Hidden Truth [Sous Contrat D'édition] (Lando Norris)

4. Premier contact

Monte Carlo, jeudi 9 mai 2024

JULIETTE

Je rêverais d'être n'importe où à cet instant plutôt que d'être assise sur un canapé du lobby de la société à panser mes blessures avec un coton et un antiseptique. Je rêverais d'être avec Lando là tout de suite plutôt que d'être avec mon maître de stage en train de jouer à l'infirmière et à la stagiaire. Je rêverais clairement de parler anglais plutôt que français. Je ne parviens pas à penser à autre chose. Tourner la page semble être une mission très délicate. La rencontre fortuite avec le pilote de McLaren m'a secouée, elle me secoue toujours. Je ne sais pas pourquoi je n'arrive pas à penser à autre chose, à voir autre chose que cet échange complice. C'était inattendu, c'était inopiné. Digne des plus belles fanfictions. Et pourtant...

C'est vrai, ça. Quelle était la probabilité pour qu'il fasse son footing à Monaco, aujourd'hui, à cette heure, à cet endroit ? C'était une chance sur un million ! Au grand minimum. Je suis complètement perdue. Complètement vide. Fatiguée. Épuisée. Je veux dormir, mais je veux avant tout le revoir et lui parler. Et dire qu'il vient à peine de rentrer de Miami qu'il est déjà en train de s'entraîner pour le Grand Prix d'Emilia Romagna de la semaine prochaine. Cet homme ne souffre donc pas du décalage horaire, tiens donc je suis pareille. Ma conscience dégage cette pensée irrationnelle d'un coup de pied ferme. Il n'empêche que lui aussi doit avoir du mal à se reposer. Oh, mais qu'est-ce que je donnerai pour le revoir !

— Juliette ?

Monsieur Cohen me tire de ma réflexion avec perte et fracas. Je détourne mon regard d'un point fixe trop appréciable à mon goût pour le poser sur celui du trentenaire qui me fait face.

— Navré, mais Lando Norris va devoir quitter ta petite tête l'espace de quelques instants. J'ai besoin de ton attention.

— Je suis toute ouïe, je signale en lui souriant faussement intéressée en même temps que j'applique le coton imbibé de produit sur mon avant-bras.

Cette chute fait un mal de chien, bordel...

— Bon, tu le sais déjà mais c'est toi qui va présenter la society devant les clients mercredi 22. (Je hoche la tête parfaitement consciente du rôle qui m'a été assigné.) En faisant cela, les teams verront alors le visage de la société à travers toi. Tu incarneras la CMC, tu seras comme représentante de la société. (Je continue d'opiner.) Bon, j'ai fait ça dans un seul but précis. On pourrait croire que je l'ai fait pour te former à l'oral, mais c'est bien plus important que l'on pourrait penser. Ce n'est pas qu'un simple petit speech assorti d'un diapo tout beau, les enjeux sont bien plus importants.

Le père de famille décroise ses jambes, prend une grande respiration et continue son monologue sous ma curiosité non dissimulée.

— La raison est simple. En te voyant sur l'estrade prêcher notre cause, les CEO et team principals associeront notre entreprise à ton visage, ils feront le lien avec toi. Tu auras réussi à leur inspirer confiance, à nouer un premier contact, un premier dialogue. Ils verront que tu as des capacités, que tu as des compétences, et que tu es intelligente. Et ça, pour eux, ça n'a pas de prix. Depuis que tu nous as rejoints, je sais une chose : tu te fais chier dans les bureaux avec la mission qui t'a été attribuée. Cela manque d'action, de fun, de complexité. Ce boulot est clairement fait pour toi, tu le démontres chaque jour. Mais ça je te l'ai déjà dit. Alors voilà. C'est toi qui iras sur le paddock conseiller les écuries et-

Alors là ! Il vient de lâcher une bombe. J'en reste coite. Il le comprend bien et me laisse la décence de digérer ce bulldozer. Alors là ! Je ne sais pas quoi dire. Mon cœur s'est arrêté de battre. Mon sang se fige dans mes veines gelées. Mon cerveau est en bug complet. Les informations ne circulent plus. Les neurotransmetteurs sont en grève. Je ne sais pas comment réagir, je ne sais pas quoi dire, je ne parviens pas à bouger un orteil ou un sourcil. C'est comme si mon corps venait de se débrancher.