On a rompu avec moi une fois. Mon premier amour. C'est une sensation que je n'ai jamais oubliée, que je ne souhaite même pas à mon pire ennemi. Du jour au lendemain, celui qui était tout disparaît. Tout s'évanouit excepté les souvenirs. Et c'est une véritable torture de se rappeler le bonheur dans ces instants de souffrance. Je n'ai plus jamais laissé un homme me blesser ainsi, j'ai toujours pris les devants avant de souffrir. On pense qu'on sera fort, qu'une fois célibataire tout sera possible. Mais on ne reste pas célibataire bien longtemps parce qu'il faut combler ce vide par tous les moyens possibles, il faut faire taire cette douleur. Faire disparaître ce trou béant qu'on a dans la poitrine.
On pourrait citer les cinq étapes du deuil. Elizabeth Kübler-Ross avait vu juste, mais plus que de la théoriser pour la mort, ces étapes sont transposables à l'amour. Même si je n'adhère pas à cette théorie, je trouve ça juste de lui rendre un certain hommage. Déni. Colère. Marchandage. Dépression. Acceptation.
Déni. Qui n'a jamais refusé une rupture ? Qui n'a jamais supplié l'autre de tout recoller, de tout recommencer et de réessayer ? Mais comme je le disais, un vase en mille morceaux reste brisé malgré l'emplâtre qui cimente chaque partie. À l'annonce, notre cerveau est incapable de comprendre. Il se passe un phénomène étrange où l'on écoute, mais on n'entend plus rien. On sent les larmes coulées, mais nous sommes dans l'incapacité de régir notre propre corps.
Colère. Contre soi ou contre l'être aimé, tout dépend du contexte. Se haïr pour les erreurs commises, se rendre coupable de tous les malheurs de notre ancien couple, rejeter la faute sur son unique personne. S'accabler soi parce que l'être aimé, si pur à nos yeux ne peut pas être responsable. Si on nous quitte, c'est parce que nous sommes responsables. Voilà comment notre cerveau vois les choses. Mais parfois, il décide de haïr l'être aimé, de lui en vouloir pour cette peine et ce trou béant qui s'ouvre petit à petit et déchire notre âme. Il est plus facile de haïr l'autre pour pouvoir passer à autre chose. Fabriquer un ennemi de toute pièce pour mener ce combat plus aisément. Car, en effet, il est plus facile, parfois, de haïr l'autre pour oublier et panser nos blessures. Après tout, entre l'amour et la haine, il n'y a qu'un pas. Le fossé n'est pas si large qu'on ne le pense.
Marchandage. Si l'on a choisi d'être en colère contre soi, on arrive au moment où l'on tente de convaincre l'amant que tout peut changer. On essaie de persuader l'être aimé qu'il est possible de repartir de zéro et on tente de se convaincre nous-même. Vaine idée. Même le plus fervent négociateur saurait reconnaître qu'il s'agit là d'une cause perdue. Mais animé par l'espoir, on s'entête. On publie sur les réseaux des images animées joviales, scrutant à chaque minute si l'autre les regarde. On essaie par tous les moyens d'attirer son attention.
Souvent, ces trois premières étapes se déroulent dans les premières heures, voire les premiers jours suivant la rupture. Tout se chamboule dans notre être dans ces moments-là. Animé par cette vague d'émotions et de sensations confuses, on tente le tout pour le tout. Rare sont ceux qui arrivent à convaincre l'altérité de revenir sur sa décision. Elle est souvent mûrement réfléchie depuis un bon moment. Alors advient les deux dernières étapes, les plus fastidieuses et celles qui requièrent patience.
Dépression et acceptation. Je crois qu'il ne faut pas séparer ces deux étapes, car elles sont enchevêtrées l'une à l'autre. Pour accepter, il faut déprimer et pour déprimer, il faut avoir conscience qu'un jour ou l'autre, il faudra se faire à la situation et à cette solitude. Il est risible de voir que dans ces instants où nos proches nous entourent de leur amour nous nous sentons seul comme jamais. Alors on s'enferme dans ce lit froid, sous une couette qui nous paraît alors trop grande, une musique dont les paroles nous rappelles chaque moment de bonheur et un oreiller humecté des perles salés qui ne cessent de rouler sur nos joues. On déprime, on ne mange plus ou alors on tente de combler ce vide par tout ce qui nous passe sous la main. En somme, la moindre tâche quotidienne nous semble être une épreuve herculéenne. On ne comprend pas l'agacement de nos proches qui voudrait qu'on se ressaisisse. Chose étonnante que j'ai pu remarquer, c'est qu'on nous sert toujours les mêmes phrases bateaux. On nous observe du coin de l'œil pour s'assurer qu'on ne se noie pas, mais personne n'ose s'approcher de nous comme si nous étions contagieux. Quand bien même nos amis nous sert dans nos bras on est persuadé que personne ne peux comprendre notre douleur. Et pourtant. Qui, après tout, n'a jamais connu de chagrin d'amour ? Celui qui se vanterait du contraire est bien sot de ne pas savoir. Car ce sentiment d'errance est aussi dévastateur qu'il est didactique. Quoiqu'il en soit, nous sommes là dans ce lit trop grand pour une seule personne. On sombre, le cœur brisé et l'âme en peine. Rien ne peut nous arracher un sourire. Tout semble fade, la vie ne ressemble plus qu'à un de ces vieux films en noir et blanc. Il ne nous reste plus rien et au fur et à mesure que nous nous enfonçons, nos proches s'éloignent, lassés de nous voir ainsi et de devoir recollé pour nous les propres morceaux de notre être. Puis vient un jour où nous sortons de notre cocon, lassé d'avoir hiberné tout ce temps, nous ressentons le besoin de ressentir d'autres émotions.
Durant cette phase de rupture au final, il n'y a que le "je" qui compte. À aucun moment, nous pensons aux "nous" ou à l'altérité. Seul compte cette envie irrépressible de combler, soulager ou panser ce trou béant qui ne cesse de s'agrandir dans notre poitrine. Nous sommes égo-centrés. Nous ne nous soucions pas de savoir qu'elle est la douleur de l'autre. Car peu importe qui entame la rupture, c'est un acte courageux que de savoir dire stop. Mais notre "je" l'emporte et incapable de voir plus loin que notre propre être, nous en oublions même de remercier nos proches. Ceux qui restent et nous soutiennent dans cette tragédie.
Cependant, je suis d'avis qu'il existe d'autres solutions pour palier une rupture amoureuse. La première réside dans le fait d'enfouir au plus profond de soi sa souffrance, l'enfermer et ne plus y penser. On se promet alors de durcir notre cœur et notre caractère. On ne s'autorise pas à éprouver la moindre tristesse. Si sur le moment cette solution nous semble être la meilleure, elle reste dangereuse, car nous n'apprenons pas de nos erreurs et on ne s'autorise pas à ressentir la douleur. C'est un mécanisme de défense que beaucoup utilisent, surtout qui comme moi, n'ont pas beaucoup d'amis vers qui se tourner et ont peur de montrer aux autres leur souffrance et de paraître faible, ou comme j'aime affectueusement l'appeler : "La technique du cœur de pierre". La seconde des solutions, et souvent celle qui nous semble la plus censée sur le moment, serait de se laisser dépérir quelques semaines, voir quelques mois avant de retrouver goût à la vie. On en revient à cette idée de dépression,acceptation. Enfin la dernière, sûrement ma préférée, car je l'observe chez les autres avec grande curiosité, repose sur le fait de compenser la perte en accumulant dette et amant. Faire comme si tout allait bien, comme si rien ne nous touchait. On tente que combler le vide par du shopping, des rencards miteux sans lendemain et des sorties entre filles. Draguer, manger, dépenser. Un credo qui soulage.
Cependant, comme la technique du cœur de pierre, une fois de retour chez soi, une fois la porte close, on laisse le masque de la socialisation tomber et on se retrouve bien seule dans ce lit froid. Seule face à sa tristesse.
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Chroniques de l'amante de l'amour
RomanceIl faut parfois embrasser la mauvaise personne pour savoir qui est la bonne. Ça arrive plus de fois que l'on ne le pense. Alors on espère recoller les morceaux. Mais nous savons qu'un vase brisé ne saurait être réparer. La rupture amoureuse fait mal...