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Estée ~

- Moi aussi,  j'adore.

L'homme qui, jusque là, était de dos, se retourne vers moi, visiblement surpris. Je lui souris en espérant que mon geste le détende.

Je n'ai rien entendu de ce qu'il a confessé aux collines, mais j'ai l'impression qu'il pense le contraire.

- Désolée, m'amusé-je, j'ai seulement entendu que tu adorais te confier ici. Je me suis permise de parler.

Il hoche la tête sans un mot. Il est rassuré, je le parie aux traits de son visage qui se reposent.

- C'est toi...  reprends-je d'une voix qui s'atténue, tu m'avais dit de crier à pleins poumons car personne ne m'entendra.

Il ricane en secouant la tête tandis que je m'approche de plus en plus de lui.

- Tu l'as vraiment fait ? me demande-t-il d'une voix profonde.
- Oui ? je réponds, hésitante.

Il s'esclaffe pour de bon.

- Quoi ? Pourquoi tu rigoles ?
- Rien ne t'empêche de crier mais je suis certain qu'une dizaine personne habite aux alentours.
- Mais tu m'avais dit que... 
essaie-je de me défendre.
- Ne crois pas tout ce qu'on te raconte,  me conseille-t-il en posant une main sur mon épaule, l'air de partir.

Je le regarde s'en aller dans la direction opposée à la mienne. Je ne pourrais pas dire ce qui me pousse à l'arrêter, mais je le fait quand même.

- Attends... ton nom ? réclamé-je.

La réponse que j'attends ne vient pas. L'homme semble réfléchir. 

Je reste plantée là, mon regard ne quitte pas son visage : sa mâchoire carrée, sa barbe rasée de près, sa peau lisse, la racine de ses cheveux, plus claire que le reste. Mes yeux tombent sur ses boucles brunes parfaitement tracées.

Il revient près du banc et s'y assoit. Je fais de même quand son regard se plonge dans le mien.

- Que ferais-tu avec mon nom ?

Sa question me prends de court.

Que ferais-je avec son nom ? A quoi cela m'avancerait-il de connaitre son nom ? Pourquoi veux-je le connaître ? Pourquoi ai-je envie de pouvoir sortir ce mot de ma bouche ?

- Je t'appellerais.

Oui, c'est ça.

- Je crierais ton nom et tu me rejoindras ici. Comme maintenant.

Je ne sais pas si ma réponse l'a convaincu, néanmoins un sourire se dessine au coin de ses lèvres.

Son visage se reproche dangereusement du mien. Son regard ne décroche pas, je vais me mettre à loucher s'il continue.

Quand nos épidermes mutuels ne se trouvent plus qu'à quelques millimètres l'un de l'autre, sa bouche dévie de sa trajectoire pour presque se coller à mon oreille droite.

- Je te donnerai une lettre de mon nom chaque fois que tu me rejoindras ici.

Un frisson me parcoure l'échine. Il est censé me donner la première lettre maintenant, il le sait, mais il s'empresse d'ajouter :

- Ce n'est valable qu'à partir de demain.

Je rigole et secoue la tête.
Quel con. J'en étais sûre.

- Alors, à demain, XY.

Je m'en vais définitivement, sans même regarder l'inconnu une dernière fois.

Je n'ai jamais fermé les yeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant