14. Robbie [5]

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Mardi 7 février 2023

Deux semaines de plus.

Deux semaines de sorties, de rires et de sourires.

Deux semaines de baisers, de discussions et de sexe.

Deux semaines qui ne changent rien.

Car je suis certain qu'elle n'a toujours pas parlé de moi à ses proches.

Je ne demande pas à être présenté à sa mère — quelle horreur ! J'ai juste besoin d'un petit peu de reconnaissance. J'aimerais exister ailleurs qu'entre ses draps.

Enfin, j'existe autrement, c'est vrai, car, si elle ne me présente à personne, nous avons néanmoins déjà passé plusieurs soirées avec Tim et Léa. Des moments bien cool au pub, à parler musique et à se marrer.

Cependant, quand je lui suggère de proposer à ses amis et son frère de nous rejoindre, elle élude à chaque fois. Ou me sort des excuses bidons.

Je n'ai aucune éducation et j'ai fait de la prison, pourtant je suis pas débile. Je sais bien qu'elle me balade.

Et je la comprends, en fait. C'est sûrement ça le pire. Que pourrait-elle dire à ses proches à propos de moi ?

« On s'est rencontré parce que j'aimerais écrire un dossier sur la réinsertion des détenus en France. C'est donc un ancien taulard. Mais il a rien fait de grave, trois fois rien, disons : trafic de drogue. Et il est cool, à part ça. Enfin, certaines nuits, le pauvre, il fait des cauchemars car l'un de ses beaux-pères le frappait quand il était petit. »

Et dire qu'elle ne sait même pas tout de mon passé...

Je ne comprends donc pas pourquoi je tiens tant à exister aux yeux de ses proches.

Ces pensées déprimantes se bousculent dans ma tête tandis que je travaille sur un vieux diesel dont il faut changer les bougies — tâche simple qui ne nécessite pas de beaucoup solliciter ses capacités mentales, heureusement.

Débrancher une borne de la batterie. Se contorsionner un peu et nettoyer le tour des bougies au compresseur avant de les enlever, pour souffler la poussière afin d'éviter qu'elle ne tombe dans le moteur. Retirer les cosses des bougies qui sont vissées dessus. Desserrer les bougies avec une clé appropriée. Remplacer chaque bougie l'une après l'autre, pour ne pas permuter les câbles d'allumage. Pour le remontage, effectuer le vissage à la main, histoire de s'assurer que le filetage est bien positionné. Et serrage final réalisé à la clé.

Inconvénient néanmoins : ce boulot-là ne me permet pas de mettre mon cerveau en sourdine.

Pour ajouter à mon moral au beau fixe, ma mère m'a recontacté il y a trois jours. Le truc habituel : son mec l'a plaquée et elle a besoin de thunes. Encore.

C'est toujours le même schéma, avec la daronne. Elle rencontre un nouveau gars, c'est le grand amour de sa vie, elle n'existe plus que pour lui et reste donc des mois sans m'appeler. Puis, au bout d'un moment, il y a de l'eau dans le gaz, la lune de miel se termine... et elle se retrouve seule. Sans thunes, le plus souvent.

Alors elle m'appelle. Je ne réponds pas. Elle m'inonde de messages. Elle me rappelle. De guerre lasse, je réponds. Et le cinéma recommence.

— Mon chéri ! Tu m'as tellement manqué.

— Pas toi, et c'est faux, de toute façon.

— Tu es toujours aussi drôle ! Quoi de neuf de ton côté ?

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