CHAPITRE 1 : Le Monstre

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J'attends.

J'attends.

J'attends qu'il revienne.

Me détruire encore un peu plus, que la veille.

J'attends.

Quand on pense avoir touché le bout, c'est faux, il y a toujours pire, mais surtout il n'y a pas de fin, la seule fin qui peut y avoir c'est ma mort.

Mais il ne veut pas me voir morte, je crois. Non, c'est sûr, il m'aurait tuée bien avant s'il voulait me voir morte. Il a préféré me pourrir la vie, durant des années, je ne sais même pas combien. Au tout début, j'essayais de compter les jours, et je le marquais dans un coin de ces 6 murs en béton. Qui forme, je dirais une sorte de L à l'envers. Je griffais un de ces murs grâce à l'épingle que j'avais dans mes cheveux.

Je ne sais pas si tu te rappelles, c'était toi qui m'avais réveillé ce matin-là. Ça faisait si longtemps que je ne t'avais pas vue, j'étais la plus heureuse ! Et pour te faire pardonner de tes semaines d'absences, tu as proposé de me coiffer, pour me faire plaisir. Je me rappelle ton reflet dans le miroir ou je te voyais dans une concentration déconcertante, tu fronçais tes sourcils ébouriffés, épais noirs corbeaux. De la même couleur que mes cheveux. Et après de bonnes minutes éprouvantes, tu as abandonné l'idée de me faire deux tresses et tu es parti pour faire la coiffure que tu me faisais habituellement, un chignon haut que tu attachais grâce à des épingles.

Ces mêmes épingles qui m'ont servi pendant plusieurs mois à compter les jours, de ma punition, mon enfermement. J'ai rapidement abandonné, car il y avait beaucoup de traits, trop de traits. Ça me désespérait et je n'arrivais plus à me repérer, mon seul repère, c'était toi.

Toi, quand tu arrivais en me réveillant de tes coups, j'imagine que c'était le matin. Alors, dès que tu partais, j'essayais de me déplacer jusqu'au mur ou de nombreux traits étaient déjà présents. Mais ça devenait très compliqué pour mon petit corps d'enfants de 9 ans, de se déplacer sans sombrer dans l'inconscience.

Toi, qui malgré mon enfermement, tu continues à m'éduquer sans relâchement, d'une façon particulière, que je ne souhaite à aucun enfant. Au début je croyais que tout était normal et que j'étais juste faible comme tu me l'as si souvent dit et fait comprendre, puis j'ai compris au fil du temps que non toute ma vie n'avait rien de normal.

Toi, qui avant me lisais des histoires pour m'endormir, désormais, c'est grâce à ta force et tes coups que je tombe dans un sommeil profond. En priant pour qu'il me ramène dans mon lit, mon ancien cocon protecteur, que j'ai toujours détesté à cause de ses couleurs, rose Barbie et à cause de cette déco de princesse. Je n'ai jamais voulu être une princesse, je voulais être forte comme mon père et ma mère. Mon père n'est pas forcément un exemple, mais avant il était fort et puissant, il l'est toujours, mais actuellement il est monstrueux. J'ai vu sa face monstrueuse et j'aurais préféré ne pas être là, ou SI ! Être présente, mais avoir pu la sauver. Maintenant, je rêve plus que de me réveiller dans ce lit couvert de strass et de paillettes. Je donnerai cœur et âme pour y retourner. Ce sommeil que tu me donnes est loin d'être réparateur, il me rappelle toutes mes erreurs, mes pires traumatismes et mes pires souvenirs.

Toi, qui au fur et à mesure du temps, j'ai fini par enfin comprendre que je n'ai fait que t'idéaliser, car tu étais ma figure paternelle en qui je donnais toute ma confiance, cette confiance qui a fini par elle-même m'aveugler.

Toi, qui croyais que je dormais, alors que la seule chose que je faisais était d'écouter tes injures, qui le lendemain revenait avec de nouvelles blessures.

Toi, qui m'as emmené à l'hôpital, car tu m'as poussé un peu trop fort, je te pardonne, je sais que tu n'avais pas fait exprès. Je tentais juste de l'aider alors je suis venu, mais tu n'as pas apprécié et tu m'as bousculée. J'ai chuté, je me suis retrouvé au sol, mon sang qui coulait sur la première marche d'escalier. Mais au moins, tu ne forceras plus à la toucher. J'étais en larme pas pour moi, mais pour sa douleur. Alors j'ai essayé de la rassurer en lui faisant un sourire qui lui intimait que je n'avais plus mal. Non, je n'avais plus mal, car les bras de ce monstre n'étaient plus sur elle, mais moi. J'ai pu sombrer dans l'inconscience en ayant le cœur léger, car je l'ai protégé d'un potentiel traumatisme. Je ne comprenais rien à la situation, mais tout ce que j'ai compris, c'est l'horreur dans ses yeux, la tristesse et le trou béant qu'était son cœur, qui s'agrandissait de plus en plus, jusqu'à l'emmener dans sa tombe. Néanmoins, ce n'est pas sa tristesse qui l'a emporté, mais lui.

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