Naruto : Le Projet Séraphin

Chapitre 86 : Le prédateur nocturne

Son précieux Kakashi était un imbécile.

Bien entendu, Kakashi n'était pas comme les autres humains détestables. Kakashi était très intelligent et réfléchi. Kakashi était le seul capable de le comprendre malgré sa voix éteinte. Sans prononcer des mots compliqués, Naruto et Kakashi se comprenaient dans une langue que seuls lui et Kakashi utilisaient. Toutefois, Kakashi faisait soudainement preuve de stupidité ; cela était tel qu'il se demandait si quelque chose clochait avec Kakashi, si l'esprit de Kakashi était lui aussi malade.

Tout d'abord, Naruto s'étrangla quand Kakashi se mutila, et ce, sans aucune raison apparente. Il contempla avec horreur Kakashi, qui s'était mis à arracher ses griffes toujours jeunes et nouvelles. Sidéré, le garçon aux yeux saphir se tétanisa sur place ; il était incapable de croire qu'une chose pareille était en train de se produire. Il ne pouvait qu'observer ce spectacle macabre tout droit sorti d'une séance de torture. Il cessa de respirer ; son souffle était aussi éteint que ses prunelles horrifiées.

Lorsque le premier doigt de Kakashi fut brutalisé, une douleur fantôme électrisa l'index de Naruto avec agonie. Malheureusement, un souvenir flou et terrible ressurgit. Naruto se remémora la fois où sa griffe s'était cassée ; c'était un souvenir affreux qu'il enfermait à tout prix dans sa boîte de Pandore, qui parfois fuitait contre sa volonté. Il restait des éclats de sa griffe, une longueur acceptable, mais la douleur était odieuse ; son doigt le brûlait et la souffrance s'était arrêtée quand sa griffe avait repoussé. Il n'osait pas songer à la douleur de Kakashi qui venait de se l'arracher à la racine.

Naruto ne comprenait pas pourquoi une idée aussi sordide avait traversé l'esprit de Kakashi, comme il ne comprenait pas pourquoi Kakashi écoutait son cerveau visiblement malade et sadique. Le visage de Kakashi, voilée derrière le tissu frustrant, exprima sa douleur. Naruto vit le mal frapper Kakashi de plein fouet. Cette douleur était une mise en garde ; un avertissement plus que suffisant pour comprendre qu'il ne fallait pas recommencer. La douleur est une réaction normale face au danger ; tous les êtres vivants savent une chose aussi simple. Et pourtant, Kakashi s'attaqua ensuite à son majeur.

Naruto se convainquait que le message ne s'était pas immédiatement rendu au cerveau de Kakashi. Après tout, Kakashi était affaibli ; sa faiblesse physique et sa grande vulnérabilité sabotaient sûrement son jugement. Un esprit sain ne peut pas perdurer dans la santé si le corps est malade ; l'un ne va pas sans l'autre. Kakashi était intelligent, peut-être l'être le plus intelligent de ce monde. Kakashi comprendrait la deuxième fois... mais Naruto s'était trompé. Son précieux Kakashi continuait de se mutiler, là, juste sous ses yeux.

« Pourquoi fais-tu ça...? » se demanda Naruto d'une manière abstraite.

C'était inconcevable que Kakashi, chouchouté d'une intelligence supérieure aux autres de son espèce, puisse faire une telle chose. Kakashi cherchait-il à embrasser la douleur à l'instar d'un masochiste? En fait... Est-ce que son précieux Kakashi était un masochiste? Kakashi appréciait-il la douleur? Naruto se questionna sans cesse, resta planté là et regarda ce massacre. En temps normal, il se serait jeté sur Kakashi pour l'arrêter, pour le protéger de lui-même, pour le protéger de sa soudaine stupidité destructrice et sortie de nulle part. Or, cette vision d'horreur l'enchaîna de liens invisibles et incassables.

Naruto refusait d'imaginer les souffrances encore plus grandes de son précieux Kakashi, qui venait de s'arracher le bout des dix doigts. C'était pareil que de s'arracher les dix phalanges distales. Quelque chose n'allait pas avec Kakashi. Kakashi n'avait aucune raison de se faire du mal. Kakashi ne montrait aucun signe de détresse mentale qui puisse justifier cette cruauté infligée. Naruto succombait à ces rituels autodestructeurs parce que c'était sa seule échappatoire, son seul moyen avec lequel il tenait bon et luttait contre la faim et le désespoir. Malgré le mal qui sévissait parfois dans le cœur de Kakashi, Kakashi tenait bon sans devoir recourir à la douleur comme lui.