passionnée et démesurée. Je savoure cette émotion qui gronde comme un orage en moi depuis si longtemps. Elle ronge la plus infime des parties de moi-même et s'engouffre dans les méandres d'un esprit qui était inconnu au miens. Incapable de discerner cette émotion des autres, je la laisse gouverner mon coeur comme si elle avait toujours eu sa place ici. Pourtant, je m'égare inlassablement dans le dédale incompréhensible de mon esprit.

ÉnamourésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant