Alors ça y est. Il avait senti venir ce moment depuis quelques jours mais sans jamais le provoquer. Mais là, je sens que c'est le moment, j'espère en tout cas. Il fixa les yeux verts de Charlie et sentit le temps se suspendre. Et puis son corps tout entier se jeta de la falaise jusqu'à effleurer ses lèvres, elle accentua la pression, passa ses mains dans ses cheveux. Assis au bord du rivage d'un coin reculé du lac Léman, il l'avait rencontré à la fin de son trek suisse et il avait prolongé son séjour pour profiter encore un peu de sa présence. C'était la première fois depuis Alice qu'il embrassait quelqu'un, il avait rencontré quelques femmes depuis mais il n'avait pas ressenti ni l'envie ni le besoin d'aller plus loin. Pour ne pas aller trop vite. Charlie, c'est un premier pas. Aucun des deux ne l'avait dit à voix haute mais ils avaient tous les deux compris qu'ils n'étaient qu'une étape. Demain soir il reprendrait l'avion sans chercher à garder contact avec elle et elle ferait de même. C'est difficile à expliquer pourquoi est-ce j'ai besoin de faire ça. En réalité ce n'était pas aussi compliqué que ça. Il négociait avec lui-même pour se montrer qu'il était encore capable de plaire tout en voulant plaire à une personne qu'il ne ferait pas souffrir. Et Charlie est la parfaite personne. Il sentit les mains de la jeune femme se glisser sous son tee-shirt et il se laissa faire alors qu'il n'avait, au départ, souhaité qu'un simple baiser avec elle. Malgré quelques réticences de son cerveau il lâcha finalement prise et son corps retrouva ses instincts oubliés.
Lorsqu'il croisa son reflet dans le miroir de sa chambre d'hôtel, il ne pu s'empêcher de remarquer une différence chez lui. Elle n'était pas visible, elle était au plus profond de son être. Depuis des mois il supposait avoir enfin remonté la pente. Il s'était reconstruit petit à petit, non sans mal et pas tout seul, il s'était beaucoup remis en question, il s'était trompé, il avait réussi, il avait évolué. Ce soir il s'était prouvé qu'il avait refermé un chapitre de sa vie. Ce n'était pas une simple relation physique, c'était le point final à toute cette période. Il n'y aura pas de retour en arrière. Il avait repris sa vie en main. Il se sentait plus à l'aise dans son corps et dans sa tête et contre toute attente il se surprenait à s'attacher à sa vie de solitaire. L'escalade le poussait à avoir un quotidien sain, son activité professionnelle l'aidait à avoir un rythme, ses voyages lui faisait repousser ses limites. En rencontrant Charlie il avait eu un pincement au cœur, elle lui avait fait prendre conscience qu'il souhaitait tout de même partager de nouveau son quotidien et ses pensées avec quelqu'un mais pas tout de suite. En venant ici je voulais juste faire un trek et je repars avec une nouvelle prise de conscience. Finalement c'était ce qu'il appréciait le plus dans cette nouvelle partie de sa vie : être reconnaissant des petites avancées et des leçons qu'il rencontrait régulièrement. Pourtant, il y a plus d'un an, il était allongé dans son lit, totalement déconnecté de la réalité, à se laisser dépérir. Parfois il repensait encore à cet arbre qui frappait la fenêtre ou au café qu'il renversait tous les matins dans son petit appartement parisien. Je suis si loin de tout ça maintenant. C'est presque comme si c'était une autre personne, quand j'y repense j'ai cette étrange sensation que ce ne sont pas mes souvenirs. Et pourtant. En regardant la Suisse à travers son hublot il sentit que cet endroit aller rester dans les endroits qui comptaient pour lui. Peut-être qu'il ne reviendrait jamais mais une part de lui était restée sur place. Tout comme une part de lui était restée à Lille, à Paris, dans ce jardin d'hiver de cette vieille bâtisse où l'avait emmené Damien. Il se construisait partout où il allait, gardant en lui des souvenirs qui le façonnaient de façon plus ou moins profondes. Sans être dans la remise en question perpétuelle, ses moments seuls l'aidaient à mieux se comprendre et cela faisait de lui un être infiniment plus complexe que ce qu'il était auparavant et ça lui plaisait. Damien avait raison, aimer la personne que l'on est c'est essentiel. J'avais pourtant cette impression que je ne méritais rien, que je n'étais rien et je ne m'étais jamais dis que je penserais différemment un jour. Il n'était pas motivé par l'envie d'être parfait. Loin de là. Il était simplement motivé par l'idée de se connaître et de devenir une meilleure version de lui-même chaque jour. Un demi sourire se dessina sur son visage. J'avais peur d'avancer, j'avais peur de qui je pouvais devenir, j'avais peur de l'inconnu, j'avais même peur d'aller chercher de quoi manger. Je préférais de loin subir ma situation que de la changer, je me complaisais dans ma peine et je m'imaginais être le pauvre type qui s'est fait larguer par la femme de sa vie mais je suis plus que ça, même si ça fait également partie de moi. Il le ressentait, il était en phase avec lui-même. Prenant sa part de responsabilité et acceptant ses erreurs tout en étant conscient des impacts positifs qu'il pouvait avoir à la fois sur sa vie et à la fois sur celle des autres. Plus important encore, il appréciait de nouveau se lever le matin, se faire à manger. Même si je suis toujours le pire cuisinier que cette terre n'a jamais porté. S'entretenir, sortir, tester de nouvelles expériences. Il se sentait lui-même et il adorait ça. Je n'avais conscience de rien avant, aujourd'hui j'ai conscience de qui je suis et du monde qui m'entoure. Son téléphone vibra.
De Damien : « Dispo pour une partie de CS ? »
Il y a quand même des choses qui ne changent pas. Pourtant sa relation avec Damien avait changé. Ils n'étaient pas seulement plus proches, ils étaient aussi plus conscients de la rareté de leur relation. Notre lien est encore plus solide. Et même si aujourd'hui j'ai compris que chaque personne qui entrera dans ma vie laissera obligatoirement une marque plus ou moins indélébile, je sais maintenant qui est Thomas.
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Farewell, Alice
General FictionHistoire terminée et postée dans son intégralité ! ☀️ Il avait senti venir cette conversation depuis plusieurs mois sans pour autant vouloir la provoquer, au contraire. Il observa Alice se déchirer sous ses yeux, passant des cris aux larmes d'une se...