le bombardement

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C'était un vendredi pluvieux, nous attendions Merry, en retard pour le rendez-vous habituel. Elle arriva peu après, accompagnée d'un homme de l'équipage, ils avaient l'air de bien s'entendre. Mais aujourd'hui, elle ne se dirigea pas vers nous, mais vers le piano, placé au fond de la salle. Elle avait l'air plutôt tendu. L'homme se mit debout sur une table et imposa le silence. Puis, il annonça :

"Cette jeune fille voudrait jouer du piano pour rajouter un peu de gaieté à ce jour pluvieux. Je vous demande de bien l'écouter, merci."

Merry avait fermé les yeux, elle commença à jouer. Ses doigts glissaient avec grâce sur le piano et la musique était belle et mélodieuse. Je crois que c'était du Mozart. 

        À la fin du petit concert, tout le monde applaudit. Elle avait un don pour la musique. Au bout d'un moment, les gens reprirent ce qu'ils faisaient avant. Elle était venue nous rejoindre et nous avions discuté un petit moment. Tout à coup, un bruit assourdissant à l'arrière du bateau retentit et les passagers se mirent à crier et courir de partout. Au début, je ne compris pas ce qui m'arrivai, puis je commençai à courir dans tous les sens. J'avais peur. J'ai tenu la main de maman le plus fort possible, mais une personne la bouscula et elle me lâcha. Je la perdis de vue. Je criai son nom, mais cela ne servit à rien, ma voix se perdit au milieu du vacarme. Je me mis à pleurer, à maudire le monde. Je sentais que je ne la reverrais plus jamais. Un vieux monsieur vint me voir. Il me prit par le bras et m'emmena dehors. Il se mit à genoux pour se mettre à ma hauteur. Il me dit ces deux phrases, deux phrases qui me sauvèrent la vie :

"Tu dois vivre, pour moi, pour ton père, pour ta mère et pour ta famille. Tu dois vivre."

Alors, je sautai dans le bateau de sauvetage. Heureusement, Merry était là aussi et j'avais mon ours en peluche avec moi. Elle pleurait et je pleurais, elle me serra alors contre elle. Quand le bateau démarra, je vis une seconde explosion, puis, plus rien, le bateau avait sombré dans l'eau. Tout était calme, trop calme. Mon père, ma mère et mon frère devaient être déjà mort, coulés au fond de l'eau. Beaucoup de gens, notamment des morts, flottaient autour de nous. Je n'osai pas regarder autour de moi, de peur de voir mes parents, morts, comme tous les autres pauvres gens. Au bout d'une demi heure, Merry pleura, pleura de tout son corps en fixant un dame habillée d'une robe en forme de paon. Je su tout de suite que cette dame était sa mère.

        Des gens essayaient de monter sur le bateau de sauvetage mais le radeau n'était pas assez robuste. De l'eau commençait à rentrer et des personnes tombaient dans l'eau et coulaient. Je me souviens spécialement d'une dame d'à peu près 60 ans qui essayait de monter sur le canot. Personne ne l'aida, alors j'ai eu pitié d'elle et je la pris par le bras en essayant de la hisser sur le petit radeau. Elle me regarda et me dit:

"Non, lâche-moi. Tu es plus jeune que moi et tu dois vivre ta vie. La mienne s'arrête là et je n'en demande pas plus. Tu dois vivre." Et je la vis sombrer dans l'eau. 

Le naufrageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant