2. Vivre à Monaco

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Monte-Carlo, dimanche 7 avril 2024

JULIETTE

Je n'ai pas touché terre de la journée. J'ai couru partout et encore je n'ai pas fini. Je n'ai pas eu une minute à moi. Mais ce détail importe peu. Ce détail est même dérisoire, cela fait maintenant cinq ans que je n'ai pas eu une minute à moi.

- Je pense que tu peux mettre ça là, oui, j'indique en montrant le plan de travail.

Épuisée, je m'avachis dans le canapé d'angle crème et souffle sans discrétion.

- Bon la feignasse, tu viens m'aider ?

- Break time ! j'implore en croisant mes bras. Je suis prête à avoir un DNF.

- Alors là, hors de question. Tu bouges tes fesses et tu viens m'aider. Plus vite on aura terminé, plus vite on pourra sortir boire un verre et jouer aux touristes. Déjà qu'on a loupé une partie de la course...

- Je me demandais justement dans combien de temps tu allais me le sortir ce reproche.

Camelya, mains sur les hanches, sourcils froncés, visage sévère, me fusille faussement du regard. Je lui donne cinq secondes avant qu'elle vienne s'asseoir à mes côtés. Ce déménagement express nous aura toutes les deux achevées. Nous avons besoin de quelques minutes de repos.

Camelya Goncalves est une personne qui m'est chère, extrêmement même. Je la connais depuis moins d'une dizaine d'années et ce grâce à Wattpad. Notre amitié est née puis s'est développée avec cette application, et depuis nous ne nous sommes plus quittées. Camelya est comme une sœur pour moi, ma grande sœur en fait. Lorsque je lui ai annoncé que j'allais vivre à Monaco pendant trois mois, elle a clairement été en état de choc quelques minutes, comme si on avait appuyé sur le bouton "pause". Puis, après un long silence, j'ai entendu un petit rire et c'est à ce moment qu'elle a réalisé. Elle a réalisé qu'elle allait enfin pouvoir partir dans le Sud tous frais payés, mais surtout que...

- Putain, mais je suis trop jalouse quoi. Toi tu as vue sur la mer, un beau ciel bleu et des températures juste idéales ! Et moi, qu'est-ce que je me tape ? Un putain de ciel gris et des pigeons parisiens peu aimables.

- Ouais, la vue est dingue. J'arrive pas à réaliser.

- Mais c'est surtout que tu vis à Monte-Carlo, putain de merde ! À Monte-Carlo quoi ! Dis, dis, si tu tombes sur Charles, tu lui files mon numéro ?

J'éclate de rire. Tiens, ça faisait longtemps que je n'avais pas entendu parler de lui. Camelya me suit. Je rigole tellement que je m'en tiens le ventre. Merde, ça fait un mal de chien. Mais qu'est-ce que ça fait du bien !

- Mais tu en pleures ma parole ! me fait-elle remarquer.

Je parviens à me calmer. Pourtant, au même moment, sorti de nulle part, un rire franchit la commissure de mes lèvres et je replonge dans un nouvel éclat. Mes mains viennent trouver mon visage et j'y enfouis la tête. J'avais clairement besoin d'un moment comme celui-ci. J'avais besoin de cet instant. Cette petite pause qui suspend le temps et vient me dire "c'est OK de rire Juliette, OK de penser à autre chose que tes études". Alors, je la savoure et me laisse aller. Je ne me souviens plus de la dernière fois où j'avais autant ri, mais avec Camelya ce genre de fous rire est fréquent.

Voilà plusieurs mois que je ne l'avais pas vue. Elle habitant à Paris et moi à Aix-en-Provence, le temps ne nous permet pas d'effectuer les allers-retours et empêche de ce fait de nous voir aussi souvent que nous le voudrions. Je suis submergée par les cours, elle par la profession qui est la sienne, par les manuscrits qu'elle doit lire, les décisions qu'elle doit prendre, la responsabilité qui en résulte, les réunions auxquelles elle doit assister. Son seul compagnon est le même que le mien : son job. Et son chat. J'allais oublié son amour de toujours, après Charles Leclerc bien sûr : son British Shorthair, Hélios.

Hidden Truth [Sous Contrat D'édition] (Lando Norris)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant