Délicatesses - 2ème partie

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Rupture et cœur brisé
On m'a sectionné l'artère conjugale. Le sang coule sans tension, il se répand sans vie. Glacé, le cœur n'en survivra peut-être pas, je l'entends se désoxyder en silence et bientôt il deviendra bronze. Alors, il faut respirer un grand coup et choquer cette physiologie tourmentée pour que le bon air s'y engouffre et traverse tout sans fausse route. Renaître, avec hâte. Contre-m'empoisonner, mais avec cette impression qu'il me faut garder une moindre dose en mon sein pour les prochaines rechutes, car j'ai le sentiment que d'autres épisodes, bien plus sévères, s'annonceront.Gageons d'ici là que, mon corps fortifié par les victoires attendra comme une muraille quasi-imprenable toutes ces attaques rendues possibles par mon âme rendue complice de tendresse pour mes plus belles ennemies. Toujours les mêmes, à chaque fois plus belles, plus jeunes, me confondant par naïveté avec leurs chants mystiques d'Amazones aguerries. Haut les cœurs !

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Mes souvenirs sont dans mon nez
Je pense que si les jeunes femmes que j'ai aimées n'avaient pas porté de parfum, je n'aurais sans doute jamais connu de peines de cœur et les ruptures si difficiles. On en veut au diable d'avoir un odorat armé de tous les souvenirs qui parfois nous oblige à interrompre toute activité dès lors que l'éther des vieux jours se faufile dans nos narines. Si le chat a un flair incroyablement plus puissant dans sa capacité de sentir partout autour, le nôtre ou plutôt celui d'un homme amoureux sent partout dans le passé... et renferme tous les secrets de son cœur dans son nez

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On fait comme on peut !
Pourquoi est-on parfois méchant avec ceux dont on veut attirer l'attention et qu'on aime bien ? Pour la même raison qui nous fait jeter des cailloux au bord d'une rivière sur des canards qui nous fuient : pour les attirer ! Quand on a plus que ça à faire, on fait comme on peut. Même si c'est complètement stupide.

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L'amour fait souffrir de plusieurs maux
En physiologie du corps humain, on constate deux types de sensations de douleur selon le circuit neuronal emprunté par le signal douloureux. L'une ressemble à une piqûre d'aiguille, elle est immédiate et aigüe ; l'autre ressemble à une brûlure, chronique et à retardement. L'amour, c'est les deux à la fois.

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« On n'oublie jamais rien, on vit avec. » Bah, c'est pas faux.
Une rupture laisse un mauvais goût dans la bouche, si amer qu'il nous laisse présager quelque chose qu'on ne pourra jamais avaler. On pense alors que les jours heureux arriveront quand le goût disparaîtra. Mais c'est faux, le goût reste tout le temps. C'est uniquement le temps de s'y habituer qui détermine la fin du dégoût. Ainsi, de quelqu'un qui nous a fait du mal, on vit avec jusqu'au jour où on n'oublie que cette partie nous dégoûte. Le dard reste toujours en place mais comme « fossilisé » dans la chair, qui parfois y gagne en résistance quand elle ne succombe au premier temps d'empoisonnement. Le risque de tout vaccin, dira-t-on. Mais le temps que ça fasse effet, on ne finit plus de se haïr d'être tombé dans le piège le plus vieux du monde et d'avoir donné son cœur à une autre. Ce jour-là arrive justement quand on ne l'attend pas devant sa porte, et qu'on essaye de se reconstruire sans attendre d'autre renfort que soi. Et puis, encore plus tard, on y regarde bien et on se surprend à ne plus rien avoir en bouche, et parfois même à regretter l'amertume...

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C'est à la manière de se faire larguer qu'on jauge son degré de courtoisie
Imaginons deux personnes totalement fictives qui sortent ensemble : A et B.Un jour, A veut quitter B, et la logique voudrait que A prenne des pincettes avec B pour lui annoncer la nouvelle. Or pas du tout ! C'est l'inverse qui devrait se produire ! C'est B qui devrait insister pour libérer A et ne plus l'embêter à partir du moment où il a compris que A n'était plus heureuse. Après tout, personne va reprocher à A d'aimer qui elle veut , non ? C'est pourtant clair, on devrait presque s'excuser que l'autre en vienne à nous quitter, et non s'en plaindre en le lui reprochant, car c'est nous-même qui le trahissons et l'avons fait partir ! Mais de là à penser comme tel, il faut d'abord en finir avec cette mise en scène ridicule à laquelle j'assiste trop souvent. Voyons ! À en voir ramper certains, on comprend alors la manière avec laquelle ils percevaient leur conjoint(e), comme une possession ! Un perroquet qu'on met en cage et qui un jour s'échappe nous rend malheureux, un rouge-gorge qui vient nous saluer joyeusement chaque jour peut rester autant qu'il veut pour peu qu'on le traite bien, qu'on le laisse libre et qu'il se sente à l'aise.Rester courtois dans une rupture et comprendre quand on se fait larguer que l'on est en tort avant tout, là est une bonne manière de faire. Ne nous accrochons pas à un trône qui ne nous a jamais appartenu.

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Aimer comme un Roi, jusqu'à abdication
À chaque fois que je suis avec ma femme, pour faire plaisir à ma reine et la séduire à nouveau, chaque jour et à chaque occasion je remets en jeu ma couronne, cette couronne qui est le symbole de notre union forgée dans l'or de notre amour, et qui nous garantit une totale bienveillance vis-à-vis de notre histoire commune que je considère être notre royaume.Ainsi, en remettant volontairement mon titre en jeu, par cet acte de bravoure sentimentale – parfois un peu risqué –, je lui confirme que c'est bien moi le roi et que je suis à ce jour le seul habilité à occuper la fonction. Personne ne peut en remettre en question mon statut, bien que je sois toujours réceptif aux conseils et aux recommandations de ma femme, et je ne me défile pas devant les éventuels prétendants à mon trône. Ma reine pense qu'un autre roi ferait l'affaire ? Aucun problème. J'en discute avec elle et avec lui, et si je n'arrive pas à la rappeler à la raison et à lui faire remettre la couronne sur mon front, je serai le premier à partir en leur souhaitant bonne chance pour leur union. Je ne supporte pas ceux qui s'accrochent à leur titre, comme ceux qui ne quittent pas volontairement le pouvoir dès lors qu'on ne les y désire plus. Un vrai gaulliste !Ma mère me rappelait tout le temps de bien arroser une fleur chaque jour, ni trop ni moins, pour qu'elle vive et soit belle. Je pense que ma démarche traduit cette pensée. Si la séduire chaque jour devient un effort, c'est que le ver est déjà dans la pomme. Un roi ne doit jamais considérer que la reine est sienne, car quoi de plus normal que ne pas penser à séduire à nouveau quelque chose qui nous appartient déjà ? Personne ne nous appartient. Personne ne doit rien à personne. Notre royaume brille par l'indépendance de ses souverains, de leur honnêteté l'un envers l'autre et du couple envers ses administrés, que sont tous nos souvenirs. Attention cependant, à ne pas tomber dans ce piège qui représente un extrême inverse. On ferait une erreur en pensant de voir chaque jour tenter de conquérir celle que l'on aime car on ne serait jamais sûre que cela soit réciproque, et on vivrait dans ce cas-là dans une permanente angoisse et une insécurité affective. C'était évidemment une erreur que de croire cela. Garder plutôt en tête cette espèce de courtoisie réciproque : notre reine fait tout pour honorer son roi qu'elle aime et rassure, quand le roi fait tout ce qu'il peut pour rendre sa reine encore plus belle et la conforter dans son statut chaque jour. Pour être un roi sans équivoque, il faut impérativement remettre en jeu sa couronne chaque jour. Confortez-vous au trône et il vous fera mal au cul. Il ne faut pas que mon statut apparaisse comme figé mais comme mérité. C'est ainsi que je conçois ma relation avec ma femme. Peut-être certains hommes comme femmes pensent comme moi et que quelques-unes se trouve rassurées par l'élégance de la démarche, car l'élégance doit devenir notre première nature.

« Appogiatures », pensées mêlées sur le quotidienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant