Prologue

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MILAN

C'était un jour ensoleillé, d'été, presque les grandes vacances. Toutes les journées se ressemblaient d'habitude : cours, récré, cantine et rebelote sauf qu'à cette époque, personne ne mangeait à la cantine à dix-neuf heures. Personnellement je n'ai jamais aimé l'école, il n'y a que les intellos qui apprécient cet endroit, dirigé généralement par une directrice aux cheveux blancs et aux lunettes sans cesse baissées sur son nez, aussi agréable qu'une porte de prison. La seule raison pour laquelle j'allais tous les matins devant l'école et j'obligeais mon meilleur ami Aurélien à patienter avec moi, c'était elle. Anya Belinski. Petite, blonde, peau claire, des yeux d'un magnifique marron et une dentition digne d'un pub d'Oral-B. Gentille, sociable, douce, serviable, rigolote et maladroite. Bref, en soit elle est parfaite. J'étais dans sa classe depuis la primaire, elle me parlait de temps en temps. La maîtresse nous mettait toujours en binôme en sport, on faisait toujours nos exposés ensemble au collège mais malheureusement, elle n'avait jamais eu un quelconque intérêt pour moi. Les exposés sur Pearl Harbor avec moi étaient plus un fardeau pour elle qu'autre chose.
Ce qu'elle n'avait jamais su en revanche, c'est que moi, j'étais fou amoureux d'elle : le matin je me réveillais, je pensais à elle. Le midi pendant que je mangeais mes petits pois servis par Augustine, la cantinière, je pensais à elle. Elle ne quittait jamais mes pensées, même la nuit. La nuit je la voyais même dans mes rêves les plus fous et la journée je l'observais sans cesse à l'école, dans le fond de la classe ou dans le coin de la recrée.
C'est à quatorze heures, un jeudi après-midi, au début du cours de maths, que l'objet de tous mes rêves s'est levée de sa chaise pour se mettre face à nous. Elle a inspiré un grand coup alors que je voyais des larmes apparaître à la naissance de ses yeux qui m'hypnotisaient depuis bientôt dix longues années.
- Alors voilà... Si je suis venue aujourd'hui, ce n'est pas pour apprendre mes tables de multiplication mais pour vous annoncer mon départ de ce collège, à partir de ce soir.
Mon cœur s'est tout à coup arrêté de battre. Alors que les autres élèves ont premièrement demandé pourquoi, je me fichais du pourquoi du comment, je voulais la retenir aussi longtemps que je pouvais. Elle a alors repris ses explications :
- Mon rêve, ça a toujours été d'être sur scène et de faire vibrer mes fans grâce à mes musiques. Récemment j'ai eu la chance de pouvoir montrer à des professionnels ma valeur. Et une nouvelle occasion a su se présenter à moi. Malheureusement je suis obligée de vous abandonner ici pour poursuivre mes rêves.
Oh non, emmène-moi avec toi.
Ma gorge devenait sèche et les larmes commençaient à me monter. À contre-coeur j'ai tourné la tête vers la fenêtre pour m'empêcher de craquer en la voyant en larmes.
Cela voulait dire que plus jamais de ma vie je n'allais la voir. Je n'ai pas osé aller la voir après son annonce, encore trop bouleversé.
Mais c'est sans compter sur la professeur d'arts plastiques qui m'a obligé à la confronter quand elle a proposé que chaque personne dise au revoir à Anya. Ses copines sont évidemment les premières à passer, elles lui balancent des "Je t'aime Anya, et je sais que tu peux le faire !" "On est toutes derrière toi.". Au tour des gros sportifs qui lui ont dit que c'était le sang de la veine. Le petit regard de la blonde ne quittant pas celui de Calvin, le futur footballeur populaire et faisant tomber toutes les filles, ne m'a pas échappé. Vient ensuite le duo des gros intellos, plongés dans leur encyclopédie sur les dinosaures. J'ai obligé Aurélien à passer avant, ce qu'il a bien voulu faire malgré quelques réticences. Et alors que mon meilleur ami avait fini son mot personnel et qu'il s'est décalé, mon regard a tout à coup croisé celui d'Anya. Mon coeur a commencé à s'emballer tandis qu'elle m'a lancé un sourire tendre. Guidé par mes pieds, je me suis avancé et ai timidement articulé :
- Je... te retrouverai.
Ses yeux se sont écarquillés et tout le monde autour de nous a commencé à ricaner. Mes joues ont rosi et la honte s'est tout à coup emparée de moi.
Ah putain, Milan... Mais qu'est-ce que tu dis ?
J'ai baissé la tête, mal à l'aise quand une main s'est posée sur mon épaule et que l'odeur fruitée d'Anya a pénétré dans mon cerveau, j'ai tout de suite haussé la tête. Son sourire habituel était dessiné sur son visage et ses grands yeux marrons étaient habitués d'une lueur bienveillante. Sa tête s'est rapprochée de la mienne. Je suis resté bouche bée devant cet proximité alors que sa bouche s'est approché de mon oreille et elle a murmuré :
- Alors retrouve-moi, Milan. Je prends ça premier degré, c'est du sérieux...
Et elle s'est écarté, notre proximité soudaine me manquant déjà. Son sourire toujours en place.
Ensuite la sonnerie a résonné et Anya s'est éloignée pour prendre son sac et partir. Je suis resté là à l'observer faire tandis qu'Aurélien me tendait mes affaires. Je les ai prises, la tête dans les nuages. Tellement que mon ami a dû me trainer vers la sortie.

C'est la dernière fois que je l'ai vu de toute mon adolescence. Et puis vers le début du lycée, elle apparaissait sur toutes les affiches marketing, faisait les couvertures de magazine, les top vente à Cultura et très vite elle a remporté des Grammy Awards.
Je ne me suis pas contenté de me rouler les pouces. La semaine suivante, j'ai demandé une à ma mère de prendre des cours de chant.
Si elle veut la scène, je serai prêt à la rejoindre sur celle-ci...

A Brighter StarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant