CHAPITRE 3

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Il y a foule sur la place. Nous nous entassons les uns sur les autres, impatients et légèrement anxieux. Certaines familles sont pour le Jour Nouveau, d'autres sont contre - même si ces dernières ne peuvent pas vraiment exprimer leur mécontentement à voix haute : il y a des lois. - Le Jour Nouveau est comme devenu une tradition au fil du temps. Il est ancré dans notre histoire et fait la fierté de notre nation. Dire du mal de cette tradition reviendrait à insulter notre reine qui l'a mise en place, entraînant alors de lourdes conséquences pour celui qui aura osé en dire du mal. Toute forme de résistance est punie. Je ne sais pas quelles sont les punitions qu'ils infligent aux résistants : personne, pour l'instant, ne s'est risqué à désobéir aux lois.

De grandes banderoles ont été accrochées aux murs du royaume. Le symbole de notre nation - une rose courbée couleur sang - y est représentée. Les banderoles flottent au vent, fières et dignes.

J'enroule mes bras autour des épaules de mon petit frère et resserre mon étreinte. Il lève la tête vers moi, ses yeux noisette parcourant mon visage avec interrogation. Il n'a pas l'habitude de tout ce bruit, de toute cette agitation.

Les gens se pressent autour de nous. On doit au moins être trois cents, réunis en tas devant l'immense bâtisse du royaume.

Je tourne la tête et rencontre le regard de maman. Une mèche de ses cheveux coupés courts lui fouettent les yeux à cause du vent. Elle les repousse d'une main et attrape la mienne de l'autre. Je lui souris à mon tour, le cœur battant la chamade. Comparée à moi, ma génitrice paraît calme et parfaitement confiante.

Je ne serai pas choisie.

« - Ça va, ma puce ? » me demande-t-elle avec douceur.

Je hoche la tête, la gorge tellement nouée que je suis incapable de prononcer un mot.

Je ne serai pas choisie.

Une petite main m'agrippe le bras et le secoue. Je baisse la tête vers Ian et lui adresse un sourire qui se veut rassurant.

Tu as 10% de chance d'être sélectionnée. Ce n'est pas beaucoup.

J'ai beau me répéter ces affirmations comme un mantra, je ne peux contrôler ma respiration qui s'accélère et les tremblements qui s'emparent de mes mains.

Aujourd'hui, je risque d'être choisie. Aujourd'hui, j'ai dix-huit ans. Depuis tout ce temps, j'ai échappé au Jour Nouveau. Mais aujourd'hui, j'ai dix-huit ans. Et je ne suis plus protégée par mon âge, qui constituait ma seule barrière entre le monde de l'enfance et le monde des adultes.

Le Jour Nouveau représente le passage de l'enfance à l'âge adulte. Et je suis en plein dedans.

Le brouhaha de la foule cesse soudain, laissant place à un silence de roi. On sait tous ce que ça veut dire. J'imite les autres et lève la tête : sur le balcon du royaume, notre reine apparaît, vêtue d'une longue robe couleur sang. Ses cheveux châtain sont plaqués en un chignon parfait et un collier de perles orne son cou. Les mains croisées derrière son dos, son regard semble se poser sur chacun de nous. Elle nous domine de toute sa hauteur, fière et majestueuse.

Deux hommes se tiennent à ses côtés, droits comme des piquets. L'un est grand et imposant, tandis que l'autre est plus petit et semble moins sûr de lui.

Une bonne vingtaine de gardes sont postés devant les portes du royaume, et quatre autres se tiennent derrière la reine, prêts à intervenir si ça dégénère - même si aucun de nous n'a jamais tenté d'émeute. -

Après nous avoir observé longuement, le sourire aux lèvres, Priscilla esquisse un mouvement de la main, à peine perceptible. Un homme à la carrure impressionnante et portant un costume entièrement gris s'avance sur le balcon. Il se place à ses côtés et lève un micro devant elle, attendant patiemment que cette dernière commence son discours.

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