Pieds nus sur le sol brûlant, elle danse. On lui demande "comment fais-tu ?", elle répond "je ne sais pas", elle ne doit pas s'arrêter.
Les oliviers de son village natal ont tellement poussé dans son regard qu'ils y ont déteint. Elle entend encore la voix de son père résonner, "regarde notre or vert, ma fille" lorsqu'elle l'applique dans ses cheveux. Ses épaisses boucles noires accompagnent le moindre de ses mouvements, mais sa tête reste haute.
Elle sait ce qu'elle doit faire. Elle continue de danser.
On lui demande "pourquoi ?", elle répond "je l'ai dans le sang", elle ne peut pas s'arrêter. Ce sang qui a teinté les broderies de sa mère, à force de se piquer aux aiguilles. Son costume blanc virevolte avec elle, exposant dans une myriade de couleurs ses symboles dont elle seule a le secret. A sa cheville brille le signe de son appartenance, mais il ne l'empêchera pas de danser. Si elle s'arrête, une autre prendra sa place.
On lui demande "tu n'est pas fatiguée ?", elle répond "je ne connais pas la fatigue".
Cela fait bien longtemps qu'elle n'arrive plus à faire autre chose. Ses pieds qui au début saignaient à force de rebondir sur le sol râpeux sont maintenant recouverts d'une corne qui la propulse encore plus haut, ce n'est pas ce qui l'arrêtera. Bougeant au rythme des tambours, elle continue de danser.
On lui demande "tu ne veux pas te reposer ?", elle répond "quand tu rentreras chez toi".
Devant celui qui s'est imposé chez elle quand elle lui a ouvert la porte, elle montre toute sa richesse à travers ses mouvements. Ses bijoux résonnent jusqu'aux portes de la ville, tout le monde a les yeux rivés sur elle.
Lassé de son effronterie, il ordonne d'étaler des charbons ardents sous ses pieds, sans savoir que c'est ce qu'il lui fallait pour redoubler de vigueur. Elle bondit, tournoie, fait tout voler encore plus haut. Elle sait bien que cela attise l'agacement de son oppresseur, mais sa rage de vivre est encore plus forte. Voir le public toujours plus nombreux autour de sa maison la galvanise, ce n'est pas le moment de s'arrêter. Il n'a aucune idée de ce dont elle est capable pour récupérer sa liberté. Elle dansera tant que la chaîne ne sera pas brisée.
Entre la rivière et la mer, elle essaye de faire résonner la terre d'un seul son, "falasteen".
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Histoires de Pastèques
RandomParce que je ne peux plus me taire. Parce que je refuse de laisser mourir cette partie de moi dans l'indifférence. Parce que la tristesse, la résignation et la colère me rongent à chaque fois que je pense à ce que tu subis. Parce que rien n'altèrera...