Douleurs

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Le vent dehors et le bruit de la poussière tourbillonnant étaient les seuls bruits rompant avec le lourd et morbide silence des lieux. Des fois, le bruit de pas lent et pesant se faisait entendre, celle de nécromes, errant, attendant leur prochain repas. Le château, ultime vestige qu'il eut de la vie dans ce monde damné, autrefois luxueux et majestueux, n'était plus qu'une effrayante ruine où le vent s'engouffrait et sifflait une mélodie sinistre. Au plus bas de ce dernier, emprisonné dans les cachots froids et sombres, la seule pensée de ces êtres répugnants fit trembler l'unique âme "vivante" de cette entière planète. Suspendu comme un morceau de viande, les poignets étaient brisés depuis longtemps, ensanglantés. Ces derniers ne pouvant soutenir aussi longtemps le supplice qu'ils vivaient depuis, maintenant, bien trop longtemps. La respiration du prisonnier tenait du miracle, comme sa santé mentale. Le pauvre captif était dans ses lieux depuis une cinquantaine d'années, d'après Efrim, son ancien frère Dragon. Tué et transformé en bras droit du maitre absolu des lieux, Toross. Un très faible soupir s'échappa de la bouche asséchée de Yugo. Depuis son arrivée ici, plus de sensations de faim, plus de soif, son corps ne semblait pas avoir besoin de ces éléments fondamentaux de la vie. Donc, ses kidnappeurs n'avaient jamais eu besoin de prendre soin de lui, non pas qu'ils en avaient envie ou qu'ils y avaient même pensé ! Cependant, le sommeil semblait ne pas vouloir disparaitre des besoins vitaux du prisonnier, contrairement aux deux autres. Malheureusement, ces terreurs nocturnes l'empêchaient souvent de se reposer, hurlant de peur, se réveillant en sueur et en larme, seul, terriblement seul. Il ne dormait que très peu, toujours terrorisé que ces tortionnaires n'arrivent à tout moment. Restant toujours à l'affût du moindre bruit, sachant avec horreur que ces temps de repos n'étaient que trop courts à son goût. 

Yugo sentit ses yeux lui envoyer un signal de douleur, il gronda légèrement. Ses yeux avaient beau être grands ouverts, il n'y voyait plus depuis longtemps. Ses derniers s'étaient remplis, d'année en année, de wakfu. Brulant éternellement ses derniers, torturant encore un peu plus le pauvre jeune homme. Ce dernier se demanda, une nouvelle fois, comment il n'était pas devenu aussi fou que son frère Qilby?! Il afficha une mine en colère en repensant à ce dernier. Lors de sa capture, il avait pensé que ses amis reviendraient le chercher, mais rien. Plus les jours avancèrent, plus les tortures continuèrent, plus le roi déchu comprit qu'ils l'avaient tout simplement abandonné à son sort :

-...Qilby...pas les autres... Chuchota Yugo, la voix brisée par de trop nombreux cris poussée lors des repas des nécromes. Yugo sentit une nouvelle fois une immense tristesse l'envahir, mais aussi de la colère, personne n'était revenu ! Pas même son propre frère, Adamai ! Son propre jumeau n'avait rien fait pour lui !

-...non...pas sa faute...calme toi... Essaya Yugo. Avec toutes ses années à subir les assauts insatiables des nécromes, le jeune Eliatrope sentait sa santé mentale s'affaiblir de plus en plus. Des fois, après de longues heures d'agonies, l'envie de plonger la tête la première dans la folie lui était venu à l'esprit, afin de ne plus souffrir.  Cependant, ce dernier luttait contre, espérant toujours, au fond de lui, un miracle. Il inspira et expira plusieurs minutes, essayant de calmer ses nerfs qui ne voulaient qu'hurler sa douleur et la folie voulant s'embrasser dans son coeur. Yugo, même si la douleur physique était insoutenable, même si son esprit semblait de plus en plus aussi fragile que du cristal, réussit à se calmer. Ne resta que la tristesse, celle d'être seul, souffrant dans l'indifférence totale. Il pensa aussi, aux années qui s'étaient maintenant écoulées. Ses amis, s'ils étaient encore vivants, devaient être des personnes âgées ! Ruel et peut-être même son père avaient dû mourir depuis longtemps. Cela transperça le cœur déjà meurtri du roi déchu, mais une autre douleur, plus... viscérale, lui fit tomber une unique larme de wakfu, Amalia. Sa princesse, si tout s'était bien passé pour elle, avait dû trouver un mari, fonder une famille et devait être une personne âgée maintenant. Pensait elle à lui ? À son amour d'enfance perdu dans une guerre contre des ennemis bien trop forts ? Était elle restée seule, ou avait elle finalement dit « oui » à un autre ?

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