Quand les morts se relèvent

III.I | MONSTRE & MONSTRES

Kris ouvrit difficilement les yeux. Elle ne voyait rien : le noir était roi autours d'elle. L'obscurité était presque palpable, lourde, pesante, menaçante. Où était-elle ?

La Sorcière remarqua que le sol était humide et poisseux sous son dos, recouvert d'un liquide épais qui s'était glissé dans ses habits. Mais depuis quand était-elle au sol ? Elle s'était installée sur un lit d'hôpital pour se faire soigner par deux Célestes.

L'anesthésiant brouillait encore ses pensées. La jeune femme était réveillée, mais pas tout à fait. Les souvenirs d'avant de s'endormir manquaient dans sa mémoire.

Kris décida – littéralement – de faire la lumière sur ses questions. Elle fit flotter non loin d'elle une petite flamme blanche qui éclaira tous les recoins de la pièce.

Pour le meilleur, mais surtout pour le pire.

Kris avait beau avoir le cœur bien accroché, elle était nauséeuse face au charnier qui s'offrait à elle.

Du sang. Voilà ce qui la recouvrait presque intégralement. L'hémoglobine décorait les murs précédemment blancs de grotesques dessins écarlates.

Juste à côté d'elle, les yeux vides de la tête du Lunaire la regardaient. Le reste de son corps était éparpillé dans la pièce : quelques tripes formaient des guirlandes sur le lit renversé, son buste, une aile déchiquetée et un morceau de son bras reposaient dans un coin. Presque contre les pieds de la Sorcière se trouvait la partie inférieure de Byrd, vraisemblablement arrachée du reste car les os blancs des hanches et le bas de la colonne vertébrale étaient apparent et luisaient macabrement selon les ondulations de la lumière. Les quelques morceaux restants étaient invisibles, recouverts par les litres de sang.

Il était clair de celui qui l'avait tué avait d'abord joué avec lui.

Hélios semblait être mort plus rapidement. Sa gorge avait simplement été tranchée. Son corps était près de la porte, si bien que l'esprit logique de Kris déduisit qu'il avait été occis dès que le meurtrier avait passé la porte. Cependant, bien que son cadavre fût relativement épargné, le tueur s'était amusé à planter dans son cœur l'une des ailes de Byrd, puis celles du Solaire.

La Sorcière se gifla. Fort.

Elle devait mettre ses sentiments de côté. Le sang était frais : le meurtrier rôdait encore dans les parages. Si Kris voulait quitter l'hôpital vivante, elle devait réfléchir, et vite. Usant de sa magie, elle créa ses armes favorites. Une pour chaque main. Une dague à gauche et un gantelet, qui s'étalait sur ses doigts pour former des griffes et qui remontait pour protéger son avant-bras des chocs, pour sa main droite.

Pour le moment, deux choix s'offraient à elle : rester dans cette pièce ou sortir. Si elle restait, elle pourrait y attendre les secours en toute sécurité. Mais si celui qui avait occis Byrd et Hélios venait, elle serait coincée. Acculée. Si elle sortait, elle risquait de croiser le tueur, mais pourrait aussi être en sécurité plus tôt.

Un fait étrange s'imposa à son esprit. Les deux Célestes étaient morts dans cette pièce, mais elle, qui était alors inconsciente, n'avait eu aucune égratignure. Pourquoi ?

— Ijina... murmura-t-elle à mi-voix, comme une prière.

Et puis soudain, elle sourit. Ce n'était pas un sourire de joie ou de satisfaction. Ce n'était pas un sourire lumineux ; c'était plutôt un sourire si sombre qu'il semblait avaler la lumière.

C'était un sourire fou.