Real face

18

Deux mois avait passé depuis ma sortie de l'hôpital. Mon rôle sur le plateau avait évolué; j'étais devenue une assistante de production, une position qui m'obligeait à être constamment sur le terrain, veillant à ce que tout se déroule sans accroc. Cela signifiait aussi que je devais interagir avec Pedro plus souvent que je ne l'aurais souhaité. Malgré mes efforts pour maintenir une distance professionnelle, les émotions étaient parfois difficiles à gérer.

Un vendredi soir, alors que le tournage touchait à sa fin, l'équipe avait organisé une petite célébration sur le plateau. L'ambiance était détendue, marquée par le soulagement collectif d'avoir terminé une semaine particulièrement éprouvante. Je me tenais à l'écart, discutant avec une collègue, quand mon regard fut attiré malgré moi vers Pedro. Il était là, riant et parlant avec une nouvelle assistante qui avait rejoint l'équipe il y a quelques semaine. Ils semblaient très proches, trop proches à mon goût même.

Tentant de dissimuler mon trouble, je reportai mon attention sur la conversation en cours, mais mes oreilles ne pouvaient s'empêcher de capter des fragments de leur échange. C'était évident, l'alchimie entre eux.

Et puis, cela s'est produit. Juste au moment où je décidais de porter mon verre à mes lèvres pour prendre une gorgée, je les ai vus. Pedro a doucement soulevé le visage de la jeune femme avec sa main, plongeant son regard dans le sien avant de l'embrasser. Un baiser qui semblait éternel aux yeux de tous ceux qui n'étaient pas captivés par leur propre petit monde.

Le verre dans ma main tremblait, et je l'ai reposé un peu trop brusquement. "Excuse-moi, je... je dois m'occuper de quelque chose," bafouillai-je à ma collègue, avant de me diriger vers une sortie, espérant que ma précipitation passerait inaperçue.

Une fois à l'extérieur, l'air frais de la nuit me frappa comme une claque. Mes émotions étaient un tourbillon de colère, de tristesse et de frustration. Je me sentais bête. Pourquoi cela m'affectait-il autant ? Pedro et moi, nous n'étions rien l'un pour l'autre, du moins pas dans le sens où je l'aurais souhaité.

"Vicky ?" La voix de Pedro derrière moi me fit sursauter. "Est-ce que ça va ? Je t'ai vue sortir précipitamment..."

Je me retournai pour lui faire face, essuyant rapidement mes yeux du dos de la main. "Oui, ça va. Je voulais juste prendre l'air."

Il s'approcha, une expression de préoccupation dessinée sur son visage. "Tu es sûre ? Parce que si c'est à cause de..."

Je levai une main pour l'arrêter. "Non, Pedro. Ce n'est pas à cause de toi. C'est juste... c'est juste une longue semaine, c'est tout."

Il me scrutait, cherchant dans mon visage quelque indice qui contredirait mes paroles. "D'accord," dit-il finalement, bien qu'il semblât ne pas être entièrement convaincu. "Si tu as besoin de parler..."

"Je sais," le coupai-je, forçant un sourire. "Merci."

Nous sommes restés là un moment, en silence, avant que Pedro ne décide de retourner à la fête. "Prends soin de toi, Vicky," dit-il doucement avant de partir.

Seule à nouveau, j'ai pris une profonde inspiration, tentant de calmer le tumulte intérieur. Ce soir avait révélé une vérité douloureuse : aussi longtemps que je serais entourée de Pedro et de ses affections changeantes, je ne pourrais jamais vraiment guérir. Peut-être était-il temps de penser à prendre mes distances, pour de bon.