~Fourteen

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-"J'ai ramené le petit-déjeuner !"

Sofia entra dans la maison avant de refermer la porte, des sacs en main.

Elle retira ses chaussures et courut en chausson jusqu'à la salle à manger avant d'y déposer les sacs en papier.

Les bruits de pas dans les escaliers s'intensifièrent et sa mère accourut avant de l'enlacer avec fermeté.

-"Où est-ce que tu étais passée de si bon matin ?" Demanda-t-elle en embrassant ses cheveux.

-"Je suis allée courir."

Elle ferma les yeux pour profiter le plus possible de cette embrassade et expira longuement dans les bras de sa maman.

Elle sentit son parfum se mélanger au sien et s'emboîtait parfaitement contre son corps parce qu'il l'avait connu toute sa vie.

-"Ça sens bon, qu'est-ce que c'est ?"

La voix de son père arriva et sa mère s'écarta lentement.

-"Des croissants tout chauds." S'extasia Sofia comme une enfant.

Ils s'installèrent à table et sa mère leur donna du jus de fruits avant de les rejoindre.

C'était exactement comme ça qu'elle aimait ses journées. Se réveiller dans son lit basique, descendre ses escaliers qui grincent, aller courir autour du pâté de maison, déjeuner autour de la table avec ses parents.

Avoir une vie de moldue.

Le soleil passait entre les volets de la salle à manger, elle sentait l'herbe fraîchement coupée s'infiltrer entre les fenêtres ouvertes.

C'était un excellent matin d'hiver.

-"Comment se passe l'école, mon ange ?"

Sofia leva la tête vers sa mère qui terminait son croissant.

-"Bien, je te l'ai déjà dis hier." Répondit-elle tendrement.

-"J'ai sûrement oublié." En rit sa mère qui pourtant arborait un air peu gai.

Les médicaments fonctionnaient, en temps normal. Lorsque la routine n'était pas perturbée, du moins.

Mais l'arrivée de Sofia avait certainement chamboulé son quotidien, ne serait-ce que pour un temps.

Son père leur apporta leurs calendriers de l'avent et débarrassa la table tandis qu'elles les posaient dessus.

-"Qu'est-ce que t'as eu ?"

Sa mère regarda l'énorme chocolat que sa fille venait de retirer de la case journalière.

-"J'y crois pas, tu vas me donner la moitié." Menaça sa mère en montrant alors son petit chocolat ovale.

Sofia ricana et l'enfourna immédiatement dans sa bouche avant qu'elle ne puisse le lui voler.

-"Je te passe la moitié du mien."

Son père s'approcha alors, son chocolat à la main et sa mère roula des yeux.

-"Toi et tes chocolats alcoolisés." Souffla la femme et Sofia hocha vivement la tête, du même avis.

Elle riait.
Dieu qu'elle riait lorsqu'elle était elle-même.

-"J'ai pensé qu'on pouvait aller au parc d'attractions, avant que tu ne repartes." Proposa sa mère.

Sofia la regarda, étonnée.

-"Au parc ? Celui pour les enfants ?"

Elle sembla effectivement se souvenir de l'âge de sa fille, et laissa échapper un léger souffle amèrement amusé avant d'aller s'asseoir dans le canapé.

Sofia regarda son père, d'un léger sourire tristement entendu, avant d'aller retrouver sa mère sur le canapé.

La femme allongée laissa son enfant s'allonger sur elle et poser sa tête sur son ventre, puis elle posa ses mains sur sa tête et la caressa avec une tendresse maternelle en regardant les infos.

Son père retourna au travail, les embrassant toutes deux sur le crâne avant de les quitter.

La journée fut tout aussi paisible que les autres.
Elles firent la cuisine - ou plutôt sa mère tenta de réparer toutes ses bêtises, allèrent se promener dans le centre commercial voisin, discutèrent avec la vieille grand-mère qui habitait en face de chez eux, firent du vélo dans le parc non loin.

À la fin de la journée, elles allèrent même regarder l'immense sapin de Noël installer dans leur quartier.

Rien ne rendait Sofia plus heureuse que de sentir la main de sa mère dans la sienne.
Que de ne pas avoir sa baguette sur elle.
Que d'être humaine.

Que d'être normale.

-"Maman." Dit-elle alors qu'elles rentraient.

Sa mère se tourna vers elle, attendit.

-"Est-ce que tu es fière de moi ?" Souffla-t-elle, fragile comme une feuille d'hiver. 

La main de sa mère se crispa dans la sienne.

-"Je suis toujours fière de toi, mon ange." Répondit-elle d'une voix rassurante. "Tu es ma plus grande fierté."

C'était de simples mots qui pourtant réchauffer son cœur qui s'était glacé.

-"Tu es fière, même si je ne suis pas comme tout le monde ?" Elle releva la tête. "Même si je ne suis pas normale ?"

Elle avait un visage d'ange, c'était ce que sa mère disait toujours. Elle avait de très grands yeux noirs et de très grosses joues roses.

-"C'est justement parce que tu n'es pas comme tout le monde que je suis d'autant plus fière." Répondit sa mère. "Et être normale, au fond, qu'est-ce que ça veut dire ? Jusqu'où va la normalité ? Tu as un coeur, mon ange. Un grand cœur, deux beaux yeux pour regarder la neige, un nez pour sentir l'odeur du givre, une bouche pour réciter les chants de Noël, des jambes pour courir chercher des croissants et deux mains pour tenir celles de tes parents."

Sa mère eut un léger rire, sur le trottoir.

-"Tu me sembles normale, non ?" Demanda-t-elle en se tournant vers son enfant.

-"Je fais de la magie." Rétorqua Sofia. "Et je déteste ça."

-"Pourquoi ? Je trouve ça merveilleux, moi. Tu as des dons que la plupart des gens n'ont pas."

-"Je n'en veux pas."

-"Libre à toi de les utiliser ou pas. Le plus important, c'est de les avoir."

Sa mère sortit ses clefs et ouvrit la porte de chez eux. Elles entrèrent, le père les attendant déjà.

La mère alla murmurer quelque chose à son époux et ce dernier fixa sa fille.

Sofia alla mettre le couvert, le soleil se couchant.

-"Ma chérie."

Elle se tourna vers son père qui avait acheté un gâteau au citron en rentrant.

Elle ouvrit grand les yeux et courut vers lui pour admirer son dessert préféré de plus près. Elle avait les yeux pétillants qui faisaient sourire les deux adultes présents.

-"Tu sais-" commença son père. "Je ne peux pas dire la vérité sur ma fille à mes collègues. Ça ne m'empêche pas de leur dire à quel point tu es incroyable. Et tu sais pourquoi ?"

Sofia attendit.

-"Parce que ce qui compte, c'est toi. Ce n'est pas ce que tu as ou ce que tu n'as pas, parce qu'une Sofia sans pouvoir serait exactement pareille qu'une Sofia avec des pouvoirs : elle serait forte."

Il lui fit un clin d'oeil et lui ébouriffa les cheveux avant de passer près d'elle pour aller poser le gâteau sur le comptoir.

Et Sofia, la main sur le cœur, se rendit compte que c'était des mots qu'elle avait réellement eu besoin d'entendre.

𝐃𝐄𝐀𝐃𝐋𝐘  𝐊𝐈𝐒𝐒 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant