Je détestais arriver dans une nouvelle ville, commencer un nouvel emploi. Je détestais être la nouvelle. Je perdais tous mes repères et il me fallait un moment pour en retrouver et en reconstruire. Ça me prenait toujours beaucoup trop de temps.
Heureusement, cette fois, il y avait Krys. Krys, ou Krystian était un ami d'enfance que je considérais comme un cousin. Nos mères étaient amies, nous sommes nés la même année et nous avions donc grandi ensemble. Malgré le temps et la distance, nous étions toujours proches.
Dans sa grande bonté, il m'hébergerait quelques semaines, le temps que je puisse retrouver un appartement ou un studio. Ce qui s'annonçait compliqué vu mon budget limité. Je lui devais beaucoup et dès que je le pourrais, je comptais bien le remercier en l'invitant à manger quelque part. En attendant, je me ferais toute petite chez lui et m'arrangerais pour l'aider autant que possible.
Après des temps difficiles dans mon emploi précédent, j'avais accepté un nouveau poste dans une autre ville. J'espère que cette fois, ça se passerait mieux. Aujourd'hui marquait donc un nouveau départ pour moi.
L'avion avait atterri quelques minutes auparavant. Je récupérai ma valise sur le tapis roulant et me dirigeai vers la sortie de l'aéroport. Je retrouvai rapidement mon cousin à la sortie. Un grand gars aux airs de métalleux avec sa longue tignasse noire était facile à repérer dans une foule.
— Hey Yana, fit-il en me voyant. Comment a été le vol ?
Yana. Il m'avait toujours appelé ainsi. De base, ma mère avait voulu m'appeler Anaïs, mais en dernière minute, elle avait décidé d'ajouter un Y. Elle trouvait cela joli. La conséquence était surtout que personne ne savait orthographier mon prénom correctement et me demandait de répéter ou d'épeler.
— Plutôt bien, lui répondis-je, pas de turbulence, pas d'enfant non plus et j'ai bien avancé dans mon livre.
Il sourit. Mes critères de bon vol étaient faciles à satisfaire. Un peu de calme, un bon livre et un avion stable pendant le trajet. J'avais d'ailleurs toujours une paire de bouchons d'oreille pour atténuer les bruits autour de moi, un roman ou ma liseuse dans mon sac à dos.
Nous sortîmes de l'aéroport et je le suivis vers sa voiture, papotant des dernières nouvelles, de mes aventures en Angleterre qui venaient de se terminer, de nos familles et connaissances communes et de mes projets pour mon retour au pays.
Aussitôt dehors, le changement de températures me surprit : il faisait plus chaud. Pas tellement, mais suffisamment pour que je retire ma veste. Le soleil était encore haut dans le ciel dégagé. Les rayons étaient agréables sur la peau de mon visage. J'esquissais un sourire. Ce n'était peut-être pas si mal de revenir en Belgique.
Une fois dans le parking, nous retrouvâmes rapidement le véhicule de Krys, une citadine gris foncé. Ma valise rentrait nickel dans le coffre et, sans plus attendre, nous prîmes la route vers ce qui serait mon chez-moi pendant les semaines à venir.
Le trajet se déroula en silence. Le seul bruit venait de la radio que Krys gardait constamment allumée. La journée commençait à toucher à sa fin et la fatigue ne tarda pas à se faire sentir. Je somnolais presque en regardant le Totoro se balancer du rétroviseur lorsque Krys brisa le silence.
— Je te laisserai déposer tes affaires dans la chambre et te reposer un peu le temps que je fasse à manger.
— T'es adorable, tu sais. Merci.
— Remercie-moi après le repas si je ne t'ai pas empoisonnée, plaisanta-t-il.
La dernière fois que l'on avait cuisiné ensemble, nous avions réussi à brûler des lasagnes car nous étions trop absorbés dans notre tournoi de Mario Kart pour entendre la minuterie. Je gagnais, je n'allais pas le laisser prendre ma place quand même. Nous nous étions rendu compte du problème lorsque l'odeur de brûlé nous est arrivée.
Après le trajet, Krys me montra rapidement les pièces principales de sa maison pour que je puisse m'y retrouver et me désigna ma chambre. Elle était simple et se composait d'un lit en son centre, une table de nuit, une petite garde-robe et il m'avait même installé une bibliothèque pour mes livres. Il me connaissait que trop bien.
— Ne la remplis pas trop vite, plaisanta-t-il. Je te laisse t'installer, je serai dans la cuisine si t'as besoin de quoi que ce soit.
Je passai mon week-end à prendre mes marques et à trouver mes repères dans le quartier qui serait le mien pour les quelques semaines à venir. Le lundi arriva beaucoup trop vite à mon goût et annonça mon premier jour de travail dans une nouvelle entreprise.
Armée de mon GPS et d'un sac contenant une gourde, un sandwich, un bloc-notes, une collection de stylos-billes de toutes les couleurs et ma lecture en cours, je démarrai tôt pour affronter les transports en commun de la ville. Ce fut un enfer. Entre le monde, les perpétuels travaux et mon sens de l'orientation pour ainsi dire inexistant, je mis une éternité à arriver à ce qui me servirait de bureau.
Le bâtiment était moderne, avec de grandes baies vitrées sur toutes ses façades. La technologie ressortait énormément à l'intérieur : portails de sécurités, wifi, écrans interactifs projetant le plan des étages mais aussi les dernières nouvelles de l'entreprises, distributeurs en tous genres. J'en fus vite submergée.
Stéphanie, ma supérieure, vint m'accueillir à l'entrée. C'était une dame d'âge moyen avec de longs cheveux bouclés qu'elle retenait en arrière avec une pince. Elle portait une longue robe sombre. Je faisais presque tache à coté avec mon tailleur bleu et mes cheveux violet. Elle faisait beaucoup plus professionnel que moi. Heureusement, l'entreprise se fichait de mon apparence tant que je faisais ce pour quoi j'avais été engagée.
La journée se déroula sans accroc entre formalités administratives, configuration informatiques et présentation de beaucoup de trop de personnes. J'aurais oublié les trois quarts des noms d'ici le lendemain.
Je rentrai à la fin de la journée avec une tête prête à exploser du trop plein d'informations reçues, un sac plus lourd qu'à l'aller et une seule envie, celle de m'écrouler dans mon lit. Sauf que le planning était différent : j'avais encore à faire.
Après un goûter bien mérité - oui, même à 30 ans, les goûters sont obligatoires pour moi -, je m'installai à la table à manger avec mon agenda, ma collection de bics et commençai à planifier ma semaine. J'avais énormément de choses à faire, à voir, à visiter, des gens à revoir, etc. qu'il était temps que j'y regarde. Je changeai de couleur selon le type d'activité ou de rendez-vous qu'il s'agissait. Les importants étant notés, je pouvais passer aux funs et aux moments que je voulais garder pour moi. Ce fut à ce moment-là que Krys décida de passer derrière moi. Remarquant ce que je faisais, il m'informa :
— Demain, mon groupe de lecture se rejoint, comme tous les mardis soir, on squattera la cave. Et pour ton information, un samedi après-midi sur deux, j'ai une partie de jeux de rôle.
Je notai ces nouvelles informations en brun. Ce n'était pas important, mais si des gens venaient ici, je préférai le savoir.
— Comment ça se passe, ton club de lecture ? demandai-je. Vous choisissez un livre que vous lisez tous et vous en parlez ?
J'aimais lire. L'idée de joindre un club pouvait être sympa, ça me permettrai de rencontrer de nouvelles personnes et de récupérer un groupe d'ami·e·s. Mais je n'étais pas fan des lectures communes - couramment appelées LC - que proposait de nombreux clubs : je ne les commençai jamais.
— Non, c'est plus libre, chacun parle du livre qu'iel veut. Si tu penses aux LC, on en organise, mais chacun·e est libre de participer ou non.
Je hochai la tête pour signifier que je l'écoutai mais je réfléchissais en même temps. devrais-je me joindre ?
— Hésite pas à passer si l'envie te prend.
— Merci, je verrai demain ce que je décide.
L'idée tourna dans ma tête toute la soirée. Avant de m'endormir, je décidai d'y passer rapidement, histoire de voir l'ambiance. Si ca ne me plaisait pas, je remonterai et trouverai bien une série à regarder ou je continuerai ma lecture. L'auteur que je lisais allait me rendre dingue. Et j'adorais ça. Peut-être que quelqu'un du club l'avait lu ? Ca pourrait être intéressant d'en discuter avec quelqu'un qui partageait la même passion.
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Café, sucreries et maison hantée
RomanceAprès des temps difficiles, Yanaïs revient dans sa ville d'origine et tente de se reconstruire une routine et des repères. Grâce à son cousin, Krys, elle va intégrer un club de lecture où elle pourra partager sa passion. Elle y rencontre Saskya. Les...