Texte IX | Carnet

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Juin 2021,

Alors oui, j'ai piqué ton carnet et oui, je l'ai lu. Mais avant que tu ne hurles et me tues, saches que je ne suis pas désolé (ça va arranger mon cas, n'est-ce pas ?). Au début, je voulais juste t'écrire un petit mot, genre "bon voyage, tu vas me manquer sale peste", mais tu me connais, je suis une petite fouine, alors la curiosité l'a emporté. Et je n'ai pas pu m'arrêter à la première page. Et tu sais pourquoi...

Pendant des mois, j'ai cru que ça n'affectait que moi. Mais ce n'est pas vrai. En lisant tes mots, je me rends compte que ça a touché toute notre famille et toi plus particulièrement. Mais tu sais que t'as écrit des conneries sœurette ?! Je ne veux pas que tu te sentes coupable. Tu n'as jamais rien fait de mal. Je m'en rends compte aujourd'hui. Il faut pas que tu culpabilises. Oui, t'as fait des erreurs avec moi et t'en feras encore d'autres. Mais t'es juste une putain d'humaine Alice ! Et l'erreur fait partie de nous. Alors oui, je n'ai pas toujours été sympa. Je t'ai hurlé dessus. Je t'ai craché mon mal-être comme si c'était ta faute. Je t'ai rejetée et j'ai pointé tes erreurs en disant que tes efforts n'étaient pas assez. Sauf qu'en fait, c'est à moi de m'en vouloir. Je n'avais pas à te faire de la peine comme ça.

Tu sais que t'es la meilleure des grandes sœurs ? Je crois que je n'aurais pas pu rêver mieux. Parce que sans toi, je n'en serais pas là aujourd'hui. J'en serais encore à me cacher. Je porterais encore des fringues immondes et trop larges. Je crierais encore sur maman quand elle m'offrirait des vernis à ongle et du mascara. Je fuirais encore les vestiaires et les cours de sport. Je pleurerais encore en silence, priant pour qu'on m'appelle autrement un jour. C'est grâce à toi que j'ai eu le courage d'en parler aux parents, puis à mes amis. C'est toi qui les as convaincus d'accepter mon changement de prénom. Je me rappelle des débuts, quand tu te trompais. Tu m'appelais Ninon et tes yeux s'agrandissaient en te rendant compte de ta bourde. Alors oui, parfois, ça me soulait, mais tu essayais. Tu posais des questions embarrassantes, ne savant rien du tout de cet univers. Mais je sais. Je sais maintenant que tu as passé des heures, voire des nuits entières à parcourir internet, lisant des articles et des témoignages. Et c'est tout ce qui compte. Le principal, c'est que tu m'aies accepté.

Tu as été la première. Tu m'as soutenu face aux parents qui ne comprenaient rien, propulsés dans un monde qui fait peur. Tu as été là quand certains de mes amis m'ont tourné le dos. Et tu m'aides encore. Quand on me demande comment je m'appelais avant et que tu réponds « qu'est-ce que ça peut vous foutre ? ​​​​​​​». Ou encore quand on me questionne sur ma sexualité et que tu rétorques « je vous demande qui vous baisez moi ? ​​​​​​​». Tu me protèges. Tu fais barrage avec tes mots crus et ton regard noir. Et c'est le plus important. Les erreurs, les maladresses, ça ne veut plus rien dire.

Je veux juste te dire merci Alice ! Ne change jamais.

Ton petit frère, Baptiste. 

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