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🗓️Vendredi 20 Septembre

- On est que tout les deux, t'es pas obligée d'être désagréable, ronchonne Thiago.

- Hugo est pas là ? je demande en détournant à peine le regard de mon téléphone. Et tu comptes rentrer chez toi à un moment ?

- Il est parti chercher des pizzas, soufflant fortement par le nez, certainement énervé de ma réfléxion. Et, pour ta gouverne, je dors ici.

Je ne suis ni la croix rouge, ni la banque d'Espagne, ni le secours populaire pour autant prendre soin de lui. Deuxième nuit d'affilée qu'il compte passer chez nous et visiblement il n'a pas l'air prêt de partir. Pourtant, il a un appartement au coeur de Barcelone, lumineux, silencieux et avec une excellente climatisation.

Histoire de rapidement manger avant de rejoindre notre école au stade, Hugo revient avec trois pizzas en main. Comme si notre réfrigérateur n'était pas plein à craquer grâce aux courses que j'ai faites plus tôt dans la semaine. Il préfère dépenser son argent bêtement dans des restaurants, souvent peu nutritif et mauvais pour la santé.

Les regards de Thiago sur ma personne peuvent rapidement me mettre mal à l'aise, surtout quand il y a notre meilleur ami pas loin. Pourtant lui, ça l'amuse de faire monter la tension entre nous. Ce qui n'est absolument pas mon cas.

- T'as intérêt d'aller dans la chambre d'ami ou dans celle d'Hugo. Si quand on rentre tu dors dans la mienne, je te fais passer par la fenêtre, je menace allègrement l'homme au regard espiègle et au sourire narquois.

- Je vais regarder le match à la télé et vous attendez, t'en fais pas bruja.

Je tends mon majeur en guise de réponse et sous les grognements de Hugo, je trottine jusqu'à l'entrée afin de nous éviter un retard. Ce serait le troisième en moins d'une semaine.

Dans la voiture, je ressens que mon meilleur ami, malgré sa concentration pour nous conduire jusqu'au lieu de rendez-vous, il est tout aussi stressé. Il peut rapidement monter, mais jamais pour rien. Hugo connait ce stade et cette équipe par cœur. Il ne loupe aucun match lorsqu'ils jouent à domicile. Le voir tremblotant, n'a absolument rien de normal.

C'est pourtant moi qui vais revoir mon meilleur ami, et je ne stresse pas de la situation, pour l'instant en tout cas.

Une vingtaine de minutes plus tard, nous sommes réunis, ma classe, mon professeur et moi dans les loges. Assise entre Hugo et un autre camarade de classe, je ressens l'angoisse me monter, ce qui me fait serrer le bras d'Hugo un poil trop fort. Pablo est titulaire, ce qui signifie que je vais passer les prochaines quatre-vingt-dix minutes à le fixer sans jamais détourner mon regard vers une quelconque action ou un autre joueur. C'est uniquement lui, ce soir.

En début de match, vers la septième je dirais, il est l'auteur d'une passe décisive peu impressionnante mais pourtant, ça provoque en moins une explosion de fierté. Une action minime de sa part pourrait me faire sauter et crier de joie si nous étions à la maison. Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai éreinter les tympans de mon voisin de gauche.

- Pourquoi tu essaierais pas de lui dire qui tu es ? me demande Hugo lors de la mi-temps.

- Jamais de la vie, Hugo, et tu le sais. Je suis tellement différente qu'il ne me reconnaîtra jamais de toute façon.

- Ça t'en sais rien.

Irritée par ses questions répétitives au sujet du barcelonais, je retourne m'asseoir sur mon siège, verre d'eau à la main et attend patiemment que le match reprenne. Jusqu'à maintenant et hormis la passe décisive, il n'a fait qu'une belle action dans le jeu avant que son receveur soit contré. Il se donne toujours à fond, allant jusqu'à plonger en risquant de prendre un crampon en plein dans le crâne. Il est toujours la tête brulée qu'il était à l'école.

L'un nous a détruit, l'autre nous a reconstruit - Pedri & GaviOù les histoires vivent. Découvrez maintenant