Partie 1 : Le déni

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Il se réveilla en sueur dans ce matelas de fortune posé à même le sol. Encore ce cauchemar. Depuis quelques temps il faisait toujours ce même rêve où il était enfermé dans un labyrinthe, courant continuellement sans pour autant y trouver une sortie. Machinalement, il chercha la main Alice pour trouver un peu de réconfort, la seule capable de calmer la terreur qui l'habitait. Il tapota encore quelques instants le matelas avant de se rendre à l'évidence. Elle n'est pas là. Il se concentra sur sa respiration, petit à petit, en suivant les conseils d'Alice, il retrouva un semblant de calme mais regretta tout de même de ne pas pouvoir la prendre dans ses bras. Il regarda l'heure sur son téléphone, il n'était même pas cinq heure. Où est-ce que tu es Alice ? La lumière de l'écran le ramena à la réalité. Il n'était plus chez eux, il n'y avait plus de chez eux. Il n'y avait plus que ce matelas posé sur le sol d'une mezzanine d'un appartement parisien que Damien lui avait prêté en attendant de pouvoir rebondir. Il est inquiet. Il avait toujours eu du mal à gérer ses émotions, préférant de loin les subir plutôt que de les affronter. Damien se doutait qu'en le laissant seul il se serait isolé et qui sait combien de temps il aurait mis pour se relever ? Ses yeux refusèrent de se refermer, le forçant à rester éveillé. Son cerveau en profita pour planter quelques graines ou bien voulait-il simplement les arracher ? Peut-être qu'ils traversaient simplement une crise ? Peut-être qu'ils avaient besoin de se découvrir l'un sans l'autre pour se retrouver ? Peut-être que cette dispute n'était qu'une dispute et que pour une question d'égo aucun ne revenait vers l'autre ? Peut-être que tout ça n'était qu'un simple cauchemar ? Peut-être qu'Alice le mettait à l'épreuve ? Peut-être que toute cette histoire venait de son imagination, qu'elle était en voyage professionnel et que lui squattait chez Damien pour avancer sur différents projets ? Qui sait ?

Malgré le dimanche ensoleillé, il n'avait aucune envie de sortir. Conscient d'être accueilli charitablement par Damien et Lina, il s'était forcé à s'habiller et à prendre une douche. Quitte à être un poids mort autant ne pas y ressembler. Il croisa plusieurs fois le regard de Lina, c'était un mélange de pitié et de colère. Elle devait le supporter lui alors qu'elle avait plus d'affinité avec Alice. Si c'était Alice à ma place, comment aurait réagi Damien ? Elle reçut un texto avant la fin du déjeuner et elle s'éclipsa rapidement prétextant avoir oublié un rendez-vous. Damien et lui savaient pertinemment qu'elle rejoignait Alice. Son regard fixé sur l'écran d'ordinateur, son cerveau se concentrait à la fois sur le jeu qui s'y déroulait et à la fois sur l'heure, quand est-ce que Lina allait rentrer ? Alice lui donnera certainement un mot pour moi. Elle avait toujours aimé écrire et pestait régulièrement contre les claviers qui avaient remplacé les stylos et les papiers. Elle l'écrira avec son stylo plume. Le stylo plume qu'il lui avait offert deux noëls plus tôt : plume en or massif, personnalisé, fabriqué en Suisse. Il s'imagina les quelques mots manuscrits qui seraient inscrits sur le papier, peut-être des excuses, peut-être un constat, peut-être allait-elle lui dire qu'il lui manquait. Toi aussi tu me manques Alice. Pour lui montrer qu'il était prêt à fournir des efforts et faire des concessions il répondrait également par écrit malgré son écriture maladroite, il lui dirait qu'il n'y avait rien à pardonner car ils étaient en tort tous les deux mais soulignerait tout de même qu'il était probablement le plus coupable des deux. Je peux prendre ce fardeau sur mes épaules. Il écrirait qu'après tant d'années ensemble il est parfois bon de se remettre en question, de mettre son couple en danger pour réaliser que l'amour est toujours présent. Exactement ce que nous sommes en train de faire. Et puis il finirait par insister sur le fait qu'elle aussi lui manque, que leur quotidien lui manque, que ce sacré chat aussi, qu'il lui laisserait le temps nécessaire pour souffler, qu'il serait toujours là à l'attendre et que lorsqu'elle serait prête elle recevra une invitation mais que les détails de cette invitation ne seront dévoilés qu'au moment opportun. Nous irions d'abord boire un verre sur la péniche Lärm, puis nous irions manger à L'oiseau blanc et, enfin, nous rejoindrions notre suite au Ritz où une bouteille de champagne hors de prix nous attendra avec ses macarons. Le retour tardif de Lina, après le diner, l'intrigua. Qu'est-ce qui a bien pu lui prendre autant de temps ? Il la regarda discrètement pendant que Damien l'observa s'installer à ses côtés sur le canapé. Il lui demanda si son après-midi c'était bien passé, elle répondu positivement sans pour autant s'attarder sur ses activités, il n'insista pas. Son regard croisa le sien. C'est le moment de me donner la lettre Lina, ne me fais pas attendre. Ils n'échangèrent aucun mot et elle se retourna vers l'écran de télévision.

Farewell, AliceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant