Chapitre 2

4 1 0
                                    

Abby

Je me glissai dans les draps, la boule au ventre. J'avais frôlé l'agression ce soir. Je bénissais l'homme qui était venu à ma rescousse. Dans la pénombre, j'avais distingué son regard azur qui s'était voulu rassurant à mon égard, mais également sa petite barbe qui parsemait ses joues. Il avait de l'allure, une carrure imposante et un visage parfait. Associé à son comportement prévenant, il semblait presque irréel. J'avais refusé qu'il me raccompagne, car je ne faisais confiance à personne. Je baignais dans le monde corrompu des affaires depuis mon enfance, j'avais donc développé une méfiance presque maladive pour la gent masculine. Mon père était le genre d'homme qui se laissait entraîner sans cesse dans les ennuis. Il était influençable, soumis et lâche. On ne peut pas dire qu'il avait la fibre paternelle, il n'avait jamais eu de gestes tendres à mon égard. Néanmoins, il essayait de me protéger – à sa façon – de ce monde violent où le sang coulait facilement. Depuis mon déménagement, mon radar était toujours aux aguets. J'avais encore du mal à me dire que les gens qui peuplaient la terre pouvaient être normaux et honnêtes. Dès l'instant où j'avais soufflé mes dix-huit bougies, j'avais tout mis en œuvre pour m'éloigner de mon père et de ses manigances. J'étais partie de Seattle pour m'installer à Tacoma où j'avais cherché un travail et avais rapidement décroché un job de serveuse qui me permettait de payer le loyer de mon appartement. Cela faisait cinq ans que j'avais construit ma nouvelle vie à Tacoma. Néanmoins, une partie de moi était restée là-bas à Seattle. Je ne me berçais pas d'illusions, ils savaient parfaitement où me trouver ! Les membres de la famille Wright savaient toujours tout. Mon père travaillait pour eux depuis des années. Ils lui avaient proposé une grosse somme d'argent pour qu'il les rejoigne et qu'il les aide à gérer « leurs affaires ». Nous étions de ce fait riche, mais aussi en danger. Les Wright se révélaient impitoyables quand on les trahissait. Alors que je m'apprêtais à me coucher, ma porte s'ouvrit en grinçant doucement. 

— Je voulais voir si tu dormais, murmura Jarod. 

— Entre. En souriant, je tapotai le matelas à côté de moi pour qu'il s'y installe. 

Jarod était mon colocataire depuis trois ans et il était mon seul ami. 

— Comment s'est passé ton premier jour en tant que barman ? demandai-je. 

— J'ai frôlé la catastrophe lors de la fabrication de trois cocktails, deux clients m'ont presque insulté et mon boss est un abruti, mais sinon tout va bien. 

— Un abruti sexy ? 

— Un abruti hétéro. Je ris. 

— Et toi ? s'enquit-il. Ta soirée ? 

Je me rembrunis. 

Je ne voulais pas l'inquiéter et en même temps j'avais besoin de me confier sur mon angoisse. Me voyant la mine soucieuse, Jarod posa sa main contre la mienne. 

— Abby, qu'est-ce qu'il se passe ? 

— J'ai eu un problème ce soir, mais finalement il y a eu plus de peur que de mal. 

— Comment ça ? 

— J'ai failli me faire agresser. 

— Quoi ? 

— Tout va bien, Jarod ! Un homme m'a menacée, mais j'ai eu de la chance, car rapidement une autre personne est intervenue. 

— Comme superman ? 

— Comme superman, rétorquai-je en riant. 

— Un superman sexy ? 

— Ah ça oui ! il l'était ! affirmai-je. Je vais le remercier en lui offrant le petit déjeuner demain. 

Liés par nos tourmentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant