Chapitre 1

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Shanks comatait depuis quelques heures maintenant, perdu dans un univers parallèle seulement atteignable par les fous, avec, pour seul ami, un mal de tête terrible qui lui tambourinait le crâne. La nuit avait été agitée et c'était peu de le dire. Il n'en était pas à sa première cuite, mais celle-ci allait définitivement lui laisser beaucoup de séquelles.

Voyez-vous, Shanks n'était pas un ivrogne ordinaire, non, c'était un ivrogne extraordinaire. Un voyant qui se savait parfaitement plongé dans un état d'ébriété exceptionnel. Il n'avait rien d'un homme qui perdait, de temps à autre, son chemin, pour le retrouver par la suite. Parce que son ivresse était permanente.

Pourquoi avait-il tant besoin de se plonger dans un tel état d'ébriété alors ? Parce que lorsque la réalité lui faisait trop peur ou le désespérait, l'alcool était son seul moyen idéal et légal, pour ne pas la regarder en face. Dans un monde où tout allait trop vite ou trop lentement, l'alcool lui procurait un espace de repos, certes passager et illusoire, mais tellement bienvenu. Il lui permettait de se mettre sur pause quand il n'avait plus la volonté d'essayer de comprendre ses peurs, quand tout était trop dur, trop inconfortable. L'alcool lui autorisait cette douce fuite, cette tendre déresponsabilisation. Pourquoi se regarder en face quand on pouvait aisément remettre ça au lendemain ? Et le problème devenait vite insurmontable, car demain était toujours demain.

C'était pourquoi Shanks avait consciemment décidé de marquer un stop dans leur exploration du monde marin. Certains membres de son équipage insistaient sur le fait que leur capitaine avait délibérément choisi d'échouer lamentablement sur cette île déserte parce que ce dernier ne savait plus exactement ce qu'il tournait. Mais Shanks avait juste besoin de temps pour réfléchir et rien de mieux qu'un havre de paix perdu en plein océan pour se ressourcer.

Il avait trouvé l'île à son goût malgré la chaleur qui y régnait. Sur Grand Line, chaque île avait son propre climat et il était rare d'en trouver une sur laquelle poser l'ancre sans risquer de faire face à des intempéries inattendues. Mais Shanks avait été séduit par la forme un peu unique de l'île, celle d'une cacahuète allongée. Une bande de sable blanc et brillant s'étendait des deux côtés de l'archipel qui devait faire trois ou quatre kilomètres de long, pas plus. Une colline apparaissait à un bout, plus escarpée que là où ils avaient planté leur camp, avec une végétation plus touffue, mais moins haute. À l'exception de ces deux sommets, toute l'île semblait recouverte de forêt. La côte était, quant à elle, couverte de palmiers qui poussaient sur un talus couvert d'herbe drue, saccagée par la chute des arbres, parsemée de noix de coco et de plants de lataniers. Le fait étant que Shanks et son équipage ne bougeaient plus de cette île depuis quelques semaines et se contentaient d'enchainer les tonneaux de rhum sans prendre le temps de penser au lendemain, car demain était toujours demain.

Alors que les premières lueurs de l'aube faisaient leur apparition, les paupières de Shanks demeuraient closes, il n'était pas encore prêt à affronter la journée. Ses cheveux roux humidifiés par la rosée matinale frisotaient par endroits en lui caressant doucement le visage. Bercé par le bruit du large, il se contentait de divaguer. Cela lui arrivait parfois de laisser son esprit flotter dans l'inconnu en annihilant la réalité qui l'entourait, comme si le monde n'était qu'une farce et les hommes des dindes.

Étalé paresseusement sur son hamac de fortune, Shanks aurait bien voulu hiberner pendant quelques jours encore, bien emmitouflé dans sa précieuse cape noire, mais un cri hystérique vint perturber ses plans.

« Œil de Faucon arrive ! Ségosilla une voix lointaine. »

Mihawk ? Comme un puzzle, son cerveau se reconnecta avec la réalité, ses pensées se rassemblèrent rapidement sur le moment présent et ses yeux s'ouvrirent définitivement sur une scène digne des plus grands pirates de Grand Line. Un peu partout autour de lui, gisait de nombreux membres de son équipage ; certains avaient leur bouche qui s'ouvrait aléatoirement pour laisser passer des ronflements plus ou moins sonores, complètement assommés par l'alcool absorbé tout au long de la nuit, tandis que d'autres se levaient précipitamment pour vider leur estomac trop malmené et se préparer maladroitement au combat qui semblait imminent.

Les opposés s'attirent [Shanks x Mihawk]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant