17. Où et quand

16 3 10
                                    


Dimanche 19 février 2023 (Viviane)

Après le départ en fanfare de Robbie hier soir, j'ai hésité l'espace d'un instant à me saouler ; je n'ai pu néanmoins me résoudre à boire seule. Peut-être cela ne va-t-il pas si mal finalement si j'ai encore un soupçon de respect pour moi-même ?

J'y repense ce matin, après une horrible nuit, et laisse échapper un petit rire amer.

Je n'avais personne à appeler pour me plaindre de notre rupture, en plus. À cause de ma propre connerie. Ce qui représente bien le cœur du problème.

Pourquoi n'ai-je parlé de lui à personne ?

Parce qu'il a fait de la prison ?

Parce qu'il est un peu plus jeune que moi ?

Parce que l'on vient de deux mondes à l'opposé l'un de l'autre ?

Ou parce que mon attirance et mes sentiments pour lui me font peur ?

Réponse E : pour tout ça à la fois...

Même si j'avais voulu voir Claire ou Roman aujourd'hui, ce n'était pas possible : Claire est en weekend à Aix-en-Provence avec son Jonathan, et les deux amoureux se promènent au Japon.

J'ai bien d'autres copines de l'université, et une ou deux filles avec qui je m'entends bien au journal. Je ne suis néanmoins pas assez proche d'elles pour organiser un truc improvisé un dimanche après-midi. Et ma relation avec aucune d'entre elles n'est assez intime pour que je me confie à propos de Robbie.

Je me morfonds donc chez moi à la place.

J'essaie d'écrire mon roman en cours : aucun mot ne vient.

Je tente de me plonger dans les histoires d'autres auteurs en herbe que je suis sur Wattpad : je dois relire chaque phrase plusieurs fois car rien ne s'imprime dans mon pauvre cerveau.

Je me lance dans une nouvelle série Netflix : tout m'irrite. La légèreté des personnages, l'endroit où ils vivent, tout.

Malgré la promesse transportée par de gros nuages gris, je descends me promener à la plage en bas de chez moi. Mauvaise idée, cela me rappelle le premier dimanche que nous avions passé ensemble. Sur le chemin du retour, des gouttes froides et implacables m'accompagnent.

Avec l'énergie du désespoir, je commence alors à travailler mon article sur la réinsertion des anciens détenus, toutefois ce sujet me ramène trop à lui.

La tristesse que j'éprouve me fascine. Je la dissèque avec une précision morbide.

Nous ne sommes sortis ensemble que pendant un mois et demi ! Après deux ans de relation avec François, je n'ai pas ressenti le quart de la douleur qui m'habite depuis hier soir. Pourquoi tout devenait plus intense avec Robbie ? Les discussions, les orgasmes, nos réactions quand quelque chose n'allait pas, et notre rupture, à présent.

Maintes et maintes fois au cours de la journée, je commence à rédiger un message à son intention, que je n'envoie pas. Bien sûr. Le cliché absolu après une séparation, n'est-ce pas ?

J'ai envie de lui dire que j'ai changé d'avis, que je suis d'accord pour une relation sérieuse. Or ce serait mentir. Quelque chose me retient. Si je lui ouvre mon cœur et mon âme noire, ça ne peut que mal se terminer...

La nuit, voile sombre sans étoiles, finit par tomber. Je m'abrutis un moment devant une comédie romantique Netflix, plutôt mauvaise - ce qui n'est pas plus mal, aucune véritable émotion ne passe entre les personnages et moi-même.

L'ExplosionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant