Chère Mona

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La peur. La vraie. Celle qui sèche et tord le cœur, donne un goût métallique dans la bouche. La peur qui fait siffler les oreilles. Celle qui fait répéter "ce n'est pas possible", qui coup le souffle avant d'anesthésier tout le corps : plus de colère, de joie ou de tristesse, plus de douleurs, juste la peur.

Je sentais que je perdais la tête, je courrais dans tous les sens dans le bois, incapable de décider d'une direction. J'avais toujours la terrible impression que le pire se passait à l'opposé.

Je me jetais à corps perdu à travers les arbres en hurlant son nom jusqu'à se que ma gorge brûle et que plus aucun son ne s'en échappe. Le silence qui suivait était plus assourdissant que mes cris.

Ma peur était peu peu engourdie par une détresse insidieuse et malsaine qui étouffais ma raison.

Je hurlais une dernière fois.

-LOTTIE!!!

Les larmes coulaient si abondamment sur mon visage qu'elles me brouillaient la vue et trempaient mon t-shirt.

J'entendis un rire s'envoler. Je freinais des quatre fers dans ma course et suivi l'écho du rire à l'oreille. C'était un rire d'enfant, un rire qui monte en cascade de notes douces et aigues. Lottie. C'était ma Lottie, elle était vivante.

Je n'étais jamais allée aussi profondément dans la forêt, je ne pouvais que difficilement croire que Hemlock's Park possédait un terrain aussi immense.  Après un long moment à errer dans le silence, une odeur de viande grillée me parvint. Des voix d'hommes. Non, ce n'est pas possible, ils n'ont pas...

Je fis irruption dans une espèce de petite clairière à flanc de falaise, Les loups étaient là, rassemblés autour d'un brasier, ils dévoraient quelques choses. Des morceaux de viande cuite passaient de main en main. Non, ça ne pouvait pas être...

L'horreur et l'angoisse m'écrasaient la poitrine et comprimaient mes poumons, je m'avançais vers eux, il me regardaient passer en s'écartant, sans rien dire.

Elle était morte.

 Ils l'avaient tuée et mangée.

 Non c'est impossible, ça ne pouvait pas finir comme ça...

Un nouvel éclat de rire résonna. Était-ce dans ma tête?

La clairière n'était pas grande, je bousculais les loups qui me bouchaient la vue sans ménagement. Jett poussa un gémissement contrarié quand un geste brusque de ma part envoya son morceau de viande s'écraser mollement dans la poussière.

Ma sœur était là, assise à une petite table de camping, perchée sur les genoux de Liam, elle bavardait de sa petite voix flûtée en dessinant sur une grande feuille de papier.

-Lottie! 

J'étais tellement soulagée.

Elle releva sa petite bouille ronde vers moi, et son visage s'illumina avant de s'éclairer d'un large sourire ou il manquait une dent de lait. La moitié de son visage, de sa joue au menton, portait la trace rose et boursouflée d'une brûlure cicatrisée, qui descendait dans son cou pour disparaître dans ses vêtement. Malgré la chaleur, elle portait des manches longues et un pantalon. Elle bondit des genoux de Liam et sauta dans mes bras en glapissant de joie.

Je la serrais contre mon cœur. L'adrénaline était retombée, je n'étais plus qu'une flaque de larmes, épuisée d'avoir tant couru.

Elle me repoussa doucement, essuya son visage barbouillé de larmes de ses mains pleines de feutre. Avant que je ne dise quoi que ce soit sur sa fugue, elle me pris de court, comme si elle avait lu dans mes pensées.

Hemlock's ParkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant