LYS

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LYS

[Mon amour pour elle était aussi nouveau et pur que la blancheur candide d'un pétale de lys]


Comme souvent, c'est par une amitié que commence cette histoire tragique, douloureuse et surtout, unilatérale. Lys a été mon tout premier amour, mon tout premier chagrin et ma toute première fleur. En soi, elle était tout. Elle avait tout.

Tout cela démarre aux alentours d'une soirée quelque peu alcoolisée, il faut le dire, allongé en pleurs sur les genoux de ma meilleure amie, me lamentant de ma vie misérable, si ce n'est affreuse. Je lève la tête et, au milieu de mon champ de vision obstrué par le flou d'une bouteille de vodka bon marché, elle dansait. Je pense que oui, c'est à ce moment-là que tout débute.

Peut-être devrais-je vous décrire en quelques lignes ma relation avec elle jusque là. Et bien, nous étions amies comme l'étaient deux gamines paumées à l'entrée du lycée, c'est-à-dire ponctuées de rire détonnant, de pleurs vivaces et de délires loufoques. Mais, Lys avait cette faculté physique d'être si proche des gens, j'entends par là une tactilité accrue et un désir de faire partie de leur vie si grand que s'en est déroutant. Nous faisions partie d'un groupe d'amis si singulièrement uni par le rêve d'être magistral et je pense à ce jour qu'il n'y a rien de plus fortifiant pour un groupe de pair, que de l'envie commune de briller comme de l'or sur le devant de la scène.

Alors, voilà, elle dansait. Elle dansait et bien évidemment elle était belle. De toutes les fleurs sur lesquelles j'aurais pu trébucher, il a fallu qu'en cet instant, ce ne soit qu'elle qui me balança toutes ses pétales à la figure, sans une seule once de considération pour mon pauvre cœur. Quelques jours passèrent, puis une semaine, puis une deuxième. Et dans mon esprit comme au fond de ma rétine y était imprimée l'image d'elle, dansant.

Au départ, ce n'était qu'une légère arrière pensée, qu'une légère teneur dans l'estomac. La seule chose que je savais, c'est qu'à cet instant, je rougissais en croisant son regard Et l'allumette censée être si vivace, si rapidement éteinte, se voit rencontrer l'essence. L'essence de la vie peut-être ? Dérouté n'est pas assez fort pour exprimer la façon dont j'ai été fortement touché par la réalisation ma foie lente mais néanmoins troublante : j'étais tombé sous le charme d'une de mes plus proches amies, et je ne pouvais m'en défaire.

Elle était proche de moi, pas comme je le souhaitais évidemment, mais assez pour que chaque petites paroles, chaque touché plus léger les uns que les autres, suffisent à me faire rayonner. Puis j'ai commencé à chercher cette proximité, et c'est à ce moment-là que je pense que la tragédie s'amorce. La fierté, ou ce qui pousse inexorablement les humains vers le vice. Alors non, je ne parle pas de moi, mais uniquement pour l'instant, le malin ne m'a pas encore pénétré, mais il me trouvera très bientôt.

Non, c'est Lys, Lys a compris. Elle a simplement intégré que si elle entretenait avec moi cette relation remplie d'ambiguïté, elle m'aurait auprès d'elle aussi longtemps qu'elle le voudrait. Comme un jouet en bois qu'on offre à un gosse pour qu'il lui dure plus longtemps. Et quelque part oui, Lys est une enfant, puérile, jalouse, possessive. Ou peut-être écris-je sur elle mon propre reflet ? Ou peut-être que nous avons simplement gravé mutuellement ce comportement en et entre nous.

Un ballet rythmé s'entretenait. Une danse avec le diable, dans laquelle nous avions jeté notre amitié dans les flammes, priant pour qu'un jour, une simple brise de vent nous aidera à la retrouver. Les jours passent à nouveau, le monde tourne malgré mes sentiments grandissants et son égocentrisme s'accroche au centre de la terre, aussi vivement que le magma en fusion. Et c'est là que mes premiers écrits naissent, parlant de Lys et d'Arès. Arès est pour moi la représentation même des hommes pour ce qu'il y en a au lycée. Vulgaire, vil et agaçant.

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